Attention, les roux ça explose...

Ah ! Quelle sale journée ! Babs s’était déjà levée au son des miaulements stridents de Dick qui quémandait ses croquettes du matin. Autant dire que se faire réveiller ainsi n’est pas quelque chose de très agréable. Quand en plus le dit chat lui a sauté dessus et lui a marché dessus jusqu’à ce qu’elle se décide à se lever…Ce qu’elle fit avant de ne plus pouvoir sentir son bras gauche. Donnant machinalement des croquettes à cette enquiquinante boule de poils qu’elle adorait malgré tout, la rousse prit son temps pour se laver, s’habiller et se maquiller. Non pas que la coquetterie soit quelque chose par lequel Barbara jure dès le matin, mais aujourd’hui était une journée d’embauche. C’est-à-dire qu’elle avait un ou plusieurs rendez-vous d’embauche dans l’espoir de retrouver un job. Alors elle avait sorti e grand jeu : une jupe de tailleur noire des plus saillantes, une chemisier blanc impeccablement repassé, des petite chaussures noire à talons (raisonnables, les talons aiguilles, très peu pour elle…), ses cheveux arrangés en un chignon simple mais classieux et enfin, un maquillage sobre mais efficace. Elle avait tout de même conservé le vernis à ongle orange acidulé qu’elle avait aux mains. Il ne fallait pas pousser non plus…

Puis ce fut l’entretien d’embauche. Entretien qui se termina en force par un verre d’eau, si aimablement proposé au début de cet entretien, dans la face du recruteur. Non mais il se prenait pour qui celui-là vraiment ? D’accord elle voulait un job et celui-là était alléchant mais de là lui faire des propositions salaces en échange du poste, très peu pour elle. Pas qu’elle en soit incapable dans l’absolu bien au contraire, mais ce n’était pas dans ses principes. Elle souhaitait être reconnue pour son travail, réellement, pas parce qu’elle avait couché avec intel ou intel. Si c’était ça, elle aurait fait top-model, ou star du showbiz...Ou secrétaire. Pas photographe ! Enfin voyons ! Elle était sortie en trombe de l’immeuble en plein New-York, s’attirant plusieurs regards interrogateurs et certains soupirs énamourés. Ah qu’ils ne commencent pas ceux-là ! Le prochain mec qui lui fait des avances elle lui met une baffe. Point final.

Une fois dehors, elle défit son chignon d’une main rageuse, laissant sa chevelure rousse vive retomber autour de son visage, lui donnant une allure sauvage malgré les vêtements relativement formels. Bon, ce n’était pas tout, mais avec ce remue-ménage, il se faisait tard et son estomac criait famine. Enfin, tard…13h quoi…Ce qui pour elle était tard, d’habitude à 13h elle avait déjà mangé et était déjà de retour au travail ou alors à développer des pellicules…Franchement, quelle perte de temps cet entretien…Ses pas la menèrent vers un petit pub qu’on lui avait conseillé il y a quelques semaines. Pourquoi pas après tout ? Tant que ça servait à manger, ça lui allait, tant pis pour la ligne, c’est pas comme si elle faisait gaffe de base…Alors elle entra dans le lieu au plancher sombre et aux murs à moitié couverts de lambris de bois sombre et d’un vert émeraude très beau sur l’autre moitié. Elle aimait l’ambiance, chaleureuse, même si très vinée…Mais c’était normal dans un pub. Elle s’avança et allait s’installer quand quelque chose attira son regard. Un petit garçon, d’une dizaine d’années à peine, tout seul, perdu, les larmes au bord des yeux.

Ooooh, pauvre petit bouchon…Son instinct maternel se réveilla et elle alla le voir, s’agenouillant devant lui pour essayer d’apprendre son nom et si ses parents étaient là. Le pauvre petit fondit en larmes silencieuses et Barbara sut ce qu’elle allait faire. Prenant l’enfant dans les bras (tant pis pour son chemisier, elle le laverait), elle se dirigea vers le bar où elle demanda à ce que l’on passe une annonce pour ce petit garçon. Le barman la regarda comme si elle venait d’une autre dimension et avec un soupir agacé, elle déposa le petit sur le tabouret haut à côté d’elle et s’assit sur le comptoir, demandant un minimum d’attention mais dû s’en remettre à un sifflement particulièrement sonore pour se faire enfin entendre et surtout pour que le tintamarre du pub se réduise à quelque chose de correcte.

