Lion mange agneau. Fin de l'histoire.

Terreur n’est pas un mot. Il la connaissait, pourtant, plutôt bien, pour l’avoir sentie, perçue, observée dans les regards, un plus que tous les autres. Il observait silencieusement la pâle noirceur de la ruelle, s’accoutumant peu à peu à l’éclairage, sa vision s’atténuant lentement pour lui donner l’impression d’être plus humain au fur et à mesure. Il ne distingua bientôt plus le chat mort à l’opposé totale de l’endroit où il se tenait, mains enfoncées dans le fond des poches de ses jeans.

Terreur. Il baissa les yeux au sol un temps. Le temps suffisant pour qu’il ne put qu’avoir une distance normale de regard, percevant la noirceur, plissant le nez pour l’accusée, elle, sa pire ennemie et pourtant sa meilleure amie dans certaine situation. Mais pas maintenant. Maintenant, il la détestait tout particulièrement elle qui, mine de rien, amenait l’ombre sur lui comme un châtiment sur un damné. Le corps raide du militaire bougea. Ses pas claquèrent sur l’asphalte craquelé par endroit imprécis. Il ne put s’empêcher de songer que la nuit le ramenait toujours vers sa solitude infinie. Sans parler de son humeur de brute sans émotion. Il se sentait, à l’occasion, d’une irritabilité qui l’aurait fait tuer son propre voisin pour un oui ou un non. Frustration refoulée qui, à force de conservation, s’écoulait peu à peu des parois fissurées de sa patience.

Il s’arrête à au bout du chemin, passe la tête en avant. Observe. Rien ne bouge. Sauf un duo qui s’éloigne doucement, tête contre épaule. Il frissonne. Se remet en marche. Quand remonte à sa dernière véritable compagnie agréable? Il n’en sait plus rien. À vrai dire, ça n’avait jamais vraiment été la première chose à laquelle il pensait. Boulot venant avant tout le reste, Jayden ne se faisait pas beaucoup d’amis. Encore moins de compagne ou compagnon. Compagnon, oui, depuis qu’il avait ressentit ces étranges émotions face à un seul. Un seul. Unique. Et qui n’était plus là pour lui foutre une raclée dès que son air de chien battu refaisait surface, un peu comme à cet instant précis. L’idée d’une claque l’obligea à tourner la tête pour voir l’ombre d’un être vivant derrière lui près à lui en coller une. Mais il n’y avait personne et, étrange déception, il reprit son allure habituelle, serrée, solide, d’un pas lourd et agressif. Le pas d’un homme imperturbable qu’il ne faut pas trop chatouiller.

Mais il ne s’attendait pas vraiment, vu l’allure générale qu’il cherchait à dégager, à réellement attirer l’attention, si ce n’était pour provoquer un murmure craintif. Il se contentait d’un regard convainquant de neutralité… Comme quoi il ne s’arrêterait pour rien. Sans trop savoir exactement où il allait de la sorte, toutefois. Mais il ne s’attendait surtout pas à ce que ce genre de comportement, tout à fait, gamin, puisse provenir d’un corps aussi fragile que celui d’une femme. Femmes qu’il faisait habituellement rapidement fuir.

Spoiler:

C'était la première fois que cela se produisait, malgré le fait qu'il aurait pu y en avoir tant d'autres. Torturer mon tuteur était la plus grande erreur que j'avais pu faire cette nuit, sachant pertinemment qu'il était la cible idéale, étant donné le bon nombre de souffrances qu'il avait dû endurer dans sa vie, cependant il n'était pas le genre d'ennemi le plus facile dont on pouvait se débarrasser. Comme une sangsue, il pouvait traquer sans relâche une personne pendant des jours et des semaines, la capturer et la séquestrer aussi longtemps qu'il le désirait lorsqu'il était en colère, il pouvait d'ailleurs le faire sans aucune scrupule, ayant été entrainé à faire ce genre de choses au sein de l'organisation. Qui sait ce qu'il pouvait me faire à présent, en sachant que je venais de trahir sa confiance, comme j'avais désobéis à la seule et unique règle qu'il tenait particulièrement à maintenir entre nous : ne jamais utiliser mes pouvoirs sur lui.

