Il écoutait le silence de la nuit, les yeux rivés sur la fenêtre, observant d’un air curieux le ciel s’éclairer. Il n’était pas fatigué, ça avait toujours été ainsi. Dormir ne semblait pas fait pour lui. Le sommeil n’avait que trop peu d’emprise sur sa personne. Quelques heures, une seule parfois, lui suffisait pour être aussi éveillé que n’importe qui. Et dormir ne lui plaisait pas. Il avait avantage à fuir ses rêves agités pour vivre dans la réalité et se cacher d’une histoire que son inconscient n’avait de cesse de lui rappeler.

Il tourna un peu la tête, son visage éclairé par la lueur du petit matin levant, et posa les yeux sur l’horloge. Quelques heures encore, avant le rendez-vous, juste le temps de se rendre. Jouer les protecteurs n’était certes pas ce qu’il préférait faire le plus. Il avait toujours été un homme dans le feu de l’action et détestait tout particulièrement le rôle de gardien d’enfants. Oui, car pour lui un être incapable de veiller sur lui-même était peut-être mieux de mourir, parfois. Il n’avait, sur ce coup, pas été mis au courant. Il ne savait quasiment rien si ce n’était de l’argent de celui ou celle sur qui il devait veiller. Ce ne devait pas être un contrat trop long, quelques heures, maximum.

Il allait chercher sa veste, aussi sombre que son caractère voilé, et sortie en coup de vent de l’appartement silencieux. Il espérait ne pas avoir à attendre trop longtemps entre ici et là-bas. Il avait l’habitude de voyager entre New-York et ailleurs, mais ne le faisait plus depuis son retour. Il s’était cloitré comme une huitre dans un chez lui, solitaire qu’il était. Le thérapeute qui le suivait encore avait supposé que ça ne pourrait que lui faire du bien de voir autre chose que les quatre murs froids de son appartement. Il décolla donc pour la Nouvelle-Orléans en songea qu’il n’y avait jamais mis les pieds jusqu’à maintenant…

L’heure tapante. L’homme entra discrètement dans la place publique, jetant un regard circulaire autour de lui, sur la foule présente. Attablés, plusieurs couples, quelques solitaires, personne ne se préoccupait de lui, fort tant mieux. Tout au long de son voyage, il avait eu le temps de feuilleté le document qu’on lui avait fourni, alors qu’il demandait toujours un minimum d’information sur l’individu. Il avait eu le plus souvent à faire avec des hommes de plus ou moins grandes importances. Les femmes étaient beaucoup plus rares et il n’avait jamais travaillé avec l’une d’elles. Il ne pu s’empêcher de ressentir une certaine inquiétude : leur impatience l’agaçait souvent. Il espérait surtout ne pas avoir à faire avec une espèce de groupie cinglée et écervelée qui ne l’écoutait pas. Il s’avança entre les tables, fixant son regard aussi loin que les murs entourant le lieu le lui permettait, détaillant tout ce qu’il y avait autour de lui, par habitude.

-Mademoiselle Pendragon, je présume, lâcha-t-il d’une voix neutre, sans enthousiasme apparent, sans réelle émotion, pour dire vrai.

Il restait sérieux, hors de question de faire mauvaise impression, tout de même. Aussi droit qu’une barre de fer, il avait fière allure. Seules ses pensées vagabondes trahissaient son comportement exemplaire.

-Je suis Jayden McFear. Si vous m’exposiez la situation?

Il était franc et directe, détestant passer par quatre chemins pour arriver à destination. En gros, il lui signifiait qu’il n’était pas venu pour autre chose que pour le boulot.