Le sexe est la seule manière qu'ont les gens de se défouler. Ça, ou se saouler complètement.

Le sexe est la seule manière qu'ont les gens de se défouler. Ça, ou se saouler complètement. - Björk
William Winckworth & Alexander Jordan
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Une pluie fine tombait dans les rues de New-York. La plupart des passants avaient sorti leurs parapluies, ou alors, comme Alexander, avaient remonté le col de leurs vestes pour éviter que les gouttes ne s’insinuent dans le cou. Le jeune homme marchait droit devant, sans faire attention à ce qu’il se passait autour de lui, perdu dans ses pensées. Après quelques semaines, le chemin entre sa chambre d’hôtel et le bar où il travaillait avait fini par lui devenir familier, à tel point qu’il aurait pu le parcourir les yeux fermés.
Après quelques minutes, alors que la pluie redoublait, Alexander arriva enfin à son lieu de travail. Il courut presque se réfugier à l’intérieur de l’établissement et retira sa veste, appréciant la chaleur de la salle. Il n’y avait pas encore de clients mais les premiers ne tarderaient pas à arriver.

On aurait dit que le mauvais temps avait poussé les citadins à se ruer dans le restaurant. Il n’y avait plus aucune table de libre et il y avait toujours une petite file d’attente. Alexander slalomait entre les tables, portant ses assiettes avec l’agilité du métier. Il ne savait pas comment il parvenait à ne pas tomber entre le sol rendu glissant par les traces de pas humides, peut-être avait-il un pouvoir spécial.

Les cuisines avaient fermé, les tables s’étaient peu à peu vidées. Ce n’était pas la fin de la soirée pour Alexander, loin de là, mais il profitait de ce creux pour souffler un peu.
Ce n’était pas le métier dont il avait rêvé, loin de là ! mais ça payait le loyer. Et ça lui permettait d’oublier pendant quelques heures Elijah Moore. Ça lui permettait de ne pas penser à sa quête qui paraissait parfois ne pas avoir de fin.

Une nouvelle vague de clients venait prendre possession de l’établissement, s’installant aux tables ou au bar. Alexander ne guettait absolument pas chaque nouvelle personne qui entrait. Il ne faisait pas attention à l’heure qui passait. Il n’essuyait pas ses verres avec des gestes brusques. Et lorsque il arriva, Alexander ne sourit pas. Non, absolument pas.

Il était près de deux heures, le bar n’allait pas tarder à fermer. Les derniers clients s’en allaient, lentement mais sûrement. Tandis qu’il nettoyait le bar, Alexander observait ses collègues mettre les chaises sur les tables, préparant la salle pour passer la serpillière. Puis son regard se posa sur William, qui était encore assis au bar, ce qui était inhabituel de sa part. Cela faisait plusieurs fois que Alexander voyait l’homme venir ici, et ils échangeaient souvent quelques mois, mais tout en gardant une certaine distance. A vrai dire, Alexander ne connaissait de lui que son prénom s’il y réfléchissait. Mais il y avait quelque chose qui attirait son attention sur William, il ne savait pas très bien quoi. Comme s’il l’avait déjà rencontré.
Alexander s’approcha du client et s’arrêta face à lui. Il posa les mains sur le bar et tenta de capter son regard.
« On va bientôt fermé, indiqua-t-il d’une voix calme. »
Alexander était certain que l’homme n’était pas dans son état normal. Habituellement ils échangeaient toujours quelques mots, mais ce soir William avait à peine parlé, se contentant de boire à sa place.

Spoiler:

— Jamais je ne rejoindrais le club des damnés !
— Allons, Frank, relax... détends-toi un peu...
— Ce n'est qu'une bande d'incapables qui ne pensent qu'à eux ! Laissez-moi tranquille bon sang, ou je vous tue tous un par un !

William fit une drôle de tête. Il était partagé entre la crainte et l'amusement. Il levait deux mains en l'air, à la hauteur de son torse, comme pour se protéger de l'homme face à lui qui paraissait furieux. William était venu quelques fois pour essayer de convaincre Frank Margianello de rejoindre le club des damnés. Cet homme était en réalité un mutant, avec de puissantes griffes rétractables et une capacité de caméléon. Physiquement, il ressemblait à un molosse et avait une carrure à faire de l'ombre à un gorille. Il ne voulait pas rejoindre le club des damnés à cause de nombreuses opinions personnelles, mais tous les trois mois, il recevait une visite d'un des membres pour essayer de le convaincre de les rejoindre. Frank, en plus d'être un puissant mutant, était un homme d'affaires redoutable. Il avait plusieurs contact avec divers hommes du gouvernement. William n'en savait pas plus sur lui, mais autant l'avoir dans la poche, ce qui s'avérait être une tâche très difficile.

— Ça alors... j'aurais jamais imaginé qu'un homme aussi...puissant que toi... puisse être aussi effrayé.
— Effrayé !? Effrayé tu dis !? Je vais te faire voir ce qu'est la peur...

Un homme, sortit de l'ombre, avança près de William, accompagné de deux gorilles. Les deux derniers passèrent derrière William avant de lui attraper les bras, le maintenant calme pendant que l'homme en face de lui le fixait. William ne savait pas bien ce qu'il venait de se passer, il se mit à hurler. Frank, ravi de voir que sa nouvelle trouvaille était bien plus qu'utile, se mit à sourire à pleine dents. Puis, avançant vers William, il sortit ses griffes d'un petit centimètre et lui donna un coup de poing dans les côtes. Les griffes s’enfoncèrent dans la peau afin de laisser de petites marques sur leurs passage. Il n'avait pas blessé William au point de l'emmener jusqu'à l’hôpital, mais assez pour le dissuader de revenir l'emmerder. La pluie commençait à tomber lorsque les deux hommes relâchèrent William qui tomba lourdement sur le sol. Les quatre mutants disparurent dans l'ombre, laissant un homme confus à terre.