"Messieurs dames, désolé de vous importuné, mais le petit Jonathan ici présent a perdu ses parents. S’ils voulaient bien venir le récupérer, il a peur tout seul et un petit garçon seul dans New-York, ce n’est vraiment pas une bonne idée…"

La réaction ne se fit pas attendre et si les trois-quarts de la salle retournèrent à leurs occupations, certaines paires d’yeux restaient sur elle. Très vite, une femme d’environ quarante ans arriva pour récupérer le petit Jonathan. Elle remercia Babs qui, elle, se contenta d’un regard froid. Elle n’aimait pas les gens qui ne savait pas faire attention à leurs enfants…Descendant du bar, elle se tourna vers le barman et lui tapota la joue en lui disant, un agacement certain dans la voix.

"Vous voyez, c’était pas si compliqué…"

Fatigué. Non. Épuisé. Il s’était affalé dans un coin de l’appartement sans un mot et y avait passé la plus grande partie de la journée. Le sommeille lui manquait et son corps en subissait les conséquences évidentes. Il se sentait trembler de toute part, plus intérieurement qu’extérieurement, sans oublier ces maux de tête qui en venaient à troubler si vision d’aigle. Chez lui, il se sentait plus naturel qu’en pleine rue. Il se permettait ces réactions rageuses où il attrapait un objet qu’il lançait à l’autre bout de la pièce, où il se permettait de hurler cette colère qu’il gardait profondément encrée en lui, malgré tous ses efforts pour s’en défaire. Ça lui donnait ainsi l’occasion, lorsqu’il franchissait le seuil de cet appartement que personne n’avait seulement visité, de reprendre ses airs calmes et en contrôle. Un air généralement froid. Un mur de glace. Un mur de neutralité. On lui avait déjà dit, à plusieurs reprises, d’arrêter d’agir ainsi, que cacher de cette manière ses sentiments était tout sauf quelque chose de sain. Qu’y pouvait-il? Peut-être était-ce par peur d’être blessé en raison de ces émotions. Pas sentimentalement parlant, pas relation parlant. Mais il devenait plus facile à atteindre. Et sa sensibilité le menait, généralement, inévitablement à une perte de contrôle… autant sur lui-même que sur ses pouvoirs. La dernière fois qu’une chose pareille s’était produite, il avait eu la chance d’être en bonne compagnie et il avait ainsi évité le pire. Mais ça ne pouvait pas être toujours ainsi… Les êtres qui lui étaient le plus chers, après tout, ne le suivait pas à la trace pour le protéger de lui-même dans ce genre de situation.

Il était blasé lorsqu’il inséra la clé dans la porte en quittant les lieux. Il attendit d’être sortit de l’immeuble pour reprendre son air sévère habituelle, bien que son langage non verbal indiquait parfaitement sa nonchalance : mains dans les poches, chevelure quelque peu en bataille, dos très légèrement penché vers l’avait, il n’y avait bien que les psychanalystes pour percevoir son étant de fatigue et d’agacement avancé. Et cet ennui? Il était plutôt caractérisé par son manque d’attention envers ce qui l’entourait. Les passants ne le préoccupait pas, il ne leur lançait pas même un seul regard en coin comme il avait tendance à le faire pourtant. Point positif : il ne ressentait pas cette perpétuelle méfiance inquiète à chaque coin de rue.

Il passa la porte du premier restaurant-pub du coin. Non pas qu’il était affamé, mais l’ambiance qu’il y trouvait lui plaisait généralement. Lui qui détestait la musique trop intense des discothèques, il se plaisait à picoler dans son coin à observer tout ce petit monde qui semblait hors de son existence. Il s’était installé sur un coin du bar, écoutant le bruit des conversations et des ustensiles s’entrechoquant. Un gamin brailla à travers les voix alors qu’il fixait le verre qu’on venait de déposer devant lui et qu’il tendait la monnaie due sans lancer le moindre regard au barman. Du moins il s’apprêta à prendre sa première gorgée lorsqu’il perçu le mouvement un peu plus loin, juste avant de grincer des dents en entendant le sifflement strident et particulièrement agaçant pour sa tête à ce moment-là.

Il écouta d’une oreille distraite, ses yeux bleus clairs posés sur la femme alors qu’il amenait son verre à ses lèvres. S’il y avait bien un genre qu’il avait toujours aimé regarder, c’était bien les roux et rousses. Bête, sans doute, mais cette couleur de cheveux avait toujours apporté un petit plus chez les personnes qu’il rencontrait. Il n’était pas superficiel, mais c’était quelque chose tout de même. Un délice pour les yeux uniquement, peut-être, mais un délice plaisant tout de même.

