Le club des damnés. Le seul héritage qu'on lui a légué. Comment cela a pu arriver ? Il l'ignorait. Des soviétiques qui s'étaient alliés à des capitalistes, dur à croire, mais c'était pourtant le cas. Naviguant dans un brouillard sans compas, il ne se souciait guère de ces questions politiques. La seule chose qui l'importait, c'était de mener à bien sa mission et si le club pouvait l'aider ou au moins le couvrir, c'était déjà ça. Le russe n'avait pas encore pris ses fonctions, Roberto avait prévu une réunion pour les jours à venir, en attendant, ils avaient carte blanche. Une journée entière passée dans l'obscurité de son appartement, les volets closes, il n'avait laissé aucune trace de lumière pénétrait sa demeure. Il détestait la lumière, alors le soleil...Démonter et remonter ses armes. Vérifier ses munitions. Étudier sa cible. Se remémorer le passé. Boire de la vodka. Voilà à quoi il avait passé sa journée. Assit sur un fauteuil, piégé dans la pénombre, Mikhaïl patientait. Il attendait que le soleil soit chassé. Il n'était pas un vampire ou ces autres créatures nocturnes, c'était bien un homme. L'étoile avait juste le don de le dégoûter de toute chose. La chaleur le répugnait. Cigarette au bout de ses doigts, ses yeux étaient figés sur le médaillon posé sur la table basse. Il n'était baigné d'aucune émotion. Ni nostalgie, ni regret, ni même tristesse. Son coeur était aussi vide que le verre qu'il avait en main. Son passé semblait consumer à jamais, comme cette cigarette qu'il fumait. Il était redevenu l'ombre, l'homme n'existait plus. Divorçant du fauteuil, il se lève et fait face à ses volets, un sourire carnassier est porté à ses lèvres. Il peut la ressentir. L'obscurité a enfin pris place. Ses joues s'étirent de plus en plus, le sourire malicieux devint rire machiavélique.

Alors que la pièce est plongée dans les ténèbres, on peut voir deux cercles rouges. Il vient de se réveiller...Après s'être saisit de sa veste, le russe quitte enfin cet appartement. Il a été forcé de porter un costume avant de poser un pied sur le sol américain et comme cela ne faisait que quelques jours, il ne l'avait pas encore retiré. Tube de nicotine aux lèvres, mains dans les poches, il profite de la fraîcheur de la nuit, de cette brise nuptiale. Ce sourire qu'il porte en dit beaucoup sur ce qu'il compte faire. Un regard curieux de temps en temps. L'architecture n'était pas la même que celle en Russie. Tout était droit ici, aucune courbe. Il n'osait imaginer leurs femmes dans ce cas. Cette seule pensée le fit rire à voix haute. Les quelques passants qui le croisaient devaient sans doute le prendre pour un fou, un drogué ou un alcoolique. Las. Il marche, encore et encore, à la quête des portes de l'Enfer. N'était-il pas appelé Lucifer ? Douce ironie, lorsque l'on sait que cet homme n'arrive pas à supporter la lumière, alors la porter ? Une farce. Sans oublier qu'il était le porteur des ombres. Bientôt, il pouvait déjà sentir l'odeur de cette boisson. L'envie de goûter ce liquide le faisait frissonner. Diable, ne venait-il pas déjà de boire ? Il s'arrête devant une intersection. Il tente de renifler l'air. A gauche, c'est par là-bas. Tous les bars possédaient de la vodka certes, mais il n'y avait qu'un seul d'où elle venait de Russie. Les autres n'étaient que des aberrations fabriquées par les Américains. Ça y est, il approche. Son rire se fait de plus en plus macabre, sournois. Était-ce simplement dû à l'envie de boire ? Peu probable, mais la réponse ne tardera pas à se dévoiler.

Mikhaïl fit un pas en avant pour pénétrer dans le bar. Sans qu'il ne s'en rende lui-même compte, il est bousculé par un homme qui empestait l'alcool. L'héritier ne fit pas attention aux mots acerbes que cet homme venait de prononcer, par contre il sentit la gifle. Sous le coup de la surprise, il caressa le mur. Son visage n'exprimait pas la crainte, ni la douleur. Bien au contraire, un rire guttural à en glacer le sang se fit entendre. La seconde qui suivie, quelque chose saisit l'ivrogne par sa veste et le fit traverser la porte du bar. Le russe n'avait rien à voir là-dedans, il ne l'avait même pas touché. Maintenant que la porte était ouverte, il pouvait rentrer. Les quelques personnes présentes commençaient à partir lorsqu'ils virent les dégâts. D'un pas lent et arrogant,Mikhaïl s'approcha du comptoir, sans détacher son sourire, il commanda sa boisson.