Jamais William n'aurait cru pouvoir se relever. Il avait vu des choses dans son esprit qu'il aurait préféré ne jamais voir. Se dirigeant vers le bar où il avait l'habitude de se rendre, William appuya une main sur ses cotes et referma correctement sa veste en cuir contre les plaies peu profondes. Il y avait juste quelques égratignures et peu de sang. Prenant place au comptoir, William commanda un verre, puis un autre. Il avait tellement l'habitude de boire durant toutes ces années que l'alcool mettait du temps à faire effet sur lui. Il lui fallait au moins dix verres pour se retrouver éméché, vingt pour ne ressembler à rien. Il en était à son cinquième verre lorsque Alexander, un des serveurs, s'avança vers lui, annonçant la fermeture du bar sous peu. William fit un sourire et termina son verre.

— Bientôt ? J'ai encore le temps dans ce cas. Un autre...

William essuya ses lèvres et reposa son verre sur le comptoir. Il attendait qu'on le serve à nouveau. Il voulait oublier les images qu'il avait vu dans son esprit, des images qu'il aurait préféré enterrer dans son crâne. Il y avait également des choses qu'il n'avait pas vécu mais dont-il avait peur. Des images atroces qui ne pourraient pas s'effacer aussi rapidement qu'elles s'étaient nichées dans son esprit. William soupira, fixant le fond de son verre.

Spoiler:

William esquissa un sourire teinté d’ironie et lui demanda un autre verre après avoir fini celui qu’il avait. Alexander l’observa quelques instants avant de soupirer à son tour et de prendre le verre vide. Il le rinça et le mit à égoutter au bord de l’évier, saluant les derniers clients qui partaient. Il prit un chiffon humide et nettoya le bar, revenant à la place de William, qui n’avait pas bougé d’un pouce. Alexander s’arrêta et s’appuya contre le comptoir.
« Je crois que vous avez assez bu pour ce soir, déclara-t-il d’un ton calme. »
Alexander essayait de faire attention à ce qu’il disait. Il savait à présent qu’il fallait souvent surveiller ses mots en parlant avec des clients qui se comportaient comme William ce soir, car la mauvaise humeur et l’alcool faisaient rarement bon ménage et ils devenaient beaucoup trop facilement irritables. Il avait encore à peine deux jours, Alexander avait dû appeler la police pour venir chercher un client qui refusait de partir et provoquait les serveurs.
Le jeune homme reprit sa tâche. Il contourna le bar pour nettoyer de l’autre côté. En retournant près de William, il remarqua quelque chose d’étrange chez ce dernier. Il se figea, la bouche légèrement entrouverte.
« Qu’est-ce que vous vous êtes fait ? interrogea-t-il d’une voix plus élevée à cause de la surprise. »
William avait ouvert sa veste et Alexander venait d’apercevoir les traces de sang qui avait peu à peu imbiber son T-shirt au niveau de ses côtés.
Par pur réflexe, Alexander esquissa un geste pour retirer le vêtement du client et avoir un meilleur regard sur ses blessures. Même après deux ans, il avait gardé certaines habitudes héritées de l’université. Peut-être même était-ce dans ces gènes, songea-t-il un brin sarcastique en pensant à son père.

Spoiler:

William ne trouvait pas qu'il avait assez bu, au contraire. Il observa son serveur quelques secondes avant de soupirer, mécontent. Il voulait boire, il en avait besoin. Il voulait oublier ces visions. Mais peut-être que l'alcool n'allait rien y changer. Il garderait ces images dans sa tête, qu'il le veuille ou non. William n'avait pas bougé d'un centimètre et restait là, assit sur son tabouret, le regard rivé sur les faits et gestes d'Alexander qui nettoyait le comptoir. William n'avait pas envie de partir, il ne voulait pas retrouver son appartement vide, sans la présence de son fils, sans la présence de quiconque. La solitude qui l'avait accompagné durant tant d'années n'avait pas servi. Aujourd'hui, William n'aimait plus être seul. Alors, il restait à ce comptoir autant qu'il le pouvait, pour avoir de la compagnie.
Tout en observant les derniers clients qui s'en allait, William n'avait pas remarqué que sa veste de cuir s'était écartée suffisamment pour que son tee-shirt légèrement tâché de sang soit visible. Il eut un petit sursaut de surprise en sentant une main frôler sa veste. Alexander avait remarqué la blessure, ce qui ne manqua pas de faire soupirer William de nouveau. Le mutant remit correctement sa veste contre la blessure comme si ce simple geste pouvait faire oublier ce qu'il avait.

— Trois fois rien, ce n'est qu'une égratignure, ça va guérir.

La grimace sur le visage de William trahissait un peu sa réponse. Même si ce n'était pas une blessure importante, la douleur était là, les picotements aussi. William ne s'était pas résigné à se lever pour autant mais y songeait. Il devait bien laisser les gens travailler ou se reposer, il n'allait pas pouvoir rester là éternellement.

— Un enfoiré de première s'est cru malin en essayant de m'impressionner... voila le résultat. J'ai l'habitude, ce ne serait pas ma première blessure vous savez.

C'était sûrement la première fois que William voyait le serveur d'aussi prêt. Aussi, il remarqua en lui quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant. Des traits qui lui semblaient familiers. Peut-être l'effet de l'alcool, à moins que Alexander ne ressemble à des types que William ait pu rencontrer au cours de sa piètre existence.

— J'imagine que ma présence ici commence à être pesante. Je vais partir... puisque je ne peux plus rien boire.

William grimaça de nouveau en se levant. La blessure le tiraillait. Il espérait ne pas avoir été infecté par la blessure ou par les horribles griffes du mutant qui avaient dû traîner un peu partout.