Lorsqu’elle rendit le gamin à ses propriétaires (oui, il n’avait jamais vraiment aimé les morveux, c’était une évidence) il tourna un regard plus curieux sur elle. Réalisant qu’elle n’était qu’à quelques pas de lui, il prit une autre gorgée…

-Vous n’avez pas d’enfants, vous… lâcha-t-il sur un ton neutre, qui se voulait, bien malgré lui, plus amical qu’autre chose. Il avait toujours eut cette tendance à observer et analyser les gens qui l’entoure. Leur parole et comportement en disait généralement plus long sur leur vie que ce qu’ils voulaient bien laisser entendre. Il avait dit ça, plus comme s'il s'agissait d'une évidence... comme quoi que si elle avait des gamins, qu'elle voudrait s'en débarrasser tant ils étaient détestables. Saleté de gosses.

-Prendriez-vous un verre?

Bien sûr, pourquoi pas? S’il était un vieux loup solitaire, il n’était pas obligé d’agir toujours ainsi, n’est-ce pas?

Après avoir rendu l’enfant à ses parents et s’être amusé à faire chier le barman, la pétillante rousse commanda enfin de quoi manger. Un bon hamburger maison avec des frites et un peu de salade à côté histoire de ne pas totalement culpabiliser. Même si son alimentation était bien la dernière chose sur laquelle Barbara culpabilisait. Elle mourrait de faim et un burger conviendrait très bien. Alors qu’elle attendait que sa commande arrive, une voix s’adressa à elle. Une voix d’homme, basse et légèrement rauque. Tournant la tête, faisant voler ses cheveux roux, la jeune femme tomba presque nez à nez avec un type, l’air un peu bourru, pas plus soigné que cela dans sa présentation. L’inverse presque total de l’image que présentait la jeune photographe en cette soirée. Lui adressant la parole pour lui poser une question incongrue. Non, plutôt pour lui faire une remarque de fin observateur. Babs jaugea pendant quelques secondes son interlocuteur improvisé. Clairement, il y avait plus à savoir sur lui qu’il n’en laissait paraître. Les gens qui comprennent des choses aussi personnelles aussi vite sont rarement aussi simplets qu’on le pense. Elle jouait sur cette impression elle aussi ; se faire passer pour la gentille cruche de service pour ne rien laisser passer, mais tout observer, repérer et enregistrer grâce à sa mémoire, au cas où ça lui serve un jour. Un léger sourire aux lèvres, elle répondit, avec légèreté.

"Non, en effet. J’aimerais bien un jour cependant."

Oh, il proposait un verre. Pourquoi pas après tout ? Ce n’est pas tous les jours qu’on se faisait proposer un verre par un étranger. Et puis sa matinée avait été si merdique qu’un peu de compagnie humaine ne lui ferait pas de mal. Son sourire s’élargit un peu et elle commanda, assurée.

"Une Guiness, 50, s’il te plaît."

Ouais elle était ricaine et alors ? Ca ne l’empêchait pas d’avoir un père qui aimait la bonne bière et qui avait très bien éduqué sa fille en matière d’alcool…Et de comportement face à l’alcool. C’était rare qu’elle boive en pleine journée, mais il lui fallait bien ça pour se remettre de l’affront qu’elle venait de vivre.

"Ca ne vous dérange pas si je mange en même temps ? Je meurs de faim." Un légère pause "Vous pourrez même me piquer des frites, il y en a toujours trop pour moi de toute façon."

Elle, pas très orthodoxe ? Ouais et alors ? Si ça le dérangeait, il ferait bien de battre en retraite maintenant car s’il laissait la rousse planter les griffes dans son mystère qu’elle sentait d’ici, il lui serait bien impossible de faire marche arrière. S’installant avec son assiette et sa bière à côté de l’homme qui l’avait abordée, Barbara tend une main vers lui.

"Moi c’est Barbara au fait, mais tu peux m’appeler Babs. Et toi ?"

Ouais, elle était passé au tutoiement sans même demander la permission et alors ? Elle entama avec enthousiasme son burger.

