ᴽ Anna, dépêche toi, on va partir !

Je le savais. Je n’arrêtais pas d'entendre ma mère s'affairer pour finir de mettre mes valises dans l'automobile et par la fenêtre de la porte de derrière, je voyais mon père finir de vérifier la route pour la gare. De la balançoire de bois où j'avais trouvé refuge au fond du jardin, on avait une bonne vue de la maison, tout en étant un peu à l'abri sous ce grand arbre que mon père avait toujours refusé de couper malgré les plaintes de ma génitrice. Je lui en étais reconnaissante, j'avais de bons souvenirs ici, entre les pique-niques improvisés dans le jardin et les leçons de balançoire mon père pendant que ma mère étendait le linge. J'avais bonne espoir que si un jour je pouvais revenir ici sans peur de blesser personne, je puisse retrouver cet arbre et certains souvenirs heureux en même temps.

Mais je n'étais plus du tout la gamine qui se balançait innocemment sous les encouragements de son père. Encore moins, depuis ce qu'il s'était passé il y a deux semaines à la soirée qui aurait du être la meilleure de toutes celles que j'avais connu jusqu'ici. J'avais été voir Cody plusieurs fois à l'hôpital depuis ce soir là. Pourtant je n’arrivais même pas à entrer dans sa chambre. J'avais entendu les nouvelles que tout le monde se murmurait dans le quartier bien sur mais je n'avais même pas le cran de passer cette satané porte pour apprendre directement si il y avait une chance que je ne l'ai pas tué.

Je me mordis la lèvre en repensant à ce qu'il s'était passé la fois où sa mère m'avait vu. Même mes amies l'avaient trouvé folle quand elle s'était mise à me hurler dessus pour me traiter de monstre. Pourtant, moi je savais qu'elle avait raison. Je n’étais pas comme les autres en tout cas. Ce soir là je n’avais même pas pu faire comme tout le monde et pleurer sur mon lit en attendant que mes parents viennent me consoler. Simplement, parce que comme tout le monde maintenant, mes parents avaient peur de moi, et étaient restés dans la cuisine à réfléchir à comment se débarrasser de moi. C'était pour mon bien que j'allais à New York. Pour apprendre à maîtriser mon "pouvoir", c'était ce qu'ils me répétaient tous les jours mais même pour eux ce mensonge n'arrivait pas à ressembler à la vérité.

Je finis par me lever lentement et marchais vers la maison un peu comme un zombie. Je ne m’attendais pas à ce que les choses s’arrangent en allant là-bas, je ne comprenais juste pas pourquoi tout cela me tombait dessus. Enfin, je n’étais pas non plus comme ces saintes-nitouches à l’Eglise qui auraient dit que Dieu les mettait à l’épreuve. C’était une fatalité, je n’avais rien fait pour et maintenant je devais faire avec. Me protéger le corps pour ne toucher personne et faire attention à ne pas me retrouver avec la personnalité et les souvenirs d’une autre personne dans la tête.

A l’intérieur, je pris mon dernier sac tout en regardant mon père refermer sa carte de la ville. Fallait dire qu’on utilisait rarement la voiture familiale et encore moins pour aller à la gare. Il tenta de me rassurer d’un sourire. Comme si je pouvais encore avoir peur de partir seule. J’avais une arme bien plus puissante en moi qu’un révolver en témoignait le simple geste de la main que ma mère me fit en me laissant partir. Je n'aurais pas voulu qu'elle s'approche plus de toute façon.


Je me réveillais en sursaut dans mon lit de l'institut. Il me fallut plusieurs respirations saccadées pour comprendre où j'étais, avec qui. Je me levais en jetant rageusement les couvertures pour gagner la salle de bain de la chambre et me passer de l'eau fraîche sur le visage. En relevant la tête, le miroir me renvoya violemment mon reflet comme pour me crier ce que j'étais : une mutante. Cela faisait maintenant plusieurs mois que j'étais à l'Institut et c'était la première fois que je rêvais de mes parents. Mon reflet eut un sourire amer alors que je sentais ma gorge se mouvoir tout en entendant les quelques mots que je prononçais.


ᴽ Faut que t’arrêtes de rêver. Si tu retournes là-bas, tu blesseras tout le monde...