Avant qu’Alexander n’est pu jeter un œil à la blessure de William, celui-ci remit sa veste correctement, lui faisant clairement comprendre qu’il ne voulait pas de son aide. Le serveur se redressa, tandis que son client tentait de le rassurer. Cependant son visage trahissait ses mots, ne laissant acun doute à Alexandre sur son véritable état.
Il retit difficilement un haussement de sourcils lorsque William lui apprit qu’il avait l’habitude de ce genre de désagrément. Il ne l’avait pas vraiment imaginé du genre à se battre. A vrai dire, Alexander ne s’était jamais posé la question sur ce que pouvait faire William, sur ce qui pouvait le motiver à venir régulièrement boire seul au bar. Peut-être traînait-il dans des histoires louches. Ce ne serait pas le premier à faire ça pour arrondir ses fins de mois, et ça pourrait expliquer pourquoi il refusait d’aller voir un professionnel, car ça risquerait de soulever trop de questions.
Alexander voulut dire quelque chose, mais William se leva au même moment annonçant qu’il allait partir. A nouveau le client fit une grimace et Alexander posa aussitôt sa main sur son bras.
« Vous devriez voir quelqu’un… »
Mais en prononçant ces mots, il sut que William ne l’écouterait pas. Il reprit alors, resserrant sa prise sur l’avant-bras du client.
« J’ai quelques notions en médecine et de quoi vous soignez chez moi, annonça-t-il d’un ton ferme. Si vous m’attendez, je pourrais vous aider. »
Il retira sa main lorsqu’il eut finit de parler, mais ne lâcha pas William du regard, pas avant d’être certain qu’il l’écouterait.

William se trouvait si pitoyable. Il n'avait nulle part où aller pour fuir son domicile, aucun ami à qui parler, il était seul. Et puis cette blessure, causée par ce mutant que William ne préférait plus avoir à croiser... ce n'était rien mais plus le temps passait, plus celle-ci se faisait sentir, par picotements, brûlures et micro-douleurs. William essayait de ne pas trop grimacer mais il était trop tard. Le serveur avait remarqué le sang sur son tee-shirt et semblait préoccupé par ce qu'il avait vu. Mais William n'avait plus rien à faire ici. Il s'était donc levé dans l'espoir de quitter l'endroit au plus vite, mais Alexander le retint par l'avant-bras. William posa ses yeux sur cette main inconnue, puis leva délicatement son regard sur celui du serveur. Celui-ci lui demanda d'aller voir quelqu'un pour sa blessure. William ne put retenir un petit rire, bien que Alexander se ravisa en reprenant ses paroles. Il avait des notions en médecine et pouvait donc soigner William. La poigne du serveur s'était resserrée sur son bras. William se résigna à accepter cette offre. Après tout, il avait besoin de soins. William ne voulait pas aggraver son cas à causes des sales griffes du mutant.

— Bien. Je vous attends dans ce cas.

Il soutint le regard du serveur qui le fixait.

— C'est promis, je ne bougerai pas !

Un petit sourire taquin apparut sur le visage de William. Il ne savait pas encore comment allait se dérouler ces soins et ne voulait pas de piqûres. Un peu de désinfectant lui suffirait amplement. Ça et un bandage, sûrement. William soupira. Il aurait pu se soigner lui-même. Mais puisqu'on lui avait proposé si gentiment, et apparemment avec une légère insistance - si William prenait en compte le fait que Alexander est serré son bras - il n'allait pas rechigner. Le mutant attendit donc sagement le retour du serveur, patiemment. La douleur fut soudainement vide et il grimaça. Stupide blessure. Stupide mutant. William observa le bar avec curiosité, se déplaçant à sa guise pour regarder les moindres photos qu'il pouvait y voir, ou quoi qu'il y ait d'accrocher sur les murs. Il savait que dans certains bars, les propriétaires affichaient des objets personnels. Puis, il se résigna à reposer ses fesses sur un des tabouret, ne supportant plus les tiraillements de cette blessure pourtant minime.

Rassuré par les paroles de William, Alexandre lui rendit son sourire, plus poli, et se détourna. Il mit deux fois moins de temps que d'habitude pour nettoyer son bar, et s'arrangea avec ses deux autres collègues pour leur laisser le nettoyage de la salle en leur expliquant la situation, si bien qu'à peine un quart d'heure plus tard Alexander s'était changé, troquant son pantalon noir et le T-shirt rouge symbole du bar pour un jean usé et un T-shirt noir à manches longues qu'il avait relevées jusqu'aux coudes. Il enfilait sa veste de cuir alors qu'il rejoignait William, lui faisant signe qu'il était prêt à partir.
" C'est bon, on peut y aller. "
Alexander se retourna une dernière fois, saluant ses collègues d'un geste de la main, et sortit du bar, William à ses côtés. L'air était plus frais que ce qu'il pensait, et il remonta la fermeture de son vêtement et enfouit ses mains dans les poches avant de son jean tout en remontant des épaules.
" Je loue une chambre dans un motel, informa-t-il. Il est à une dizaine de minutes à pied d'ici, ça ira ? "
Il lança un regard soucieux à William. Il était heureux que son client ait fini par l'écouter et revenir à la raison, mais son état l'inquiétait de plus en plus.

