« Tu ne te moques pas, promis ? »
Elle ajuste une dernière fois son maquillage devant le miroir, vérifie sa coiffure avant d'enfin sortir de la salle de bain dans laquelle elle est enfermée depuis une bonne demi-heure. La jolie blonde ouvre enfin la porte avant de s'appuyer contre le cadran, une main sur la hanche. Elle avait revêtu un pantalon noir à pinces, une chemise blanche et des bretelles noires. Un nœud papillon ainsi qu'une veste de tailleur venait finir d'habiller son costume, rendu un peu plus convaincant par ses cheveux ramenés en queue de cheval haute et la moustache fine qu'elle avait dessiné de chaque côté de sa lèvre supérieure. Cependant, elle n'abandonne pas ses escarpins noirs, seule touche de féminité qu'elle s'accorde sans compter son éternel rouge à lèvres framboise. Mais après tout, elle n'allait pas entièrement se travestir en homme pour le simple plaisir du club privé dans lequel elle se produisait ce soir. Même si la soirée annonçait un costume obligatoire, hors de question pour elle d'adopter une tenue aguicheuse tentant de représenter un animal mais version film pour adulte comme le lui avait conseillé son agent. Histoire de jouer sur le scandale et surtout sur son côté de fantasme vivant. Non, elle préfère rester classe et sobre que de s'abaisser à ce genre de chose. La jeune femme tourne sur elle-même sans quitter son sourire charmeur.
« Alors ? Qu'est-ce que tu en penses ? Margaret va devenir folle en voyant ça. Elle qui comptait sur cette soirée pour appuyer mon image de sex symbol ... »
Elle rit doucement avant de venir s'asseoir sur le rebord du lit. La suite est en désordre. Entre leurs vêtements qu'ils n'ont pas pris la peine de renfiler et ceux qu'elle a sorti de l'armoire pour trouver un costume à sa convenance et les restes de leur collation commandée au room-service, on se croirait en pleine berezina. Elle plonge d'ailleurs rapidement ses lèvres dans une coupe d'eau bien fraîche à défaut de trouver un verre normal. Un coup d'oeil à la montre lui indique qu'il est grand temps de mettre les voiles si elle ne veut pas être en retard.
« Je dois filer. Tu n'auras qu'à partir dans une demi-heure. Laisse la clé à l'accueil. Ils ne diront rien. »
La jeune femme adresse un dernier sourire au journaliste avant d'enfiler sa veste de tailleur noir. Elle lui envoie un baiser et enfin, quitte la suite du Hilton d'un pas sûr et déterminé, lunettes noires sur le nez même si elle sort en pleine nuit. Elle sait que les employés de l'hôtel ne diront rien pour la simple et bonne raison qu'un coup de chansonnette avait suffi à les persuader qu'ils ne devaient rien dévoiler de sa vie privée aux journalistes. Quant aux femmes, on peut dire que la fortune accumulée de concert en concert ne lui avait jamais si bien servie de sorte qu'à l'heure actuelle, elle pouvait affirmer avec certitude que les informations ne partiraient pas du personnel du Hilton. Restait à espérer que les paparazzis se contenteraient de suivre sa limousine comme d'habitude. C'est d'ailleurs avec un sourire amusé qu'elle les accueille à la sortie de son hôtel, sa moustache dessinée au crayon khôl suivant le mouvement de ses lèvres étirées. Au moins les photos lui vaudront quelques articles amusants le lendemain matin.

Le concert se clôture par un bouquet de fleurs, comme d'habitude dans une si petite salle. Le club privé est plein pourtant, plein de gens influents, triés sur le volet, sélectionnés parmi les clients les plus prestigieux de l'établissement pour assister à ce concert exclusif pour lequel le gérant de l'établissement avait dû dépenser un sacré cachet. A vrai dire, elle n'avait pas encore consulté le chèque mais elle savait que Margaret avait du savoir négocier cette soirée déguisée à un très bon prix. Les applaudissements, son nom scandé, rien d'inhabituel même si toutes ses marques d'adulation la touchent toujours autant. Elle ne s'attarde cependant pas sur scène, se contentant de quelques poignées de main avant de disparaître en coulisse dans sa loge. Le calme lui fait le plus grand bien. Premier réflexe : défaire ce nœud papillon, déboutonner un peu sa chemise et remonter les manches avant de mourir de chaud. Sous le feu des projecteurs, elle n'avait pas fait attention à tout ça, mais maintenant que le show était terminé, elle s'étonnait d'avoir pu assurer une heure de concert habillé de la sorte. Mais son repos est de courte durée. A peine a-t-elle le temps de poser sa veste de tailleur sur le fauteuil de la coiffeuse et de finir de retrousser ses manches que quelqu'un frappe à la porte. La belle blonde soupire. On ne peut donc pas la laisser tranquille 5 minutes ? Mais la vision qui lui apparaît de l'autre côté de la porte est loin de s'apparenter à un admirateur ou encore à Margaret venu la féliciter. A la place, un homme se tient devant elle, plus grand qu'elle et coiffé d'un étrange casque. Pendant un instant, elle se prend à se dire qu'il ne s'agit que d'un costume mais il faut bien se l'avouer, ce serait étrange comme déguisement et elle l'aurait repéré dans la petite salle de concert. La panique la gagne en un quart de seconde quand elle comprend ce à quoi peut servir le couvre-chef. Comment est-ce que quelqu'un a pu prendre connaissance de son don depuis assez longtemps pour trouver un moyen de le contrer ? Il est hors de question qu'elle se laisse avoir une nouvelle fois. Qui sait ce que lui voudrait ce gus ? L'enfermer dans un laboratoire pour étudier ses cordes vocales ? La faire disparaître de la surface de la terre parce qu'il la considère comme une erreur de la nature ? Non, elle ne prendra pas le risque de le découvrir. L'action se décide en une fraction de seconde dans son esprit alors qu'elle abandonne son sourire amical. La jeune femme profite de l'effet de surprise pour pousser l'homme suffisamment que pour se faufiler entre lui et la porte et filer à toute allure dans le couloir des coulisses. Il faut qu'elle trouve quelqu'un ou qu'elle réussisse à sort... Aie. Sa course dans le couloir un peu désespérée vient de s'arrêter brutalement quand elle entre de plein fouet dans … dans quelqu'un en fait. Effrayée à l'idée qu'il s'agisse d'un homme de main de l'homme au casque, elle s'empresse de poser un visage sur ses inquiétudes mais en fait non. Il ne s'agit de personne d'autre que de Robert. Attendez, replaçons ça dans le contexte. LE Robert, oui oui celui qu'elle a quitté un peu plus tôt dans sa suite au Hilton, sûrement descendu pour la rejoindre mais devancé par l'individu étrange. A moins que tout ça ne soit qu'un piège … Mais peu importe, elle sait que son pouvoir fonctionne sur le journaliste si jamais les choses tournaient en sa défaveur mais au moins à présent, elle a quelqu'un de son côté qu'elle est sûre de pouvoir manier à sa guise, juste au cas où.