Mais il n'aurait jamais dû me toucher, même s'il l'a auparavant fait maintes et maintes fois sans la moindre retenue, et j'avais pour une fois pu résister à ses avances incestueuses, même si le repousser comme je l'avais fais n'était pas bien vu. Au moins il se rendrait peut-être compte, même bourré, du pourquoi il venait de souffrir. L'entendant hurler de fureur derrière la porte qu'il tambourinait tandis que je cherchais mes vêtements les mains tremblantes, dans tous les recoins de ma sombre chambre, j'avais pris l'initiative qui me semblait la plus juste. Sauter par la fenêtre pour m'enfuir à toutes jambes même si celles-ci étaient encore frêles d'avoir subi une telle chute et que mes baskets non lacées s'enfuyaient de mes pieds. Encore sous le choc d'une telle aventure, je n'en revenais tout simplement pas, hantée par de récents et sinistres souvenirs, je courais dans cette rue sous-alimentée en lumière, jusqu'à en perdre haleine et je ne comptais pas me retourner, d'ailleurs je n'osais même pas regarder autour de moi ni même réfléchir à l'endroit je pourrais aller, tout simplement parce que je n'avais qu'une seule idée en tête qui était de m'éloigner le plus possible de mon appartement. Sur ce moment de panique totale, je n'entendais plus rien d'autre que mon souffle rapide et mon cœur battant très fort contre ma poitrine.

Je fermais à peine ma chemise qu'un vent glacial me fit revenir à la réalité. Mes mains tremblantes étaient saisies par le froid et mes yeux rougis par la fraicheur de la nuit vinrent se poser aussitôt sur une pauvre bête morte. Un chat. Je me stoppais tout à coup, figée par le dégout de voir un pauvre animal mort dans ruelle baignée d'obscurité et de solitude. Je n'étais pas habituée à rencontrer la mort, de loin ou de près, et cette scène me frigorifiait le sang, évidemment, comment aurais-je pu rester de marbre face à un petit être ayant perdu la vie dans une pose si triste? J'aimais torturer, mais ça... non. À vrai dire j'avais toujours eu peur de voir la réalité en face, peur de me dire qu'on mourait tous un jour... Comment d'ailleurs pouvait-on laisser un animal mourir comme ça? Répugnant. Révoltant. Cela ne m'inspirait que la haine et avec la nuit perturbante que j'avais passée, je ne pouvais être autrement que dans tous mes états. Hélas, je perçus un bruit de pas dans mon dos, je me rendis soudain compte que j'étais passée dénudée devant un homme sans même le voir. Je baissais mon regard craintif sur mon décolleté que j'avais eu peine à fermer dans ma course et je lâchais soudain un petit cri craintif. Ouf... je soupirais peu après cela en confirmant qu'il était bel et bien fermé.

La panique pouvait parfois me rendre folle à m'en donner des hallucinations et appréhensions que je n'aimais guère et cette fois-ci elle m'avait totalement enveloppée dans une bulle où l'on ne voit ni n'entend plus rien d'autre que ses propres tourments, envoutée par ceux-ci et à la merci de mon entourage. Il fallait que je me calme, je pris alors une grande inspiration et je me retournais rapidement sur l'individu qui avait croisé ma route, m'apprêtant à le rattraper pour une raison qui m'échappait complètement. Sa silhouette avait une drôle d'allure, elle bougeait de façon très rigide comme si elle s’apprêtait à frapper, on aurait dit que lui aussi était furieux. Cela ne m'attirant que d'avantage... je me me mis à marcher derrière son ombre si noire qui s'éloignait rapidement de moi. Hélas j'avais tellement couru que je ne pus le suivre aussi vite qu'il marchait, je m'écriais alors d'une petite voix, inaudible au départ mais que je répétais cette fois-ci d'un cri tremblant.