William était en train d'observer les employés du bar qui nettoyait et rangeait un peu. Il était là, planté comme un balais, à les regarder faire. C'était une situation assez loufoque, mais William n'était pas employé ici, il ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre. S'il aurait été dans une soirée, il aurait aidé, rien que pour passer le temps - malgré la douleur qu'il ressentait vers le bas de son torse. Heureusement, Alexander était de retour et avait même pris la peine de se changer. William observa un peu sa nouvelle tenue tout en se redressant un peu avant de le suivre. Les derniers employés saluèrent Alexander lorsque ce dernier leur fit un signe de la main, mais William ne fit rien de plus que leur lancer un regard. Il n'avait pas la tête à faire la politesse.
Une fois dehors, William prit une grande bouffée d'air frais et plaqua les cotés de sa veste contre son torse, pour éviter les regards indiscrets. Tout en marchant, Alexander l'informa qu'il louait une chambre dans un motel et que ce dernier ne se trouvait pas très loin d'eux. William eut un petit sourire amusé.

— Une chambre dans un motel ? Tu vas quand même pas me garder en observation, si ?

Il plaisantait, bien sûr, avant de redevenir sérieux.

— Tout me va du moment où tu me soignes. Je pensais pas que ça pouvait faire aussi mal trois petites égratignures.

Lorsqu'il y eut moins de monde dans les ruelles, William observa ses blessures qui ne saignaient plus. Il avait juste un peu mal, à cause du vêtement qui se frottait contre les plaies.

— Je suis sûr qu'il m'a enfoncé des échardes.

William avait une idée en tête pour expliquer pourquoi il aurait des échardes suite à une bagarre. Il n'allait quand même pas dire à cet inconnu qu'un mutant l'avait attaqué. Si Alexander se révélait être un mutant, peut-être... mais là, il n'était qu'un humain aux yeux de William.

Alexander laissa échapper un rire à la plaisanterie de William, mais se tue rapidement lorsqu'il se surprit à penser que le garder en observation ne le dérangerait pas tant que ça. Ce n'était ni le bon moment, ni le bon endroit pour songer à cela...
William jeta un regard à ses blessures lorsqu'ils débouchèrent dans une rue où il y avait moins de monde. Alexander tenta d'avoir un aperçu des plaies, mais il ne discerna pas grand-chose dans la pénombre.
" Comment tu t'es fait ça ? "
Vu la réaction qu'avait eue William au bar, il se doutait que son client ne lui répondrait pas. Ou ne lui dirait pas la vérité. Ça avait l'air d'être un truc un peu louche, mais bon, qui ne tente rien n'a rien. Ils tournèrent dans une nouvelle rue et Alexander se redressa un peu.
" On y est, informa-t-il en désignant la façade plutôt banale de son motel. "
Ce n'était pas le grand luxe, pas ce à quoi Alexander avait été habitué en tout cas (la villa avec piscine couverte de ses parents lui paraissait appartenir à une autre dimension, une autre vie), mais il s'en contentait largement. Il y avait du courant et l'eau chaude sans problème, et les mesures d'hygiène étaient respectées, ce qui n'était pas le cas du grande partie des établissements pas cher de la ville. Le jeune homme avait pensé à louer un petit apartement, pour avoir un vrai chez-soi. Mais peut-être parce qu'il avait pris l'habitude des chambres de motels au cours des deux dernières années ou parce qu'il n'était pas certain qu'Elijah resterait de manière fixe à New-York, il n'avait pu prendre la décision de s'établir.

Spoiler:

La question phare du pourquoi du comment. William fit un petit sourire en observant Alexander. « Si je te le dis tu risques de flipper. » Peut-être, si l'humain ne connaissait pas l’existence des mutants, ou s'il la connaissait en ayant peur de cette "race" comme certains se plaisaient à les appeler au sein de la CIA - d'après des rumeurs entendues au club. « En fait, j'ai voulu faire le malin devant un groupe de type qui... voulait mon porte-feuilles et du coup, l'un d'eux n'a pas apprécié que je me foute de lui, alors il m'a cogné avec une sorte de batte de baseball abîmée. ». L'excuse pouvait tenir la route. William ne voulait pas trop en dire mais ne voulait pas non plus passer pour un alcoolique qui se battait avec n'importe qui dans la rue, surtout qu'il avait été la victime et non l'agresseur.

Le trajet fut rapide et William observa avec attention ce qui entourait le motel. Intérieurement, il se demandait ce qui poussait un serveur à loger dans un hôtel alors qu'il pouvait avoir un appartement à proximité. Mais peut-être que son guérisseur occasionnel avait des secrets, lui aussi. William l'observa un long moment, à la lueur des lampadaires. Ses traits de visages lui était quelque peu familier et cette réflexion ne faisait que surgir dans ses pensées à chaque fois qu'il croisait le regard du garçon. « Pourquoi tu loges dans un motel ? Tu es de passage ? » Curieux, William osa poser sa question, en veillant à ce que ses vêtements cessent de s'appuyer contre ses égratignures.

Lorsque William lui répondit, Alexander fronça des sourcils et se mordilla la lèvre inférieure, signes de sa sincère inquiétude. Il ne releva même pas l'hésitation de son interlocuteur, trop soucieux des blessures qu'avait pu causer cette batte.
" Tu aurais dû leur donner ton argent. Si ça peut éviter de te faire tuer... "
Il savait qu'il devait paraître un peu moralisateur (voire même beaucoup) mais il trouvait cet accident tellement stupide, ça aurait pu être si facilement évité...
Le jeune homme s'arrêta pour ouvrir la porte du motel et la tenir, laissant ainsi le temps à William d'entrer, mais il se figea en entendant la question de son client, s'arrêtant dans une position assez bizarre, encore à moitié penché pour atteindre la poignée.
" Je... hum... Je suis arrivé ici il y a quelques semaines, et j'ai pas encore trouvé les moyens de me payer un appart. "
Ce n'était pas tout à fait faux, mais ce n'était pas non l'entière vérité. Mais il se voyait mal révéler à William la véritable raison qui le poussait à garder sa chambre de motel. Il se souvenait encore que trop bien des moqueries qui lui avait causées son "obsession" pour Elijah Moore, et il n'avait pas particulièrement envie de réitérer l'expérience.
Il laissa entrer William et garda le silence jusqu'à ce qu'ils atteignent sa chambre. Elle n'était pas bien grande, juste un lit double, une table et une armoire. Une porte dans le coin à gauche laissait deviner la salle de bains. Les rideaux jaunis par le soleil masquaient les lumières de la ville. Alexander n'avait pas beaucoup de bagages, mais on sentait qu'il occupait cette chambre depuis quelques temps déjà. Ses affaires étaient éparpillées un peu partout en un désordre dont lui seul connaissait l'organisation, comme toutes les personnes qui habitaient depuis longtemps dans un même endroit.
" Voilà mon chez moi. Installe-toi sur le lit, ajouta-t-il après une pause. Enlève ton T-shirt, je reviens tout de suite. "
Il laissa ses clés et sa veste sur son bureau avant de disparaître dans la salle de bains.

