C'est incroyable, juste incroyable. Tu es assise là, les mains posées sur les genoux, le regard porté sur la scène. A côté de toi la gamine s'agite, cherche des yeux la feinte, mettant de côté la magie du tour. Tu as toujours adoré les cirques. C'était d'ailleurs un rituel pour ton anniversaire lorsque tu étais plus jeune. Le soir, ta mère te prenait avec elle et vous y alliez en amoureuses. Elle t'achetait des friandises et tu ne lâchais pas la scène des yeux. Aujourd'hui, maintenant que tu as grandis, tu n'y vas plus. Quoi de plus normal ? Mais lorsque ton patron avait mentionné cette sortie tu t'étais empressée de proposer d'emmener l'enfant. Gabriel, une petite fille d'une dizaine d'années aux cheveux flamboyants comme ceux de son père. Insupportablement intenable.
Elle s'était assise à côté de toi, rongeant ses petits ongles et se trémoussant sur le banc. Elle interrompt le fil de tes pensées une fois, deux fois, puis trois, te demandant "comment font-ils ?", "est-ce réel ?" et enfin, "C'est de la magie ?". Elle tire sur ta manche, t’empêchant de regarder et tu as une furtive envie de lui taper dessus avec ton sucre candy. Enfin, ce serait dommage de gaspiller une telle sucette sur cette gamine. Lorsque le spectacle se termine, Gabriel te fixe de ses petits yeux verts et demande ( impose serait d'ailleurs plus approprié ), à aller voir le "monsieur qui a coupé la madame en deux". Tu soupires et regarde ta montre. Cinq heures ? Son père t'avais prévenu qu'il viendrait la chercher et l'idée d'aller à la rencontre de ce type te stresse un peu.
"Gabriel, je suis désolée mais ton père ne va pas tarder, on ferait mieux de l'attendre dehors."
Elle boude, te fixe d'un regard noire et se rue vers la sortie. Le chapiteau se vide, tu la cherches des yeux. Les bras croisés elle attend. Tu la suis, elle tourne la tête vers toi et la retourne vivement.
"Je vais le dire à mon père." Elle lance enfin.
Tu roules des yeux et regarde les gens disparaître. Quelques minutes passent et vous vous retrouvez seules. Pas de trace de son père à l'horizon.
"Bon. Ton père n'a pas a l'air d'être en retard, tu veux aller voir s'ils sont toujours là bas ?"
Tu affiches un sourire forcé. La petite elle ouvre de grands yeux et cours voir à l'intérieur s'il reste un quelconque membre de la troupe. Tu la suis à contre-cœur, préférant rester ici mais ne pouvant la laisser sans surveillance. Ce n'est qu'après avoir passé l'entrée que tu remarques la présence de l’illusionniste sur la scène. Des cerceaux enflammés l'accompagnent. Impressionnée, tu t'arrêtes un instant.
"Anyes, regarde, y'a du feu !!" Elle semble jubiler.
Tu t'approches et laisse la gamine parler.
"Monsieur, monsieur ? votre spectacle il était trop cool !"
Tu souris et renchéris.
"C'était vraiment incroyable, bravo."
Soudain, une voix retentit derrière toi et tu reconnais celle de Parsons, ton patron. Enfin. Alléluia. Il appelle sa fille et celle-ci quitte à contre-cœur l’illusionniste. L'avocat te remercie à sa place, sourit et repart. Tu l'entends questionner sa fille à propos du spectacle mais n'écoute pas la réponse. Tu reportes ton attention sur l'homme sur la scène, ne peux t'empêcher de penser que ce qu'il fait un incroyable, presque trop.