L'histoire de Ruth en tant que mutante débuta un soir d'août, alors que la jeune fille se rendait à un festival musical en compagnie de ses amis. L'affiche du spectacle était très attrayante : Bob Marley, Supertramp et The Doors se succédaient en caractères d'imprimerie. Toute excitée à l'idée de voir jouer ces artistes qu'elle aimait tant, Ruth se rendit sur place avec deux de ses amis ; Justin et Maï. Lorsque le concert commença, une demi-heure plus tard, la jeune fille retint son souffle et vit le très célèbre rasta-man s'avancer sur la scène en écartant les bras. L'euphorie était à son comble, et la foule aux pieds de Bob Marley se mit à hurler à pleins poumons. Ruth les imita, mais soudain, un sifflement strident lui perça les tympans, et le mouvement autour d'elle se flouta. Des bruits sourds s'ajoutèrent au sifflement continu, et tout devint subitement lent et l'air semblait peser lourd tout à coup. La blonde, affolée par cette incontrôlable situation, se faufila entre toutes les personnes qui profitaient de la musique. Elle souffrait énormément, ses oreilles la brûlaient de façon lancinante, et elle ne pouvait s'empêcher d'appuyer ses paumes contre son visage. De cette façon, Ruth s'échappa de la place forte du concert, et s'isola quelques instants, tout en continuant à se masser les tempes. Ses mains tremblantes furent alors en contact avec un liquide poisseux. Du sang coulait en un mince filet de ses oreilles, mais le sifflement cessa de façon nette. La douleur s'évanouit elle aussi, et les divers bruits ambiants furent à nouveau ce qu'ils étaient. Ruth fronça les sourcils, et son regard émeraude se posa sur la scène au loin. Tout à coup, le volume sonore des environs s'amplifia, ce qui fit sursauter la demoiselle, et le volume retomba. Elle ne comprenait pas encore ce qui s'était passé, mais une chose était certaine : quelque chose en elle avait changé. La jeune russe se concentra, regarda au-delà du festival, et le volume de chaque chose arriva de façon amplifiée aux oreilles de Ruth.

Le second pouvoir de Ruth se manifesta à un moment bien plus opportun que le premier. Ce matin-là, elle était tout simplement en retard au lycée. Ce bâtiment fut construit à l’époque où l’éclectisme et l’historicisme étaient des styles architecturaux à la mode. La blonde courrait dans les corridors déserts de son établissement scolaire, et ses pas s’amplifiaient en écho. Elle décida de faire un arrêt aux toilettes, histoire de réajuster son uniforme. Elle renoua soigneusement le nœud autour de son cou, puis s’attacha les cheveux en une élégante queue de cheval. Une fois ses petites retouches terminées, son regard admira son reflet dans le miroir. Cependant, la demoiselle ne vit pas que son reflet, et ce qu’elle vit lui glaça le sang. Oward Finley la toisait dans l’encadrement de la porte. Cela faisait quelques mois que ce dernier tournait autour de Ruth. Toutefois, elle avait toujours repoussé ses avances, car il ne l’intéressait pas. De plus, sa réputation de séducteur l’ayant précédé, elle le trouvait ridicule de s’amuser avec le cœur des filles. Elle soupira bruyamment, et Oward déclara :
« - Dis donc Kozvoski, tu ne devrais pas traîner seule ici.. C’est dangereux pour les jolies filles comme toi.
Il s’avança lentement vers elle, et Ruth se retourna pour lui faire face. Sans ajouter un mot, elle se précipita dans une cabine de toilettes et s’y enferma. Croyant échapper à Oward, la jeune russe souffla, mais le jeune homme ne l’entendait pas de cette oreille. Il frappa la porte plusieurs fois jusqu’à ce que les gonds cèdent, et ils cédèrent. Le regard lubrique et le sourire narquois d’Oward la firent trembler d’effroi. Ruth sentit le danger fondre sur elle comme un aigle s’abat sur un mulot. Ses mains parcoururent le corps frêle de la blonde, qui tentait de se débattre. Elle se plaqua contre le mur du fond, comme si elle voulait rentrer dedans pour se protéger. Tout à coup, une sensation étrange remonta dans ses doigts, dans ses bras, et se propagea dans tout son corps. C’était comme si la demoiselle s’était enfoncée dans le mur sans effort. Elle ferma les yeux, puis les rouvrit en retenant son souffle. Ruth se trouvait dans le couloir qui donnait derrière les toilettes. Davantage soulagée que surprise, elle demeura silencieuse et usa de son don auditif pour savoir si Oward rôdait toujours dans les parages. A son grand désarroi, il se dirigeait vers la sortie des toilettes, et il devait être très troublé de ce qu’il venait de se produire. La jeune fille eut alors un éclair de génie quand elle aperçut les casiers. Elle inspira profondément et traversa l’acier de la porte du casier puis disparu. Une fois hors d’atteinte, la jeune fille scruta ses mains et sourit, remerciant son don d’être intervenu. Elle entendit Oward traverser le couloir, fulminant contre « cette garce de Kozvoski ». Toutefois, une évidence sauta aux yeux de Ruth : Oward avait assisté à la démonstration de ses pouvoirs. Il n’hésiterait sûrement pas à colporter des rumeurs et à salir sa dignité. C’est à partir de ce jour-là que Ruth comprit qu’elle ne pourrait jamais vivre au contact des gens normaux.


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