Spoiler:

Si seulement tout avait été question d'argent, William s'en serait sorti sans blessure. Mais dans son cas, le mensonge était la meilleure des solutions pour dévier de la vérité. Il n'allait pas se confier à un humain, encore moins un type qu'il ne connaissait pas - mais ça, c'est ce qu'il pensait. La mutation n'était pas un sujet très répandu, et même si ça avait été le cas, il n'aurait pas pu en parler aussi librement. William s'imaginait que, même si les hommes venaient à connaître l'existence des mutants, il y aurait toujours une part de crainte.

Arrivée au motel, William observa attentivement la porte de la chambre dans laquelle il allait entrer. D'habitude, lorsqu'il se rendait dans ce genre d'endroit, c'était pour passer du bon temps sans déranger son fils à l'appartement. William n'était pas le genre de père qui se permettait d'avoir des relations au sein du foyer familial. Il respectait son fils et ne voulait pas le mêler à ses coups d'un soir. Cette nuit, il allait bénéficier des soins d'Alexander qu'il ne voyait que quelques fois, lorsqu'il sortait prendre un verre.

En entrant dans la pièce, William jeta un œil tous les recoins alors que Alex lui donnait quelques informations au sujet de sa présence dans un motel. Un peu de désordre : parfait. Il n'avait pas affaire à un maniaque de la propreté - ce qu'il n'était pas, tout en respectant les principales règles d'hygiènes. Mais le rangement au carré, pas pour lui. La pièce était vivante, William pouvait se faire une idée du personnage.

Quelques secondes après avoir pénétré la pièce, Alexander demanda à William de s'asseoir sur le lit et de retirer son tee-shirt. William eut un petit sourire amusé mais ne dit rien. Il ne voulait pas faire de réflexion au sujet d'un homme à moitié nu dans une pièce, en compagnie d'un autre. Dans les années soixante-dix, malgré le mouvement hippie qui avait entrainé avec lui l'ouverture aux nouvelles expériences, les hommes, ni même les femmes d'ailleurs, en dehors de ce mouvement, n'osaient parler librement de leur choix de vie. William se contenta donc de retirer son tee-shirt, laissant entrevoir ses blessures récentes et de nombreuses cicatrices. L'une d'elle, vers son omoplate, était une vieille blessure de guerre. Un éclat d'obus s'était enfoncé dans sa peau et avait laissé une belle cicatrice en forme de demi-lune. D'autres traces de vieilles blessures superficielles traînaient par ci par là mais n'étaient presque pas visibles.

William possédait également plusieurs tatouages. Le mot "Hope" près de son épaule droite et Freedom sur son épaule gauche. Ces deux tatouages, d'une écriture fine, passaient presque inaperçus. Il les avait depuis la seconde guerre mondiale et représentaient vraiment ses espérances pour l'avenir.
Le tee-shirt mis en boule, il le garda dans une de ses mains en attendant sagement que Alexander revienne. Cette chambre lui rappelait tellement des souvenirs. Il n'y avait jamais été, mais elle ressemblait à toutes les autres, à l'exception des affaires personnelles de son hôte. « J'aime bien cette pièce. »

Alexander revient dans la pièce avec une petite mallette de premiers secours dans les mains juste au moment où William déclarait qu'il aimait bien cette pièce.
" Euh... Merci ? fit Alex d'un ton incertain. C'est qu'une chambre de motel... "
Il s'agenouilla face à William et ne pensa pas un instant à ce qu'ils pouvaient avoir l'air pour quelqu'un qui serait rentré dans la pièce à ce moment-là. Il était seulement préoccupé par les plaies sur le torse de William et les traces de sang séché qui en tombaient.
" C'est vraiment une batte de baseball qui t'a fait ça ? interrogea-t-il, plus suspicieux cette fois-ci, tandis qu'il passait un coton avec de l'alcool sur la peau de Will pour enlever le sang autour des plaies et les désinfecter. "
Il se mordit la lèvre inférieure en tapotant doucement le coton contre la chair à vif, comme si c'était lui-même qui ressentait la douleur.
Lorsque ce fut un peu plus propre et que Alexander pouvait avoir un meilleur aperçu des dégâts, il recula légèrement.
" Tu n'auras besoin que de quelques points. Si tu ne fais pas trop de mouvements brusques, ça devrait s'être cicatrisé la semaine prochaine je pense. Je pourrais t'enlever tes points, si tu ne souhaites pas aller à l'hôpital, ajouta-t-il en releva les yeux vers William. "
Puis continuant avec son attitude professionnelle, Alexander prépara une aiguille et du fil. Il lui semblait que ça faisait une éternité qu'il n'avait pas fait cela - prendre soin de quelqu'un, se sentir utile en lui venant en aide - et il avait oublié à quel point il adorait cela.
Alors qu'il allait commencer à faire des points, il remarqua la cicatrice en demi-lune qu'avait William sur l'épaule et il se figea un instant.
" Qu'est-ce qui t'a fait ça ? interrogea-t-il en désignant du doigt la cicatrice. Ca va peut-être de paraître bizarre, mais j'ai rencontré un mec, quand j'étais gosse, il avait le même genre de cicatrice. Il se l'était faite à la guerre, c'est mon père qui l'avait soigné. "
Alexander se remémorait plus ou moins clairement ce jour de la réunion des vétérans quand il avait rencontré un des soldats soignés par son père. Alexander n'avait pas arrêté de lui courir après en lui posant des questions sur ce qu'il avait vécu au front, comment il s'était fait toutes ses blessures. En y repensant, Alex avait un peu honte de son comportement, mais le soldat n'avait pas semblé trouver la curiosité innocente de l'enfant mal placée. Pendant longtemps, ce soldat était resté une sorte de héros pour Alex. Jusqu'au collège, il avait souhaité devenir un soldat, comme lui.