Taper la discussion n’avait jamais vraiment été son fort. Pourquoi maintenant, ce soir, dans un lieu pareil avec une fille telle qu’elle? Il ne pu toutefois s’empêcher de répondre égal au sourire qu’elle lui décrocha lorsqu’elle posa enfin les yeux sur lui, attirée comme une mouche par ses propres paroles. Elle n’hésita pas à répondre à son étrange questionnement, ce qui l’amusa étrangement, bien qu’il n’en démontra rien. Il se contenta de demeurer aussi neutre que possible se fasse. Il avait toujours eu cette manie d’examiner les gens, d’écouter leur voix, d’accrocher son regard dans le leur, cherchant à y déceler la moindre fourberie. Les gens, habituellement, réagissait toujours différemment à ce comportement. Peut-être avaient-ils l’impression qu’il entrait ainsi trop brusquement dans leur jardin secret, alors qu’il ne savait rien. Il devinait simplement lorsqu’on lui cachait quelque chose, sans nécessairement savoir de quoi il s’agissait. Mais la rousse ouvrit volontiers la conversation, se révélant beaucoup plus bavarde qu’il ne l’était lui-même en réalité. Il n’osa pas la défier sur le sujet de la maternité. Les femmes avaient toujours tendance à voir les choses différemment de lui, sans qu’il ne sache vraiment pourquoi.

Il but une grosse gorgée, comme s’il avait voulu faire passer une nouvelle qu’il n’arrivait pas à digérer sur le coup. S’il n’était pas très sobre, il n’était pas ivre non plus. Heureusement, d’ailleurs. S’il avait fallu qu’il soit ivre, frustré et donc incapable d’avoir une maîtrise de lui-même, il n’aurait pas donné cher de sa peau. Alors qu’elle se tourna plutôt vers la bière, boisson qu’il avait toujours considérée comme étant typiquement masculine, sans doute par la majorité qui la consommait, il ne pu retenir une pensée dégouté. Il n’avait jamais aimé ni le goût ni l’odeur, et ne s’était jamais forcé à en consommé, bien plus attiré par force d’alcool. Il secoua doucement la tête avant de finalement la lâcher des yeux pour se concentrer sur son verre, comme s’il avait espérer le voir s’envoler. Drôle d’image… Il en aurait bien été capable s’il le voulait vraiment.

-Ne vous gênez pas. Mais excusez moi si je ne pioche pas dans vos frites, c’est mauvais pour le cholestérol…

Humour de merde. Il s’apprêtait à rajouter «à mon âge», mais se retint de justesse en songeant que Colin lui en aurait collée une sévère pour simplement avoir parlé de cholestérol. Ce n’était pas non plus comme s’il avait soixante-dix ans. Il se sentait étrangement calme pour un type qui n’avait quasiment pas fermé l’œil depuis plusieurs jours. C’était une habitude, certes, mais tout de même. Tout être normalement constituer en tomberait sans doute de fatigue, la tête dans le verre d’alcool.

Il la laissa se canter à ses côtés, profitant de l’occasion pour se commander un nouveau verre, alors qu’il osait fixer son visage fatigué dans le fond encore mouillé du verre précédent. Si ses réflexions se mélangeaient parfois avec le présent, il ne perdait pas le fil des évènements et saisissait chaque mot comme s’il n’avait rien de mieux à faire que de les boire au goulot. Il se tourna de nouveau vers elle, mi observateur mi curieux et lui tendit la main à son tour, saisissant fermement entre sa paume rugueuse, celle d’un homme qui en aura déjà vu beaucoup par le passé.

-Jayden McFear…, lâcha-t-il en délaissant sa main douce et féminine. Il avait étrangement ressentit le besoin de faire part de son nom de famille, sans raison particulière, parce que c’était toujours ainsi. C’était McFear, par-là, McFear pas-ci. On ne l’appelait que très peu par son prénom.

Hum…S’il avait engagé la conversation, il ne semblait pas des plus doué pour la poursuivre vu le silence qui s’installa entre eux jusqu’à ce que Barbara reprenne la parole. En plus il la reprenait pour lui dire qu’il craignait pour son cholestérol. Pourtant, il n’avait d’un homme qui cherchait spécialement à faire attention à lui, hormis peut-être à se maintenir en forme physique comme de plus en plus d’hommes aujourd’hui. Elle le voyait dans un métier physique, quelque chose nécessitant des capacités que l’on acquiert avec de l’entrainement…En attendant elle devait répondre à son commentaire.

"Insinueriez-vous que je devrais faire plus attention à ma ligne ?" le ton était taquin, joueur, absolument pas sérieux ou réprobateur et on le sentait dans le rire qui éclairait la voix de la rousse.

