La nuit tombait sur les grattes-ciels. Se perdant dans une épaisse obscurité, le brouillard vint les engloutir définitivement. Les étoiles en demeuraient masquées, le noir opaque de la nuit prit rapidement la teinte grisâtre des lumières cognant contre la fumée. Sous ce toit infini grouillait une foule de new-yorkais pressés de regagner leur foyer. Une petite fille aux cheveux roux courait après son petit frère reconnaissable, un homme à la moustache imposante fumait avec plaisir une cigarette, assis sur un banc. De l'autre côté du trottoir s'embrassaient deux amants perdus dans les bras de l'un et de l'autre, et derrière eux se faufilait un artiste de rue près à exposer ses œuvres sur les pavés. Les restaurants et cafés étaient toujours combles à cette heure, les fenêtres des buildings rayonnaient encore de leurs lumières jaunes ou blanches tandis que certaines s'éteignaient, cédant place au sommeil des locataires.

Arthur savait où il allait. Il avait dégoté des places, enfin. Le Times en avait fait l'éloge, tout un article lui était dédié en bas de la deuxième page. Le magicien Sam Caldwell se reproduisait une fois encore sur une des plus grandes scènes de Broadway. Le jeune homme avait réussi à acheter deux places pour une amie et lui sur internet, sûrement parmi les dernières. Ils s'étaient donnés rendez-vous juste à l'entrée, elle habitant à seulement trois numéros d'ici. Nightstone, lui, avait dû faire la route de l'Institut à Big Apple pour la rejoindre. Il n'aimait plus cette ville depuis certains incidents, mais il ne préférait ne plus y penser. Il aurait pu passer chez lui, mais il ne l'a pas fait.

- Arthur ! Hé Arthur !

S'extirpant de ses pensées à cet appel, le jeune adulte leva les yeux vers la tête blonde qui l'appelait au beau milieu d'autres jeunes ayant hâte de rentrer dans la salle bientôt bondée. Il passa une main dans ses cheveux puis courut la rejoindre en la serrant très vite dans ses bras.

- Comment vas-tu ?
- Très bien, ça commence dans deux minutes.
- Vite dans ce cas !

Les minutes passèrent alors que les deux amis frétillaient d'impatience sur leurs sièges de velours. Arthur ne pouvait faire disparaître le sourire qui naissait sur son visage. Les yeux pétillants comme un jeune enfant, lorsque le rideau s'ouvrit, il applaudit.

Le spectacle fut incroyable, impossible à décrire dans son intégralité. La star enchaînait les disparitions et les assistants. Néanmoins, l'utilisation de ceux-ci dans un show sont souvent révélateur de complices, ruinant la magie que s'imaginent les spectateurs. Mais cette idée fut très vite noyée lorsqu'Arthur fut invité à monter sur scène. Lorsque les yeux de Sam se plongèrent dans les siens, son cœur menaça de briser sa poitrine, y cognant avec une telle force que le mutant dut parvenir à maîtriser sa respiration. L'artiste lui offrit sa main qu'il prit sans hésitation, montant sur les planches récemment cirées. Il vit la foule qui se tenait face à lui, ne faisant néanmoins pas augmenter le trac qui l'envahissait déjà face à l'homme devant lui. Il lui déclara plusieurs indications, lui fit piocher des cartes, les mélanger et remélanger. Il ferma plusieurs fois les yeux, tourna sur lui-même sous les fous rires de son amie riant dans ses mains. Arthur riait, il se sentait bien. L'homme à ses côtés faisait des prodiges. Il tentait tant bien que mal de deviner ses astuces, ses trucs, l'envers du décor. Mais rien à faire, il était doué. C'est ainsi que vint les doutes. La manière avec laquelle il faisait disparaître ces cartes de papier était impressionnante, si impressionnante que le mutant doutait d'y trouver un égal. En était-il un ? Non, c'était impossible... *Il pourrait, mais Xavier l'aurait déjà trouvé* se répétait le jeune homme, fervent admirateur du Professeur.

Lorsqu'il salua en même temps que la star du soir, lui faisant ses adieux d'une simple poignée de mains, les mots lui manquaient. Il rejoignit son amie, récupérant sa veste et sa sacoche. Mais il ne voulait pas partir. Il voulait le retrouver.

- Amelia part, je dois aller aux toilettes, on se voit demain de toute façon.
- Je peux t'attendre !
- Nan mais, tu sais, je pars dans l'autre direction alors...
- OK j'ai compris, à demain.
- Merci.

Le dernier mot qu'il prononça sembla le trahir légèrement. Il s'engouffra dans les coulisses à la vitesse de l'éclair, se mêlant à une foule de fans en délire, réclamant autographes et photos avec l'artiste. Ce-dernier restait au dessus de cette vague d'amour, groupies s'enchaînant les unes après les autres, lui gardait la tête hors de l'eau. Lorsqu'il rentra dans sa loge, faisant déguerpir les dernières adolescentes, Arthur se décida à venir frapper à la porte. Il dut attendre près d'une minute avant qu'il daigne lui ouvrir.

- Monsieur Caldwell, j'aimerais vous parler en privé.