« Une simple chambre de motel, peut-être... mais j'aime bien voir comment les gens la personnalise durant leur séjour » répliqua William sans attendre de réponse de son point de vue. Il aimait voir la vie dans n'importe quelle pièce. Il pouvait paraître étrange avec ses idées, mais William n'était pas comme tout le monde. Il avait sa façon de penser, de voir les choses. Certains aimaient les pièces bien rangées et presque vides, pas lui. Il prit donc ses aises dans cet espace temporaire qu’occupait Alexander, en attendant les soins.

Malgré les nombreuses blessures dont-il avait été victime, le mutant n'aimait jamais être soigné. L'alcool, les aiguilles, il en avait horreur. Il évita donc de regarder ce que préparait Alexander, s'occupant plutôt à observer les détails dans les affaires qui trainaient un peu partout. C'était bien plus intéressant que de voir son propre sang et sa peau mutilée. Alexander l'interrogea une nouvelle fois concernant ses vilaines blessures, doutant peut-être qu'une batte ait pu faire de tels dégâts. Désirant conserver son secret, William soupira en posant son regard sur son médecin provisoire, qui était agenouillé devant lui. En temps normal, le mutant aurait pu plaisanter à propos de la position d'Alexander et faire une petite réflexion, mais la situation actuelle ne lui permettait pas de penser à autre chose qu'à ses blessures. « C'est bien une batte de base-ball brisée en deux. Il me l'a légèrement enfoncé dans la peau en essayant de me faire céder pour mon porte-feuille. Pourquoi ce serait autre chose... ». Encore une fois, William se demandait si Alexander était au courant de l’existence des mutants ou s'il en était lui-même un.

Sentant l'effet désagréable de l'alcool contre sa peau, William se retient de gémir de douleur en serrant les dents et en levant la tête vers le plafond. Pourtant, il était habitué à cette douleur, bien qu'à chaque fois, il espérait ne pas avoir à revivre ce moment. Reprenant peu à peu le contrôle de la douleur, William reporta son attention sur Alexander qui l'informait de l'avancée de ses soins. Le mutant allait recevoir quelques points de sutures. Rien de bien méchant. William ne répondit pas mais acceptait l'offre d'Alexander, concernant les jours à venir. Il n'allait pas se pointer à l’hôpital et suivre un interrogatoire sur ses blessures ou pire, un bilan sanguin.

Alexander commençait à le coudre lorsqu'il se mit soudainement à fixer son épaule. William fronça les sourcils, se demandant ce qu'il se passait. Puis Alexander prit la parole. Au début, rien d'anormal, jusqu'à ce que le médecin commence à parler de cicatrice de guerre et d'un parent qui avait soigné un soldat. Ce soldat, c'était William. Il eut soudain un choc en comprenant que celui qui était en train de le guérir en ce moment même était le fils d'un de ses amis de guerre. L'enfant qu'il avait connu était devenu un homme. William se rappelait encore de lui. À l'époque, il le trouvait amusant et vraiment adorable. Aujourd'hui, Alexander était un homme sérieux et... peut-être plus, dans l'esprit de William. Il chassa rapidement cette pensée qui s'était logée pourtant logée dans son esprit depuis qu'il se rendait chaque soir dans ce bar et tenta de trouver une excuse concernant la cicatrice.« Chouette histoire. Mais moi, je n'ai pas fait la guerre... je suis trop jeune pour l'avoir faite. Je me suis fait cette cicatrice après un accident de moto... » Mais les tatouages... si Alexander venait à s'en souvenir, comment William pourrait-il trouver une solution ? Le mutant avait conservé ses tics, ses habitudes, ses manières. Il n'allait pas pouvoir changer en l'espace de quelques secondes...

Alexander sourit lorsque William lui répondit qu’il était trop jeune pour avoir fait la guerre.
« J’avais remarqué. »
Il sentit ses joues rougir, et baissa les yeux, se concentrant à nouveau sur les soins. Il se mordait la langue, se trouvant incroyablement stupide. Cela faisait longtemps qu’Alexander ne s’interrogeait plus sur ses goûts qui l’attiraient aussi bien vers les hommes que vers les femmes. Cependant, il veillait à ne pas faire d’impair et révéler ce « secret ». Il avait trop de souvenirs de conversations entre ses parents, il se rappelait que trop bien toutes les histoires qu’on racontait sur ces hommes qui vivaient ensemble. Il savait qu’il devait faire attention à ce qu’il disait, à ce qu’il faisait s’il tenait vraiment à sa peau. Mais il savait aussi qu’une simple phrase comme celle qu’il venait de prononcer, qu’un simple sourire comme celui qu’il venait d’avoir pouvaient le trahir.
Alexander ne chercha donc plus à faire la conversation, se contenant de désinfecter et recoudre les plaies de William. Le dos de sa main droite frôlait sans cesse le torse, les côtés de William tandis que ses doigts gauches étaient appuyés contre sa peau. Alexander n’aurait pas dû se sentir mal à l’aise. Il avait eu l’occasion de faire ce genre d’exercice au cours de ses études avortées, il avait l’habitude de ce genre de contact avec les autres. Alors pourquoi sentait-il ses joues devenir rouge ? William, certainement, devait avoir remarqué sa réaction. Alexander pinça des lèvres, se demandant si tout cela avait été une bonne idée, finalement. Il n’avait aucune idée de ce que pouvait penser William, et il n’avait certainement pas envie de le savoir. Parce qu’il y avait peu de chance que ça soit en faveur du jeune homme.
Quelques instants après, Alexander se relevait, essayant de ne pas paraître trop précipité.
« C’est bon ! Tu… hum… Tu peux rentrer chez toi. »
Alexander ne voulait pas paraître impoli. Il cherchait juste à dissiper le malaise qui l’avait envahi. Le malaise que lui causait William. Il restait debout, les bras pantelant, à un pas de William, attendant la réaction de celui-ci.