Elle voyait bien qu’il était plus âgé qu’elle. A vu d’œil, comme ça, elle lui donnait peut-être dix ans de plus que son propre âge. Sa main serra celle, rugueuse, forte, de son interlocuteur. Sa main était grande, faisant presque totalement disparaître celle fine et délicate de la jeune femme. Un métier manuel donc. Quel genre de manuel, elle serait curieuse de savoir…Entamant son repas quand il lui rendit sa main, la rousse termina sa bouche avant de reprendre la parole.

"Jayden…Jayden…Jay. C’est plus simple. Donc, Jay, tu fais quoi dans la vie ?"

Allez, on lance des platitudes, on cherche à en apprendre plus. Mais pas directement, sinon elle était sûre de le voir se refermer. Mais en observant la façon qu’il a de répondre, son choix de mots, son langage corporel…Elle pouvait comprendre beaucoup de choses comme ça…

Il observa la rouquine du coin de l’œil admirant, bien malgré tout, son sens de l’humour particulier. Un humour qu’il ne retrouvait plus chez beaucoup de ces gens qu’il rencontrait. Un humour qui aurait pourtant dû l’agacé. Il s’avoua ne pas particulièrement trouver les commentaires de la femme particulièrement amusant, mais il ne s’en plaignait pas, lui qui, par trop de solitude ne faisait que s’ennuyer, aimait, à l’occasion, avoir quelques divertissement, quels qu’ils soient. Et elle, elle était un spectacle vivant sur deux pattes à elle seule. Mais de là à en éprouver un réel amusement? Il aurait plutôt tendance à dire qu’elle l’intriguerait temporairement, jusqu’à ce qu’il ne finisse par ce lasser de la tornade de questionnements qu’elle avait à son propos. Questionnements auxquels nul doute il ferait tôt d’échapper. Allait-il regretté de l’avoir ainsi interpeller? Il avait besoin de compagnie, comme n’importe quel être vivant. Peut-être n’était-elle pas la meilleure compagnie du monde qui soit, mais elle ferait l’affaire pour le moment, pour l’empêcher, lui, de sombrer dans ses tristes pensées. Égoïste? Sans doute. Même s’il avait passé le plus clair de son temps à ne penser qu’au bien-être de ceux qui le côtoyait, ce n’était définitivement plus le cas. Il n’y avait que ceux qu’il appréciait vraiment qui goûtaient, à présent, à cette acte attentionné, voir à la limite du protecteur agaçant qu’il pouvait être parfois.

Lorsqu’elle prit ses premières bouchées, il ne put s’empêcher de la suivre du regard pour finalement constater qu’elle faisait exactement la même chose que lui : de l’observation minutieuse. Et étrangement, il se sentit dans une position de malaise. Il avait l’habitude de voir les autres le considérer parfois longuement, mais pas forcément pour mieux le comprendre. Alors qu’elle? Il ignorait ce qu’elle avait derrière ces mèches rousses, mais il s’intrigua devant son regard interrogateur.

Il tourna finalement son visage de nouveau vers son verre, incertain de la position qu’il devait adopter. Peut-être ce sentiment n’était-il du qu’à son état pas particulièrement sobre du moment. Il tiqua toutefois lorsqu’elle se décida à réduire son prénom à ce surnom qu’on n’avait jamais osé lui donner. Sa mère, peut-être. Peut-être était-ce arrivé lorsqu’il était gamin, par le passé. Mais il ne l’entendait plus depuis des siècles.

-Je préfère que vous vous contentiez de Jayden.

Il n’avait pas lâché ce ton neutre, presqu’antipathique qu’il employait et qui rendait souvent les gens mal à l’aise en sa compagnie. Il n’avait pas non plus lâché ce vouvoiement qu’elle semblait, pour sa part, s’être décidé à abandonner complètement en sa présence. Il n’était rien de plus qu’un inconnu, pourtant. Et ça lui permettait de garder une distance avec elle, même si ce n’était qu’une image psychologique d’une barrière entre le duo qu’il se donnait.

-Je me rend utile, autant que possible, déclara-t-il finalement sur un ton beaucoup plus sec qu’il ne l’aurait voulu au départ. Il n’allait tout de même pas dire à une pure inconnue qu’il était blessé de guerre et qu’il ne pouvait plus faire grand-chose. Ça ne le faisait décidément pas trop. Parlez-moi plutôt de ce que vous foutez dans le coin…?

Comment détourner le sujet aussi à sa façon…

Sujet: Re: Attention, les roux ça explose...