La nuit tombait, étirant ses longues griffes sombres sur la ville de New-York. Une brume s'éleva dans le ciel, cachant les lueurs étoilées que l'homme qui marchait vers la salle de spectacle aimait regarder. Il entra par derrière, par l'entrée des artistes avec un petit sourire en apercevant les affiches publicitaire de son spectacle. Lui, le grand Sam Caldwell se produisait sur la grande scène de Broadway. Il était tombé sur son éloge dans le Times et il avait affiché ce petit sourire fière de lui, oui, il était fière, fière de ce qu'il faisait, fière de ce qu'il apportait, fière qu'on fasse parler de lui dans d'aussi bonnes conditions.

Il entra dans sa loge, le spectacle allait commencer dans une bonne dizaine de minutes et déjà les spectateurs étaient dans leur sièges confortable, surement entrain de feuilleter le programme de la soirée, d'autres encore se pressaient dans les rues pour ne pas être en retard. Il soupira lorsqu'une maquilleuse déboula pour le saupoudrer de poudre qui lui chatouillait le nez, grommelant contre le fait que ça ne servait à rien. Ce qui était vrai ! A quoi bon mettre de la poudre si c'était pour qu'elle parte à cause des perles de sueurs occasionnées par la chaleur de la pièce et celle des spots sur son visage. La porte de sa loge s'ouvrit sur un jeune homme, chargé principalement de l'organisation :

- Ca va être à toi Sam !

Le blond lui adressa un petit sourire et arrangea une mèche de cheveux bouclé comme lui le voulait malgré les protestation de sa maquilleuse qui lui faisait également office de coiffeuse de fortune. Une fois qu'il s'estimait présentable, il attrapa un jeu de carte, même s'il contrôlaient ces bouts de papiers, il fallait qu'il montre qu'il était humain, il ne devait pas exposer sa mutation à tout va, on ne sait jamais qui traine dans cette salle. Alors, il avait toujours sur lui son petit jeu de carte qu'il manipulait avec une totale perfection.

Il ouvrit un peu le rideau rouge, appréciant la douceur sur ses doigts, un petit sourire éclaira son visage en voyant la salle pleine et les murmures d’excitation l'emplir, finalement, les lumières s'éteignirent sur les spectateurs et la scène s'illumina alors que le rideau se levait sur le magicien, déjà tout sourire devant les applaudissements de ses spectateurs. Il s'avança doucement sur le parquet ciré en salua les personnes et le spectacle commença avec un petit tour qui consistait à faire apparaître et disparaitre ses assistants. Mais il savait que certains pouvaient douter, évidement, c'était ses complices ! Alors il scruta la salle avec un petit sourire, cherchant sa "victime". Il repéra deux jeunes et finit par désigner le brun :

- Toi mon petit, viens là.

Le jeune homme s'était exécuté avec une certaine excitation qui se lisait dans ses yeux, une fois sur scène, Sam avait sortit ses cartes, il était dans son élément et pouvait faire tout ce qu'il voulait. Alors c'est ce qu'il avait fait, le natif de Los Angeles avait fait piocher à son nouvel assistant d'un soir des cartes, mélanger, remélanger le paquet pour enfin, toujours trouver la bonne. Il faisait des miracles ? Non, il usait juste de son parfait don. C'est en partie grâce à cette mutation qu'il pouvait faire ses tours. Il avait fait piocher une carte au brun, un as de coeur, il lui avait dit " Et si je te dis que ce n'est pas un as de coeur ? ". Le magicien avait prit la carte entre ses mains, il avait glissé ses doigts sur la face qui indiquait qu'elle carte c'était, et bien vite, elle se changea en Neuf de Piques. Tour de passe passe magistral qu'acclamèrent les spectateurs aux anges.

Et le spectacle prit fin, le magicien serra la main du brun qui rejoignit son amie tandis que Sam se tournait vers les coulisses, dans le but de trouver un peu de calme suite à son spectacle. Enfin, le calme... Vu la foule qui se pressait pour avoir un autographe ce n'était pas gagné. Et tandis qu'il s'avançait, ses "chiens de gardes" vêtus dans leurs costumes noirs virent faire reculer les quelques personnes beaucoup trop aventureuses. Il entra enfin dans sa loge pour trouver le calme, il s'installa dans son fauteuil en soupirant tandis que ces deux colosses de la sécurités entrait dans la pièce après s'être assurés que les furies soient parties. Il allait congédier les deux hommes lorsque des coups furent frappés à sa porte, il les ignora en premier lieu, ce n'était peut-être que ces folles... Ou pas... Il finit par se lever, curieux finalement de découvrir qui le dérangeait. Sam ouvrit donc la porte et se retrouva nez à nez avec son jeune brun du public, aussitôt, les deux hommes s’avancèrent pour le faire partir mais le blond les stoppa d'un signe de main :

- Laissez nous seuls.

Ils s’exécutèrent et le magicien s’effaça pour laisser entrer le jeune homme auquel il adressa un sourire chaleureux et bienveillant :


- Alors de quoi voulez vous me parler monsieur ... ? 

En réalité, il attendait que le jeune homme se présente avant de parler de quoi que ce soit, il voulait bien savoir qu'il ne parlait pas à un inconnu mais à un jeune homme répondant à un nom. Alors il attendit, petit sourire au coin des lèvres, bras croisés sur sa poitrine.