Spoiler:

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Depuis la petite anecdote d'Alexander au sujet d'un ami de son père, qui était donc en réalité William lui-même, le mutant se sentait différent. Il fixait Alexander comme pour tenter de se remémorer le petit garçon qu'il était. Le revoir après tant d'années était un choc. Au bar, William ne se serait jamais douté de qui était son serveur. Il l'avait volontiers reluqué et ne s'était pas gêné pour regarder son postérieur lorsque celui-ci lui avait tourné le dos derrière le comptoir. Désormais, William savait qui était véritablement Alexander et se dégoutait presque d'avoir eu ces pensées, en se remémorant l'enfant que le jeune médecin avait été. Mais William ne devait pas penser ainsi. Le monde évoluait, Alexander n'était plus un gamin. Il était un adulte. Le regard de William était toujours figé sur le visage du jeune homme face à lui. Il en avait même oublié la douleur ressentie à cause de l'aiguille qui entrait et sortait de sa peau.

William put remarquer que Alexander rougissait et se pinçait les lèvres. Un sourire amusé se dessina alors sur le visage du mutant qui voulait penser à autre chose qu'à "Alexander l'enfant". Autant faire connaissance avec l'adulte, maintenant. Mais le moment fut prématurément écourté par Alexander lui-même, qui, visiblement gêné, s'était levé et invitait poliment William à partir. Le mutant, un peu désemparé, prit son tee-shirt et se leva. « Tu n'as jamais vu de type torse-nu avant ? Je te fais si peur que ça ? » dit-il sans arrière pensée menant obligatoirement à l'attirance masculine. William parlait surtout comme si Alexander était gêné de voir un type presque dénudé. A cette époque, ce n'était pas courant de voir quelqu'un se balader en petite tenue.

Le mutant ne comptait pas partir et observa sa blessure un long moment. « J'ai encore un peu mal, je sais pas si je devrais trop bouger avec ça.. je peux pas me reposer quelques minutes encore ? » Et tout en terminant sa phrase, William reposa son postérieur sur le lit. Il n'avait pas l'intention de partir si tôt, surtout pas après ce que Alexander avait dit à propos de lui. William ne comptait pas lui dire qui il était réellement, mais il voulait en savoir davantage sur ce qu'était devenu l'enfant de son passé.

Alexander se racla la gorge, mal à l'aise par la question de William. Oh ! il ne lui faisait pas peur, bien au contraire !
" Bien sûr que non. Même si je ne suis pas diplômé, j'ai quand même fait quelques années d'études. Et ça peut paraître étonnant, mais ça m'a permis de voir des gens bien moins habillés que toi, ajouta-t-il, du sarcasme perçant légèrement dans sa voix. "
Le jeune homme était rarement mesquin. A vrai dire, si quelqu'un l'ennuyait, il avait plutôt tendance à tourner les talons, ça lui évitait bon nombre d'ennuis. Mais William le rendait neveux comme il ne l'avait pas été depuis longtemps. Et il essayait de se protéger par tous les moyens dont il pouvait disposer.
Cependant son patient improvisé ne parut pas prendre ombrage de sa remarque et se réinstalla sur le lit, demandant à Alex s'il pouvait rester quelques minutes de plus. Le jeune homme leva un instant les yeux au ciel et William avait probablement même pu l'entendre déglutir.
" Bien sûr, répondit-il d'une voix étranglée. "
Seigneur ! Même lors de sa première fois il n'avait pas été aussi nerveux. C'était vrai aussi qu'Alexander avait un peu trop bu ce soir-là. De l'alcool ! Voilà ce qui lui fallait ! Alexander ouvrit de grands yeux alors qu'il avait cette révélation. Et d'un mouvement brusque il se retourna et se dirigea vers le coin de la pièce où il gardait quelques bouteilles de bières. Ce n'était pas pas assez fort pour calmer Alex, mais c'était déjà ça...
Il se saisit de deux bières et se retourna vers William.
" Tu en veux une ? Elles ne sont pas fraîches par contre, ajouta-t-il avec une mine contrite, comme si ce qu'il proposait à l'autre homme était une faute impardonnable. "

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Amusé par la réaction de Alexander, William continuait de sourire. Il semblait bien trop nonchalant par rapport à son infirmier de secours. Mais le jeune homme se défendit vite, soulignant qu'il avait déjà eu l'occasion de voir des patients moins vêtus que lui en ce moment. William eut un sourire plus prononcé. Il eut une petite voix en lui qui lui dit que le boulot d'infirmier ne devait pas être si mal que ça. Chassant ses pensés peu catholique, William prit appuie avec ses deux bras contre le lit. Il n'arrivait pas à courber son dos en avant à cause de la douleur sur son coté. Il laissait donc la peau de son ventre tendu en arrière, sans trop tirer. William continuait de maudire le mutant responsable de sa douleur, intérieurement. Il décida ensuite de se concentrer sur Alexander. Il était curieux de savoir ce qu'il était devenu depuis tout ce temps. Par chance, son hôte accepta sa présence prolongée et William n'eut pas à partir. Il n'avait même pas remis son tee-shirt qui était encore humide à cause du sang.

