Le soleil commençait à décliner à l’horizon alors que la jeune femme marchait avec lenteur dans le parc qui entourait l’institut du professeur Charles Xavier. Elle avait ressenti le besoin de s’isoler un peu, n’étant pas d’humeur festive en ce début de soirée. Cela faisait déjà quelques mois qu’elle avait été arrachée à L’Afrique par le télépathe qui lui avait offert une place dans son école. Ils étaient bien loin les temps où elle volait pour survivre en Egypte, à la merci de Achmed el-Gibar, le maître voleur de la grande ville du Caire. Pas encore consciente de ses pouvoirs, pleurant la mort de ses parents à cause de cette bombe qui avait détruit leur habitation ainsi que celles de milliers de gens. Parfois, elle essayait de comprendre comment et surtout pourquoi elle n’avait pas eu droit au même sort que ses géniteurs. Elle ne gardait que de brefs souvenirs de ses six années avec eux. Les buildings de New York, la douceur de sa mère, leurs voyages, les articles qu’écrivait son père et qu’il lui lisait afin qu’elle trouve le sommeil. Trop souvent, elle hésitait à aller voir le Professeur afin qu’il l’aide à se remémorer les premières années, si précieuses à ses yeux.
Elle avait été forcée à grandir trop vite et trop mal à son goût. Pas d’éducation, pas d’amour, pas de repères, juste les ordres. Voler le plus d’argent possible aux touristes, ramener des objets précieux, trouver de quoi manger lorsqu’elle savait qu’elle n’aurait rien en rentrant. Et où tout cela l’avait-elle mené ? À des milliers de kilomètres de là, en Afrique noire, dans une tribu qui l’avait prise pour une Déesse parce qu’elle faisait pleuvoir. Cette époque là n’avait pas été si mauvaise tout compte fait. On l’adulait, elle obtenait tout ce qu’elle désirait et surtout, elle avait découvert qu’elle n’était pas une jeune fille comme les autres. Ce don, comme ils l’appelaient, l’avait aidé à forger sa personnalité bien plus que tout ce qu’elle avait traversé jusque là. Elle se sentait douée pour quelque chose de bon, aimée à sa juste valeur. Lorsqu’elle étouffait, Ororo n’avait qu’à faire envoler les murs qui la retenaient prisonnière pour rappeler qu’elle était celle qui avait le contrôle. Mais tout cela ne suffisait pas. Encore une fois, elle était prisonnière, elle s’en était bien rendue compte. Malgré ses pouvoirs, elle ne pouvait rivaliser avec autant d’hommes. Surtout que la jeune fille ne les contrôlait qu’à peine, elle en était surtout l’instrument. Tout ce qu’elle avait acquis était cette rage de vaincre, cette colère une fois qu’on la mettait au milieu d’un champ de bataille. Oui, Ororo Munroe mourrait d’envie de faire ses preuves, elle avait plus que jamais besoin de reconnaissance, de briller.
L’opportunité s’était présentée lorsqu’elle avait revu ce brillant jeune homme. Elle l’avait aperçue au Caire, il y’a quelques années, mais trop jeune, trop apeurée par Achmed, elle n’avait pas osé le suivre. Elle ne se rendait pas compte alors qu’elle était détentrice du gêne X, ses pouvoirs ne s’étant pas encore manifesté avec force au point de la convaincre de ses capacités. Mais lorsqu’il était revenu la chercher accompagné de son acolyte Eric Lensherr, Ororo n’avait pas hésité. Son statut de divinité allait sûrement lui manquer mais elle ne pourrait jamais rien apprendre au sein de la tribu. Charles Xavier lui avait offert l’opportunité d’apprendre à contrôler pleinement son pouvoir en plus d’une éducation. Il lui avait promis une famille, un endroit sûr, une nouvelle vie, encore. Qui aurait-elle été pour refuser pareille opportunité ? De toute façon, elle l’aurait suivi au bout du monde, il avait su trouver les mots, l’avait rassurée avec son doux sourire. Sans trop savoir pourquoi, elle l’avait aimé tout de suite. Il incarnait la figure adulte qu’elle avait toujours désirée. Le professeur, le mentor, une sorte de père de substitution. C’était peut-être cliché dit comme ça, pensé sur le coup. Ororo s’en rendait un peu compte mais elle avait toujours été comme ça, ingénue. Elle qui ne connaissait rien mais avait vu tant de choses, vécu tant d’expériences…
C’était une jeune femme douce, ouverte et généreuse qui s’était installée à l’institut. Leader dans l’âme, elle s’était très vite fait un petit cercle d’amis dont elle apprenait plus que le contraire. Pourtant, tous semblaient attirés par son calme, la façon dont elle retournait plusieurs fois les choses dans sa tête avant de prendre réellement une décision, son acharnement à les défendre lorsque quelqu’un s’en prenait à eux. Ils riaient lorsqu’elle s’obstinait à teindre sa longue chevelure blanche, sachant pertinemment que dès qu’elle utilisait son pouvoir, les couleurs partiraient aussitôt. Alors, de bon cœur, Ororo mêlait son rire à ceux des autres, elle oubliait ses années de galère et remerciait le ciel d’avoir croisé le chemin du professeur X comme ils aimaient l’appeler.
Les nuages s’écartèrent pour laisser place aux derniers rayons du soleil qui vinrent caresser la peau brune de la jeune femme. Les dernières mèches se tinrent de blanc, ses yeux redevinrent bleus. Un sourire se dessina sur son visage, oui, elle n’avait rien écouté. Et après ? Regardez donc ces couleurs au loin, qui laisserait de lourds nuages gris gâcher le spectacle ?