« Vodka, mon cher ami. »

En temps normal, personne ne peut se douter que c'est un russe, même quand il parle. Cependant, lorsqu'il prononce « vodka », son accent refait surface. Une perle de sueur longea le front du barman avant de s'écraser au sol. Quelques secondes après, il le servait. Sans perdre de temps, Mikhaïl vida son verre d'une traite. Se mettant de dos au barman, il finit par ouvrir ses bras et poser ses coudes sur le comptoir. Ses prunelles d'azur étaient braqués sur l'ivrogne, il se délectait déjà de la douleur qu'il allait lui infliger. Les pénombres présentes à divers endroits du bar commençaient à s'étaler, pour se diriger vers les quelques lampes de la salle.

Quelle agréable sensation. Frapper, blesser, torturer, tuer. Il aimait toutes ces petites choses. C'était étrange, lorsqu'on le croisait en temps normal, il était une personne de tout ce qu'il y a d'ordinaire. Inoffensif. Il n'était pas atteint d'une maladie mentale, ni schizophrène, il savait apprécier la souffrance. Le sadisme avait infesté son sang et ne demandait qu'à être relâché. Il tremble, son sourire est dessiné par le mal le plus pur. Toutes ces personnes le regardent et le trouvent étrange. Mikhaïl continue d'observer cette petite chose par terre. Qu'il profite encore du souffle qui lui ait accordée, bientôt, il ne pourra plus ramper. Doux frisson qui parcourt son échine et qui fait vibrer chaque parcelle de son corps. Sans détacher son regard du chien galeux qui gisait au sol, il se saisit de la bouteille et se met à vider la bouteille. Une descente faramineuse. Lorsqu'il l'a repose, la bouteille était déjà à moitié vide. Inquiet, désemparé, le barman tousse pour attirer l'attention du russe. Rien à faire, il ne daigne lui accorder un regard et c'était mieux ainsi. Vlad déteste qu'on le dérange lorsqu'il passe à table. Poussé par l'arrogance, le russe tapote du pied, de manière à réveiller cette petite chose. Comme il l'espérait, celui-ci se relève. Bien, ils allaient pouvoir s'amuser. La joie qui habitait Mikaïl était indescriptible. Le sourire que portait son agresseur ne faisait qu'accentuer son plaisir. Faire souffrir un être donnait plus d'orgasme qu'une femme à ses yeux. Cet ivrogne devrait s'enfuir. Il ignore quel genre d'être il en face de lui. Ce n'était pas un homme, il n'était qu'une ombre. C'était un démon qui avait quitté les Enfers. L'esprit du russe lui murmurait des mots sucrés. Tuer, encore et encore. Un monstre. L'héritier était la réincarnation du plus grand pêché. Il tirait son plaisir de la souffrance d'autrui.

Ses yeux d'océans n'avaient pas quitté l'ivrogne. Il attendait une réaction. Réaction subite. Son adversaire venait de se glisser dans son ombre. Surpris ? Dieu que non. Même s'il ne l'avait pas vu se déplacer, il n'était nullement surpris. Un mutant, tout comme lui. Les choses promettaient. C'était la première fois qu'il allait faire couler le sang d'un mutant. Tout ce qu'il désirait, c'est que cet homme ne s'écroule pas au premier coup. Mikhaïl se plongea dans un léger mutisme, mais ses lèvres détenaient toujours ce sourire machiavélique. En bon gentleman, il devait partager son plaisir et ça passait par se taire lorsque son adversaire joue. Lorsque le nom de Staline parvint à ses oreilles, Vlad ne put se contenir. Se laissant aller, il rigola à haute-voix. C'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Les derniers humains présents prirent leurs affaires et quittèrent les lieux. Suivi de très près par le barman. Ils étaient enfin seuls. Le russe ne chercha pas à connaître le pouvoir de ce mutant, cela ne l'importait peu. Il ne prit pas la peine de répondre à son interlocuteur. Demeurant sur sa position, il porta à nouveau la bouteille à ses lèvres, cette fois-ci, le contenant fut vidé de tout contenu. Pas encore ivre ? Il en fallait plus pour le plonger dans le vice. Surtout quand l'adrénaline et les pulsions meurtrières l'ont saisi. La question qui longeait son esprit était d'une simplicité infantile. Comment allait-il s'occuper de lui ? Bien sûr, il ne fallait pas le tuer, mais le torturer. Peut-être qu'il donnera des informations croustillantes. Étant donné qu'il ne l'avait jamais vu au Hellfire Club, il devait appartenir à une faction différente ou être un simple paumé de la vie. Les choses pouvaient commencer. Sans rien dire, Mikhaïl frappa dans ses mains.

Les lampes explosèrent. La lumière fut évincée. L'obscurité n'était pas encore totale, on pouvait encore discerner quelques formes, mais plus pour très longtemps. Petit à petit, les ténèbres prenaient place. En quelques secondes, les draps noirs avaient revêtis les lieux. Tables, chaises, comptoir, rien n'était visible. Il n'y avait que cet ivrogne au milieu d'une pièce noire. Même le russe semblait absent. Il était pourtant bien là, quelque part dans ces ténèbres froides. Un rugissement se fit entendre, accompagné d'un rire guttural. Se baser sur sa voix pour le repérer ne servirait à rien. Ça raisonnait en écho, encore et encore.

« A toi de me chercher, petit Yankee. »