Alexander se tourna brusquement, créant un léger sursaut de la part de William, et se dirigea vers un coin. Il prit deux bouteilles de bières et en proposa une à son invité. William saisie celle que Alexander lui tendait et l'ouvrit immédiatement. Même s'il avait déjà bu au bar, rien ne l'empêchait de recommencer. Il n'allait pas finir saoul... pas totalement en tout cas. Peut être légèrement. Il but une gorgée en haussant les épaules quand Alexander lui dit que les bières n'étaient pas fraîches. Ce n'était qu'un détail après tout. William demeurait curieux et ne pouvait s'empêcher de fixer l'homme qu'était devenu Alexander. « Tu fais quoi à part Barman et infirmier dans la vie ? Tu vis tout le temps seul ici ? » William continua sa bière en dévisageant le garçon. Il oublia pour un moment son fils et se laissa embarquer dans une sorte de moment de détente. Et puis, même si cette époque ne lui permettait pas de se trouver tout à fait normal, William n'eut aucun remord à imaginer quelques scénarios dans sa tête en fixant Alex. Il était adulte maintenant, ce n'était plus un enfant. William ne ressentait donc aucune honte à se laisser porter par ses pensées secrètes. « Enfin, tu es plutôt beau garçon et tu vis seul, c'est étonnant ». William haussa les épaules. Sa phrase pouvait être prise n'importe comment. Il attendait juste de voir la réaction de son hôte. Généralement, lorsque William essayait de tenter sa chance envers un homme, il testait pour ne pas se faire agresser par un homophobe. Mieux vaut prévenir que guérir, surtout que ce soir, il n’était pas en état de se faire jeter ni insulter.

Alexander ouvrit sa bouteille et avala plusieurs gorgées, comme pour se donner du courage. Puis il s'assit sur le lit, à côté de William qu'il n'osait pas regarder dans les yeux. Lorsque l'autre homme lui demanda ce qu'il faisait de sa vie, Alexander haussa les épaules. Il n'avait pas particulièrement envie d'avouer la véritable raison qui l'avait amené à New-York. On l'avait traité trop de souvent de fou, ou d'avoir une obsession quasi-malsaine et Alexander n'était pas particulièrement masochiste. Surtout qu'il savait au fond de lui que les gens avaient probablement raison, et il n'avait pas envie de s'entendre rappeler à quel point la rencontre avec Elijah Moore avait changé sa vie, et pas que pour le meilleur.
Comme pour se donner une réponse de ne pas répondre, Alexander porta à nouveau sa bière à sa bouche et but plus que nécessaire (à ce rythme-là il allait se faire tout le pack...) et faillit s'étrangler lorsque William lui dit qu'il le trouvait beau garçon. Alexander se mordit l'intérieur des joues et baissa brusquement la tête, sentant ses joues s'enflammer.
" C'est parce que tu me connais pas, répondit le jeune homme en relevant lentement les yeux vers ceux de William. Quand les gens discutent un peu avec moi, ils ont tendance à me trouver un peu... bizarre. "
Alexander détourna rapidement la tête, incapable de soutenir le regard de William qui paraissait incroyablement maître de lui. Le monde était injuste...
" Et toi ? renvoya-t-il, désireux d'éloigner le sujet de conversation de sa personne. Tu as quelqu'un ? "
Bon, okay, la question n'était pas tout à fait innocente. Et si Alexander reprit une gorgée de sa bière, enveloppant le goulot de ses lèvres d'une manière suggestive, c'était totalement indépendant de sa volonté.

Il était vrai que William ne connaissait pas bien Alexander, du moins, celui qu'il était devenu. Il l'avait vu enfant mais aujourd'hui, c'était une toute autre personne qu'il avait à coté de lui. William se savait un peu trop décontracté en comparaison, mais après avoir imbibé autant d'alcool et en commençant une bière, quel état pouvait bien avoir le mutant ? Même s'il n'avait pas la gueule de bois, quelques inhibitions s'étaient volatilisées, laissant place à un homme capable de dire ce qu'il pense, ou le faire comprendre. Il risquait beaucoup en osant parler comme ça à Alexander, sans vraiment le connaitre, sans savoir ses opinions sociales et surtout, sans dire qui il était vraiment. Comment réagirait Alex lorsqu'il comprendrait ou qu'il saurait qui est réellement William ? Le mutant ne sembla cependant pas s'en soucier et souriait bêtement en observant la réaction de son hôte. Alex se lança dans une petite révélation en disant que les gens le trouvaient bizarre. Mais au moment où William allait répondre, Alex lui retourna ses précédentes questions. Contrairement à lui, William ne détachait pas son regard de l'autre, remarquant quelques détails pour le moins intriguant et peut-être révélateurs. William se demanda même si ce n'était pas un peu provocateur de sa part, mais il voulait que les choses avances à leur rythme s'il devait se passer quelque chose. « Je n'ai personne, sinon, je ne viendrais pas presque tous les soirs au bar ». Il répondit cela en ayant un petit sourire, comme pour appuyer ses dires. « Mais si ça peut te rassurer, on discute depuis un moment et je ne te trouve absolument pas bizarre ». William voulut rassurer son hôte tout en essayant de tenter encore une chance de voir si quelque chose pouvait arriver. En ayant placé cette phrase, il espérait faire comprendre que si jamais, il se sentait attiré par lui - ce que William pensait vu l'attitude de Alex - alors, il pouvait oser se lancer.