- Viens avec moi, Lucy.

Trois ans s'étaient écoulés et sa voix la hantait encore, distincte, désespérée. Bien des souvenirs poursuivaient une personne toute une vie, et à cela s'ajoutaient soit la colère soit la tristesse soit le regret. La colère car elle n'avait pas su retenir son frère qui était parti sur un coup de tête loin d'elle. La tristesse car il lui manquait terriblement et elle se sentait seule, perdue sans cette partie d'elle. Le regret car malgré elle, elle aurait aimé le suivre, mais elle n'était pas aussi impulsive que lui et elle aimait se sentir en sécurité. Lucy secoua sa tête devant le miroir avant de se brosser lentement les cheveux d'un air pensif. Au moins, à l'institut, même si elle ne parlait à personne, elle avait un toit, de quoi manger, et surtout elle était écoutée et rassurée par des personnes qui étaient comme elle : des mutants. Après avoir passé toute sa vie à se dire qu'elle était un monstre de foire, une erreur de la nature, elle réalisait qu'elle n'était pas unique et qu'elle pouvait être aidée. Elle s'empara d'un livre et de sa veste avant de quitter le dortoir dans lequel elle passait la plupart de son temps, en-dehors des cours.

Elle aimait longuement parcourir l'institut, essayer de découvrir ses secrets mais elle se rendait compte que faire tout ceci seule était loin d'être finalement amusant. Lucy poussa un léger soupir et jeta un coup d'oeil aux personnes qu'elle croisait dans les couloirs. Elle ne regardait jamais bien longtemps les gens, elle avait peur de les effrayer, de les repousser plus qu'elle ne pensait le faire. Elle corna nerveusement une page de son livre avant d'arriver vers les portes de l'institut, afin de s'installer dans le parc, mais au moment d'ouvrir les portes, elle les traversa brutalement en poussant un petit cri de surprise. Lucy, effrayée par ses propres capacités, regarda tout autour d'elle, en serrant le livre contre sa poitrine. Il lui semblait que personne ne l'avait vue. Pourquoi était-ce automatique? Pourquoi devait-elle toujours traverser les murs ou les portes au lieu de se comporter normalement? Elle aimerait tellement pouvoir se comporter normalement, ne serait-ce qu'une fois !

Sentant une crise de panique revenir, elle se dirigea rapidement vers un banc et s'y installa avant d'y poser doucement ses mains et de tenter de respirer lentement, calmement. Lucy gratta frénétiquement la surface du banc en se mordillant la lèvre inférieure. Elle ferma petit à petit les yeux en se balançant d'avant en arrière. Elle devait réellement trouver un moyen de devenir sereine et de contrôler ses pouvoirs, au lieu d'être contrôlée par eux. Mais elle ne se sentait pas tellement soutenue, en se sentant si seule. Lucy se décida à finalement ouvrir ses yeux, préférant affronter le monde et la sérénité, avant de lever lentement sa tête, se sentant observée...

Le ciel était sombre, menaçant. Des boules de feu tombaient un peu partout sur la ville de New-York. Les gens hurlaient, criaient et couraient dans tous les sens... quand soudain ! Un oiseau ? Un avion ? Non, c’était Sean Cassidy, faisant un saut en chute libre en haut d'un building et hurlant à plein poumons lorsqu'il toucha presque le sol. Tel un aigle, il se redressa, les bras le long du corps, remontant vers ce qui semblait être un vaisseau. Il se mit à hurler de nouveau, détruisant l'appareil qui menaçait la ville. Une fois la mission accomplie, Sean se posa sur le sol alors que les gens l'applaudissaient. C'est avec un très large sourire que le mutant saluait la foule. SEAN ! SEAN ! SEAN ! SEAAAAAN !!! En un sursaut, Banshee se réveilla. Les cris de la foule s'étaient transformé en un seul et avait pris une intonation plus enfantine. C'était un jeune mutant. Il se trouvait là, debout, face au lit de Sean. Souvent, ce jeune garçon venait dans la chambre d'un des professeurs après un horrible cauchemar. Sean avait l'impression d'être une nounou. Il devait apaiser les uns, soigner les autres, raconter des histoires au plus jeunes, sermonner les plus âgés pour qu'ils aillent dormir... Mais Sean aimait son job, malgré tout. Il regrettait juste un peu le temps où Hank, Alex et lui, étaient les seuls pensionnaires de l'institut. Ou peut-être regrettait-il de ne plus être un adolescent ? Il était encore un peu gamin sur les bords et tentait sans cesse de garder son âme d'enfant, mais les responsabilités auxquelles il devait faire face au quotidien le faisait inévitablement mûrir.

Après avoir rassurer le jeune mutant - et lui avoir prouvé qu'aucun monstre ne se trouvait sous son lit - Sean tenta de se rendormir, sans succès. Quelques minutes passèrent avant que Sean ne se décide à sortir de son lit, à contre-coeur. En passant la porte, il songea à mettre un verrou à sa porte afin d'éviter les futurs intrusions, en plein milieu de la nuit ou lors des matins de repos qu'il pouvait s'octroyer. Dans les couloirs, le silence était presque total. Quelques mutants passaient, mais la plupart dormaient à poings fermés. Sean prit un petit déjeuner rapide dans la cuisine, histoire de bien se réveiller. Hank était déjà debout et semblait préoccupé. Sean n'osa pas le déranger, et après son café, il sortit à l'extérieur pour prendre un peu l'air frais. Le ciel était particulièrement clair, loin de ressemblait au ciel apocalyptique de son rêve. Les oiseaux gazouillaient et quelques élèves s'amusaient, faisant du sport ou des jeux calmes. Mais Sean remarqua qu'une élève ne semblait pas autant s'amuser que les autres. Il l'avait déjà vu, à de nombreuses reprises. Elle était souvent seule et peu de personnes approchaient d'elle. Sean n'avait pas l’intention de la laisser dans son coin, alors, il approcha de quelques pas. Inquiet, il se demandait si la mutante n'était pas malade. En effet, la jeune fille avait les yeux fermés et semblait agitée. La présence de Sean devait se faire sentir, puisque la brunette ouvrit les yeux.

— Tu n'as pas l'air d'aller très bien. Tu veux aller à l'infirmerie ?

C'était la première question que Sean eut en tête. Lorsque les élèves n'allaient pas bien, ils pouvaient se rendre à l'infirmerie pour recevoir les soins appropriés. Sean prit place sur le banc, attendant une réponse. Il espérait ne pas déranger. S'il le fallait, il resterait avec la mutante pour lui tenir compagnie.