Un hurlement. Ou était-ce plusieurs, dans la confusion la plus ultime, qui se confondait en un seul. On ricana d’abord lorsque le frigo grinça, se plaignant de la surcharge alimentaire que l’adolescent forçait. Il avait d’ailleurs placé une chaise devant ce dernier, sans que le petit brun s’en aperçoive : en fait, sans doute l’avait-il remarqué et avait décidé de l’ignorer. «Mais nooon! Ça va! Vous en faites pas, je con-trô-le!» avait-il dit. Il contrôlait, c’est ça. Et puis, contre sa propre attente, la porte métallique s’ouvrit dans un claquement bruyant. Il eut l’impression d’entendre quelque chose exploser, et ce devait être le cas puisque le pauvre frigo rendit l’âme aussitôt. Dès que le métal céda sous la pression, une quantité impressionnante d’aliments en tout genre se déversa sur le sol : jus explosé coulant, fruits et légumes en tout genre, bref, tout ce qui avait trainé ne serait-ce qu’en une copie un peu plutôt s’était brutalement multiplié jusqu’à pouvoir remplir au minimum cinquante frigos autre que celui-ci. Qui n’était d‘ailleurs plus apte à rien contenir. Il opta pour prendre un air désolé devant la situation, bien qu’au fond de lui-même, ce n’était sans doute pas cas. C’était sans doute une drôle de fierté malsaine que de parvenir à faire exploser un frigo. Malgré la bêtise dont il se plairait forcément à raconter à toute oreille voulant l’entendre, il y avait cette pointe réelle de désolé, chez lui, qui faisait toujours qu’on pardonnait rapidement la moindre de ses bêtises, parce que même s’il était plaisantin de nature, il n’était certainement pas le plus vilain des canards, même si ses plumes n’étaient sans doute pas d’un jeune très sain.

Lorsque la voix familière résonna, le feu le pris aux joues, soudainement plus mal à l’aise que ravis de sa bêtise. Il sentait bien qu’on n’allait pas non plus se mettre à lui hurler dessus comme si c’était la fin planétaire, mais cette gène était toujours plus forte que lui. Il avait toujours cette drôle de tendance à faire tout le contraire de ce qu’on lui disait, ou du moins à ne jamais se limiter, et lorsqu’on le lui reprochait, il s’en sentait coupable. Ou du moins s’en sentait-il coupable lorsque c’était n’importe qui d’autre qu’il n’appelait pas ‘’père’’. Nathaniel n’était pas une peste en soit, il se plaisait seulement à contredire les autorités qui agissaient ou tentaient d’agir sur lui. Mais la douceur et la plaisanterie semblaient être une meilleure solution que de lui hurler dessus. Mais la gène s’effaça rapidement alors qu’il décrochait un sourire remplis de sous-entendus taquins, ou simplement de plans farfelus.

—Je ne sais pas! Je pensais partir en Afrique pour remplir leur frigo, puis j’ai songé qu’ils en avaient peut-être pas… Ou alors que je leur en fournis et je les remplis après, aaah! Adieu la famine dans le monde…

Oui, même s’il plaisantait, même s’il riait, il y avait un fond de vérité, un fond de pensée, e rêverie qui le traversait. Mais jamais au grand jamais on ne lui permettrait ‘agir si follement. Son père le tuerait sans doute bien avant qu’il ait franchit les douanes, de toute façon. Mais Panda avait toujours eu le cœur sur la main et il était le premier à se proposer pour rendre service.

—Enfin, je suis désolé, je le remplacerai… euhm… si ça ne me coute pas les deux yeux de la tête, parce que j’avoue être fauché!

C’était du Panda tout craché : de l’humour, de la câlinerie, et de la bêtise en quelques mots à peine prononcés sur le ton de la rigolade et de la légèreté.