♣ "Parfait ne bougez plus !" elle ajuste sa mise au point "Allez, un grand sourire…Parfait !"

Elle venait de terminer une nouvelle séance photo. Une gentille petite famille qui voulait immortaliser leur bonheur dans un cliché. C’était le cas de la plupart des clients qu’elle recevait. En même temps, l’agence qui l’employait ne prenait les commandes que de ce type de clients…C’était bien sympa, mais peu épanouissant. Cependant, il lui fallait bien gagner sa vie afin de manger. Alors elle se forçait à ravaler sa fierté et à accepter des petits jobs comme celui-là, sachant pertinemment que son tempérament explosif et indépendant allait finir par lui faire perdre son job, comme tous les autres ; et comme après tous les autres, Babs finirait par retrouver un petit boulot utilitaire de photographe. Chaque fois, elle espérait avec un optimisme débordant qu’elle puisse trouver un job de photographe pour un journal. Elle le souhaitait de tout cœur. Travailler pour un journal et suivre partout les journalistes pour couvrir leurs articles voilà son job de rêve. Mais en attendant que l’occasion se présente, il lui fallait faire profil bas et encaisser.

De retour dans son atelier de développement photo, l’ampoule rouge allumée, Barbara s’appliquait à soigneusement développer dans les formats et au nombre d’exemplaires correctes les différents clichés que ses clients attendaient pour les prochains jours. Soudain, l’ampoule rouge grilla, la plongeant dans l’obscurité. Bah, ce n’est pas comme si ça la dérangeait vraiment, il y avait toujours la lumière de la pièce d’à côté qui passait par-dessous la porte, lui permettant d’y voir. Ca et son pouvoir. Nyctalopie avait-elle découvert il y a peu. Le mot elle avait découvert, pas son pouvoir. Ca, elle le connaissait depuis qu’elle avait seize ans. Découvert par hasard en se retrouvant à faire du camping en forêt avec des amis, leurs lampes-torches avaient lâchées et pourtant, elle y voyait très bien. Pas de lune, presque pas d’étoiles, plus de lampe torche…Et elle voyait comme s’il y avait un énorme soleil bleu qui brillait au-dessus d’eux. Ça lui avait fait peur, alors elle avait fait comme les autres, tâtonnant et essayant de diriger comme si de rien n’était ses amis vers leurs tentes. Par la suite elle avait fait quelques tests pour comprendre un peu mieux les limites de son pouvoir. Elle avait gagné ainsi quelques informations, dont celle que les humains normaux ne pouvait certainement pas voir comme en plein jour par une nuit sans lune même avec une vision de 10 à chaque œil…

Poussant un grognement, elle se passa une main sur le front après sa quinzième photo. C’était certes pratique comme pouvoir, mais il lui donnait d’affreuse migraine à force de l’utiliser. Relevant un peu la tête pour soulager un peu sa nuque qui protestait de rester trop penchée, son regard tomba sur la photo qui l’a décidée, inconsciemment à devenir photographe et surtout, qui représentait son rêve à atteindre dans sa vie. Avant de devenir photographe dans un journal, avant de pouvoir manger de la glace sans prendre un gramme…Retrouver ce garçon. Babs ne savait pas qui c’était, mais elle possédait toute une flopée de photos de ce garçon d’une douzaine d’années, certains sentiments lui étreignant le cœur alors que les souvenirs, les images, ne lui revenaient pas. Pendant des années elle a cherché ce type, voulant absolument avoir une explication. Sa mère l’a cru folle, ou bien un peu retardée à croire encore à des amis imaginaires mais comme tout le reste, elle avait encaissé. Ca l’avait rendu forte, indépendante, tout en la blessant profondément. Elle garde ces blessures profondément enfouie en elle, refusant de les laisser apparaître.

Son mal de tête ne faisant qu’empirer, elle préféra sortir de son atelier pour aller se poser. Son petit appartement, son chat Dick (un joli chat noir aux yeux très bleus), tout cela était ce qu’elle possédait actuellement. Il était fortement encombrer de pochettes d’archives remplies de ce qu’elle avait pu dénicher au fil des années sur ce type. De ce qu’elle avait pu recouper, c’est qu’il avait été quelqu’un d’important pour elle, sinon elle n’aurait pas autant de sentiments contradictoires face à une seule personne. Deuxième chose, il devait être un mutant, comme elle. Cette solution s’était imposée à elle il y a quelques semaines. Pour qu’elle oublie de manière aussi radicale et de manière aussi nette (rien d’autre n’avait disparu de sa mémoire et dieu sait qu’elle a une bonne mémoire) ce garçon, c’est qu’il avait dû trifouiller quelque chose dans sa tête, ou bien qu’il avait fait appel à quelqu’un pour cela. Ca semblait hautement improbable et très capillotracté, mais comme disait son héros de roman favoris : "Quand vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, aussi improbable cela soit-il, est forcément la vérité", Sherlock Holmes.

Ah, ce cher Sherlock…Entre lui, Edgar Allan Poe et ses nouvelles policière, Miss Marple et Hercule Poirot, Barbara a pu apprendre beaucoup de trucs et astuces pour débusquer des informations. Par son père aussi, commissaire de son état, à qui elle a toujours posé beaucoup de questions. C’est grâce à ça que ses talents d’enquêtrice et de fouineuse pro ont vus le jour. Elle s’en sert pour trouver autant d’informations possibles sur son objectif, mais aussi pour trouver la trace de mutants. Elle se fiche bien qu’ils soient quatre ou cinq millions dans le monde, tut ce qu’elle veut c’est voir si certains d’entre eux connaissent le type qu’elle recherche. Pour l’instant, ses recherches n’ont pas données grand-chose, mais elle ne désespère pas.