- Arrête toi!

Assez de marcher et de courir. Ma main gelée vint se coller sur le mur pour prendre une petite pause et me retenir de tomber, tandis que l'autre vint se tenir sur mon genou, me demandant par la même occasion s'il comptait m'écouter ou continuer sa route, avant de me remettre en marche vers lui. Ne se stoppant pas pour autant, l'homme continuait sa marche nerveuse et provocante. En effet, bouillonnant dans ma colère, j'avais de plus en plus envie de me défouler, pour aucune raison valable sur lui, cependant je ne voulais pas le faire sans avoir au moins vu son visage. J'accélérais aussitôt le pas et je remontais à sa hauteur, l'arrêtant par une main déterminée, posée sur son épaule que je ne me privais pas d'écraser sous mes ongles.

- J'ai dis arrête toi! Tu es sourd ou tu cherches à me faire courir?! L'enguirlandais-je, essoufflée et dans tous mes états, sans même le connaitre.

Spoiler:

Il n’était pas sourd. Peut-être avait-il l’audition un peu plus faible que la majorité des gens, mais tout le monde serait dans son cas, selon son propre vécu. Il ne se souvenait étrangement plus du son répercutant de la grenade. Il se souvenait de la douleur, toutefois. Il n’avait plus entendu de l’oreille gauche pendant près d’une semaine. Et même s’il ne l’était pas, pas vraiment, le manque d’intérêt, d’attention, peut-être, ou simplement parce qu’il en avait rien à faire des éclats de voix qui l’entourait à ce moment précis : tout ceci mis dans le même panier, il n’avait effectivement jamais entendu le premier cri dans son dos. Il s’était contenté de voir l’ombre, un peu plus tôt, ne s’imaginant pas qu’elle lui emboiterait les pas pour une quelconque mystérieuse raison de sa part.

Mais personne ne le touchait jamais sans sa permission. On ne touche pas un homme aux réflexes contrôlés par les souvenirs des balles frôlant sa tête, des cris d’agonie et des bombes qui explosent. On ne pose pas une main sur l’épaule d’un type tel que lui qui pourrait en un rien de temps vous faire embrasser le cul de la lune. Et lorsqu’il sentit la présence dans son dos, sans forcément daigner se retourner pour voir de quoi il s’agissait, et lorsqu’il sentit la poigne se refermer sur son épaule, il serre le poing et se retourna vivement, sans avoir seulement pris la peine d’écouter ou d’entendre ce qu’elle disait. Son poing vola par instinct pour s’écraser sur elle, sans se ménager. Il sentit, bien sûr, aussitôt le étirement douloureux habituel à son épaule gauche dès qu’un mouvement trop brusque se faisait. Il se redressa, raide comme une barre de fer, le regard d’une rage que ses alliés et amis ne lui avaient sans doute jamais connu. Il ne vit pas immédiatement la jeune fille, se prenant de voir un fantôme qui lui rongeait l’âme. Mais reprendre ses esprits était chose régulière et il se contenta de lui lancer un regard mauvais, sans s’excuser pour le geste, bien que mentalement, il se renfrognait et se traitait de tous noms possibles.

-C’est mieux un poing qu’un mur de briques, lâcha-t-il doucement, plus pour lui-même que pour elle. Ça, c’était aussi bien dans ces moyens. Il trouva d’ailleurs étonnant que rien autour de lui n’ai bougé plus qu’il ne le faille. Rien n’avait vibré sous la force de ses sentiments, pas même les déchets qui trainaient au sol. Et malgré ce qui venait de se passer, le télékinésiste ne pouvait que s’en félicité. Aucune perte de contrôle ce soir sur ses pouvoirs étaient mieux que rien. Et elle, elle y avait échappé. Heureusement, ou pas, il l’ignorait, mais elle avait échappé à se retrouver physiquement en train de voler.

Sujet: Re: Lion mange agneau. Fin de l'histoire.