♣ La soirée d’Halloween a toujours eu une saveur particulière pour Selina. C’est son anniversaire. C’est aussi l’un des rares soirs où l’on peut se permettre d’être quelqu’un d’autre que soi-même tout en étant soi plus que jamais, sans même s’en rendre compte la plupart du temps. Et c’est ce qui plaît le plus à cette femme. Elle aime le fait de pouvoir se montrer telle qu’elle est sans que personne n’ait rien à y redire. Pas qu’elle se cache spécialement dans un rôle, bien au contraire, si son éducation au sein d’une troupe de cirque lui a bien appris quelque chose c’est le fait de s’accepter tel que l’on est, peu importait ce qu’une tierce personne puisse penser d’elle ou des personnes qui l’entouraient. Oui, une troupe de cirque. Ce sont eux qui l’ont recueillie quand elle a été abandonnée peu de temps après sa naissance, pour une raison qui, même en ayant découvert qui était son père, lui reste obscure et insoluble. Pas que ça la perturbe plus que cela. Au contraire. Elle a une partie de l’énigme mais elle ne cherche pas plus, parce qu’elle s’en fiche. Sa famille sont ceux du cirque ; qu’elle continue à voir quand ils passent en ville, qu’elle aime et portera toujours dans son cœur, à jamais. Même si aujourd’hui elle ne fait plus officiellement partie de la troupe.

Dans ce cirque, elle était une acrobate, une de renom, qu’on venait voir exprès parmi les autres artistes. Pas de réelle rivalité entre eux cependant. Elle était acrobate quand d’autres étaient jongleurs, funambules, magiciens…Des choses qu’elle serait bien incapable de faire elle-même. Ils se complémentaient en fait. Et puis un jour des hommes ont débarqué au cirque, la cherchant. Pendant un moment ils eurent peur. Pourquoi cherchaient-ils Selina ? Elle n’avait rien fait, même pas tenter d’obtenir une ristourne quand elle était allée faire les courses. Alderic, le directeur du cirque et leur Monsieur Loyal officiel avaient accepté de venir avec elle à l’entretien, pour la soutenir le cas échéant. La nouvelle fut bien plus heureuse qu’elle n’avait pu l’imaginer. Etant la fille illégitime, mais seule héritière vivante, du Compte Von Schwartz en Allemagne, elle héritait de toute sa fortune et des terres. Et dire que ce type n’avait même pas voulu reconnaître qu’elle était sa fille et voilà qu’elle se retrouvait avec sa fortune. Encore heureux qu’il n’est pas un empire financier ou une firme employant des milliers de personnes, parce que là elle serait franchement perdue. Une seule condition pour qu’elle accède aux fonds : qu’elle porte le nom de Von Schwartz. Un bien maigre prix à payer pour  une telle fortune. Elle accepta. La moitié de cette fortune fut versée au cirque, qui pourrait vivre sereinement pendant des années avec ça. Avec le reste, elle avait de quoi réaliser son rêve de gosse : parcourir le monde.

Ca lui prit cinq ans. Elle aurait pu faire plus court. Mais rien ne l’y obligeait, alors elle a pris son temps. Elle a rencontré des dizaines de gens, des centaines d’esprits et foulé des milliers de terres. Elle a aussi fait ce que certains considèreraient comme des erreurs, notamment une liaison avec un cambrioleur français, qui lui a donné goût à cette pratique. Pourtant, elle ne vole jamais rien de valeur. Elle n’en n’a pas besoin, alors pourquoi voler quelque chose dont on a pas besoin ? Bon, elle ramène régulièrement des petits souvenirs de ses cambriolages, mais jamais rien de valeur, que ce soit sentimentale ou monétaire. Puis, il y a six ans environ, elle est revenue aux Etats-Unis, une idée d’entreprise toute fait dans son esprit. Une boutique de lingerie. S’il y a bien une chose que les Allemands ont ouverte chez elle, est son esprit sur la nudité. Sur la façon dont une femme pouvait se sentir belle jusqu’à son soutien-gorge. Alors elle a décidé de ramener cela aux Etats-Unis, avec l’espoir de faire ouvrir les esprits étriqués des Américains. Alors elle a ouvert sa boutique, en plein cinquième avenue. Elle a acheté un loft à Long Island et…A repris son activité de cambrioleuse. Elle avait trop pris goût à cela pour le laisser partir comme ça. Aux yeux de la police, elle n’est que Ghost, ce cambrioleur qui ne vole jamais rien, ou presque. Insaisissable, intraçable…Ca l’amuse follement.