PARTY POISON
Tony K. Dalle
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Les dieux étaient contre lui. Il n’y avait pas d’autre explication possible. Cain en était certain, car s’il y avait effectivement quelqu’un là-haut dans le ciel, et bien ce quelqu’un devait le détester. Purement et simplement. Tout d’abord, son réveil n’avait pas sonné, et c’est en panique qu’il se réveilla et constata qu’il avait déjà 20 minutes de retard à son premier cours. Exaspéré, il décida de prendre une douche rapide avant de se rendre à la salle qu’il occupait habituellement, mais c’était sans compter la panne de chauffe-eau survenue un peu plus tôt dans la matinée. C’est donc un jet d’eau glacée qui accueilli Cain sous la douche, ce qui n’acheva pas de l’énerver. Excédé, il se mit en tête de se laver encore plus rapidement qu’il ne l’avait prévu à la base et enfila un jean ajusté et une chemise d’un blanc immaculé, le tout d’une simplicité extrême qui ne faisait que rendre justice à son physique agréable. Arriva alors l’heure de se coiffer, et c’est avec horreur que le mutant constata que sa brosse à cheveux ne répondait pas à l’appel. C'est hors de ses gonds qu'il s’attacha les cheveux histoire de faire bonne figure et se rua hors de sa chambre afin d’assurer son premier cours. Il rencontra quelques élèves sur son chemin auxquels il ordonna d’emblée de prévenir les autres de son arrivée avant de se rendre à la salle de classe dans laquelle il aurait déjà dû se trouver trente minutes auparavant.

Au final cette demi-heure de retard n’influa pas énormément sur le déroulement de son emploi du temps, seulement sur son humeur. Effectivement, Cain était d’une humeur massacrante et le faisait bien savoir à ses élèves les plus turbulents, qu’il punissait à tout va, si bien que le silence se fit d’or pendant ses cours. À la fin de la journée, le professeur d’histoire décida d’aller boire un verre afin de détendre ses nerfs à fleur de peau. Il se dirigea alors vers celui qu’il côtoyait habituellement et s’installa devant le comptoir, duquel il put apercevoir une scène qui acheva de l’énerver, il ne savait pas pourquoi d’ailleurs. Un peu plus loin se trouvait l’homme au briquet qu’il avait rencontré quelques temps auparavant, accoudé au bar en ce qui semblait être bonne compagnie. Trop bonne compagnie. En effet le beau brun discutait – très vivement – avec une jeune femme blonde possédant tous les attributs qu’un être de sexe féminin pouvait posséder à ce jour. Ceci doublé par une robe coupée courte que ce soit en haut ou en bas, ne cachant quasiment rien d’un corps bien que trop facile à deviner. Elle semblait très proche du télépathe et ne cessait de rire de tout ce qui sortait de la bouche de celui-ci. Agacé, Cain commanda une boisson plus forte que celle qu’il venait à peine d’entamer, et se tourna grossièrement vers l’autre bout de la pièce – celui où le petit couple ne risquait pas d’obstruer sa vue.

Malgré le fait qu’il ne voyait plus les deux jeunes gens, Cain pouvait encore les entendre, et c’était bien là le problème : il n’avait jamais entendu pareils sous-entendus de toute sa vie. Il était de plus en plus exaspéré et cela se remarquait à la quantité d’alcool qu’il consommait, grandissant à mesure que la conversation du couple s’animait. Cependant son calvaire pris fin quelques longues – très longues – minutes plus tard, alors que la demoiselle s’en allait, prétendant un imprévu. Lorsqu’il n’entendit plus le rire outrageusement aigu de cette dernière, Cain se risqua à jeter un œil à ce qu’il se passait et fut rassuré de voir qu’elle n’était plus là. Cependant son soulagement fut de courte durée puisque le télépathe ne remarqua que trop vite sa présence…

Dans notre monde, y en a qui ont une vie pourrie, d'autres une respectable, voire bien... Et d'autre qui ont la gueule de bois. Une énorme gueule de bois. Sa bouche était pâteuse, son visage comme anesthésié. Il ouvrit lentement les yeux, il lui semblait que sa tête était sur le point d'exploser, que son corps pesait des tonnes. Il finit par se redresser, se passant une main sur le visage, caressant quelques instants son bouc. Il balaya des yeux la pièce, s'arrêtant sur les cadavres de bouteilles, les vêtements jetés ici et là. Tony finit par s'étirer, s'extirpant de son lit, glissant une cigarette à ses lèvres.

Une nouvelle journée commençait.
Un autre jour, comme les autres.

Il avait quitté l'hôtel après une brève douche, se dirigeant ici et là dans les rues bondées de New York. Une ville qui respirait la vie. Sa journée fut morne, sans grand intérêt. Il avait vagabondé, sourire aux lèvres, allant à sa guise dans les grandes allées de la ville. A la fin de la journée, comme à son habitude, il se dirigea vers le même bar, à la même heure. Il s'accouda au comptoir, commandant le même spiritueux, sombrant dans les vapeurs de l'alcool. Quand soudain, une sublime créature l'accosta. Ses longs cheveux dorés dansaient dans son dos, ses yeux bleus pétillant... Tony eut un sourire, passant son bras autour de sa taille, l'attirant doucement à lui.

- Puis-je vous offrir un verre, milady ?

