«Ta jupe en montre peut-être un peux plus que tu le voudrais. Mais, je dis ça pour toi.»

La scène se déroule en quelques fractions de secondes à peine. Je tire maladroitement sur mes vêtements en espérant vainement pouvoir cacher mon être tout entier, me maudissant de ne pas porter suffisamment de tissu pour y disparaître et ne plus jamais être vue de personnes. J’ai envie de lui répliquer à cette fille sortie de nulle part, venue m’humilier comme ça, devant tous le monde, que ce n’est pas une jupe, mais bien des culottes et que peu importe ma position mon «cul» ne peut pas être à découvert. J’ai envie de lui dire de fermer sa gueule, que ce n’est pas tout le monde qui a envie de se fringuer comme une guenon, comme elle et que je peux bien montrer mon «cul» à qui je veux si j’en ai envie et que ça ne la regarde absolument pas. Or, tout ce qui sort de ma bouche n’est qu’une flot de parole balbutiées de façon incohérente, alors que je sens mon corps prendre feu et mon visage s’empourprer. La «chienne» ne daigne même pas me regarder en me faisant sa remarque et pourtant je vois bien tout le mépris sur son visage, alors qu’elle critique mon habillement. Je vois bien la satisfaction qu’elle éprouve à ainsi m’humilier devant tous ces inconnus dont je sens désormais tous les regards rivés sur moi. Sur moi et ma honte qui ne finit plus de m’enfoncer dans le sol, ma honte qui me donne envie de pleurer et de me jeter devant le bus pour que plus personnes ne puissent assister davantage à mon humiliation.

Une fois qu’elle s’éloigne de moi, glorieuse et fière d’avoir ainsi ridiculisée publiquement une fille comme moi, une fille tellement différente d’elle avec sa tignasse ébouriffé et ses longues jupes ramasse-poussière. Le bus arrive et je me précipite a l’intérieur, sauf que même recroquevillée sur mon banc il est impossible d’échapper à ma honte. Elle est entrée dans le bus avec moi, elle est partout, étampée aux mus et dans les visages de tous les gens autour. Je regarde avec une envie de vomir mon reflet dans la vitre et j’ai l’impression de mourir sous tous ces yeux que je ressens posés sur moi. J’ai l’impression de crever en me faisant ainsi dévisager, moi la fille qui a eu le malheur de mal choisir ses vêtements avant de partir pour l’école ce matin et qui n’a pas songé une seconde à l’humiliation qui l’attendait à la fin de la journée. Plus je me regarde dans la vitre et plus j’ai le sentiment que tous le monde autour a les yeux rivés sur moi et plus j’ai envie de défoncer les portes et de me jeter sous le bus. J’aurais envie de retrouver cette fille en arrivant à destination, j’aurais envie de retrouver cette «chienne» parmi la foule et de lui dire qu’elle ne comprend rien à rien, que tant mieux si elle arrive à supporter sa laideur, elle. Tant mieux si elle arrive à s’aimer malgré le reflet que lui renvoie son miroir. J’ai envie de la retrouver et de lui cracher à la figure en lui disant qu’elle ne comprends pas que de montrer mes jambes, que de montrer tout ce qui est possible est mon seul moyen de détourner l’attention des imperfections de mon visage. J’ai envie de lui hurler que c’est parce que pendant des années, je me suis fait dire que j’étais laide qu’aujourd’hui j’ai tant besoin d’attirer l’attention en montrant autant de parcelles de moi. Que c’est pour essayer de me faire aimer d’inconnues que je troque désormais mes pantalons pour des jupes, des collants et des robes. J’ai envie de lui arracher le visage, à cette «chienne» afin de lui faire comprendre à quel point il est difficile de vivre tous le jours avec un visage qui nous fait horreur et qu’on essaie de couvrir en montrant tout le reste.

Je ravale ma honte qui me pèse dans les talons et qui me donne envie de pleurer et de mourir sous les yeux de tout le monde et lui effleure la main. Elle daigne finalement me regardé cette «chienne». Pour lui faire comprendre que les filles qui en montrent le plus sont souvent celles qui s’aiment le moins, je sors du bus et je ne dis rien, la laissant répandre sa salive et son sang sur le planché de métal froid.[/color]