Le charme combiné de son sourire colgate et de son accent british eurent un effet immédiat. La sirène lui répondit d'un sourire presque satisfait, l’entraînant avec elle vers l'une des tables.

- Tu ne m'écoutes plus.
- Tu as 12% du moment voyons, ma chère.
- 12% ? Et pourquoi pas 100 ?
- Tu n'aurais plus tes vêtements à 100%.

Elle rit, mais, était-elle réellement amusée ? Ou feignait-elle une politesse, qui serait en fait des plus incongrue vu la nature du lieu. Il aurait simplement pu lire ses pensées. Mais, où aurait été le jeu s'il l'avait fait ? Il la fixa longuement, analysant chaque parcelle de sa peau, de son visage, cherchant une faille où se glisser. C'est là qu'il remarqua les clefs de voiture dépassant de son sac.

- Tu aimes les belles voitures ? J'adore les grosses carrosseries pour ma part... Ou, celles possédant des courbes avantageuses, mise en avant via une courte ro- ligne...

Elle arqua un sourcil, le fixant.

- Non... ? C'est fort fâcheux.

La discussion continua quelque peu, quand soudain, la sirène s'évapora, s’enfuyant en prétextant un imprévu, laissant ainsi Tony seul à sa table. Et lentement, un picotement lui monta le long du cou. Hm... Il y avait quelque chose d'étrange. Comme une sensation de... Déjà-vu ? Il se retourna alors, plantant son regard noisette dans celui océan de Cain. Il soupira, attrapant son verre à moitié vide, parcourant les quelques mètres qui les séparait, s'asseyant à côté de lui au bar. Sortant une cigarette de son paquet, il fixa l'autre homme de biais.

- Tu me dois toujours un briquet je crois hmm ?

Il attendit que ce dernier lui tende le dit briquet, allumant alors sa clope. Reposant son regard sur l'autre mutant.

- L'on se croise un peu trop souvent à mon goût. Tu serais pas l'un de ces fans qui suivent leur star jusqu'au bout du monde ? Loin d'moi l'idée d'me prendre pour une star hein... Mais. Enfin. L'exemple était fort approprié.

Tony balayait l'endroit de son regard noisette, ne s'attardant que très peu sur l'autre mutant à ses côtés. Ce mec était louche. Tony le sentait. Cette méfiance viscérale qu'il éprouvait à son contact, cette sensation de dégoût profond qui lui tordait le ventre. Comme deux aimants se repoussant.
« Non, je ne suis pas un fan obsédé et non, tu n’es pas une star. Ce n’est que pur fruit du hasard si on se croise si souvent ces derniers temps. »

- Le hasard n'existe pas. Ou du moins.. Je n'y crois pas.

Il tira une longue bouffée sur sa cigarette, laissant la fumée lui brûler la gorge ; le détruire un peu plus. Les yeux dans le vague, il fixait le liquide mordoré qui luisait au fond de son verre. Il passait ses journées à boire. Il passait ses journées à fumer. Le génie ne faisait plus rien. Et personne ne faisait plus appel au génie. « Au fait, la demoiselle avec toi ce soir, elle est partie bien brusquement… Qu’est-ce que tu lui as fait pour qu’elle prenne la fuite comme ça ? » Tony planta alors son regard dans celui de Cain, laissant un fin sourire étirer ses lèvres, alors qu'il caressait sa barbe, passant deux doigts sur le long de sa moustache. Le sourire moqueur de Cain en disait long sur ses pensées, si bien que Tony n'eut même pas besoin de se connecter à l'esprit de l'autre mutant pour savoir ce qui allait suivre. « Peut-être n’a-t-elle pas compris la nature de ton sous-entendu à propos des voitures ? Ou peut-être qu’elle t’a vu trop souvent, elle aussi. »

- Génial, ça veut dire que tu vas aussi disparaître !

Il se força à sourire de toutes ses dents, ironique. Il finit par replonger dans son verre, le vidant d'une traite. Lui aussi semblait être plus que pathétique en cet instant. Avec ses cheveux en pétard, sa barbe de plusieurs jours, à noyer il ne savait quoi dans l'alcool. Il était le reflet de la société de l'époque. Angoissé, tendu, sombre. A se terrer sous des sourires factices, à mener une existence qui ne menait à rien. Il adressa un léger coup d'oeil au barman, commandant, encore une fois, à boire. Il finit par se tourner vers Cain, détaillant son visage, son allure.

- … Je te paries un verre qu'il y a une bagarre ce soir.

Étrangement, à chaque fois que les deux hommes se retrouvaient dans un pub, l'ambiance de celui-ci dégénérait quelques temps après. L'alcool n'est jamais bon pour le calme. Il ne set qu'à révéler ces pulsions les plus profondément enfouies en chaque être humain. L'alcool est un révélateur. Un mauvais révélateur. Peut-être est-ce pour ça que tout le monde l'aime tant ? Tony eut un soupir amusé, alors qu'il écrasait son mégot dans le cendrier, le barman lui présentant son verre. Il fit légèrement tourbillonner le liquide y trempant ses lèvres. Cette routine le lassait. Se lever, boire, fumer, errer, boire, procréer, dormir. Un cercle vicieux à répété à l'infini.

- Et que tu te retrouvera encore une fois le visage en sang aussi.

Un énième sourire éclaira son visage, alors qu'il fixait Cain de biais.

- Poor Miss Braid ~