Un éclat de rire fit sursauter Helena. Elle referma anxieusement le col de sa longue veste, regardant passer les gens d'un oeil inquiet. Un soupire s'échappa d'entre ses douces lèvres, alors que les passants s'éloignait sans la remarquer. La mutante se détendit quelque peu, se redressant sur ce banc qu'elle occupait depuis maintenant une petite demi-heure, à l'orée de ce grand parc qui n’accueillait pas qu'elle. Il y avait bon nombre de familles, attirées par le beau temps, des couples, désireux de partager ce doux soleil, et même d'autres solitaire, tout comme elle, qui cherchait la quiétude au coeur des battements de vie de cette grande ville.

Les grands yeux de la jeune femme se posèrent sur une fillette. Une adolescente qui, sans doute, devait être âgée d'une quinzaine d'années seulement. Le coeur de la mutante se pinça aux souvenirs douloureux qui lui revinrent en tête. Elle eu la nausée en se rappelant de cette journée où, pour la première fois, son pouvoir foudroyait les jeunes filles de sa classe. Sa mémoire est brouillée, traumatisée par la vue de tant de corps. Helena se souvient du ballon qui frappait contre le sol, de ces éclats de rires et de ces cris de joies. Un panier. Son équipe reprend l'avance et les adolescentes se tapent tous dans les mains, l'esprit d'équipe au rendez-vous. Mais la célébration se termine. Le ballon tombe des mains d'une jeune fille, il stoppe aux pieds d'Helena. Les souvenirs se mélangent, tout n'est que cris, pleurs, panique. La mutante est restée plantée là, figée par la certitude que tout est de sa faute. Le professeur vient le prendre par les épaules. Il la secoue et lui dit que tout va bien, qu'il faut s'éloigner des quatre corps gisant autour d'elle. L'adolescente hurle. Le professeur tombe.

Un désagréable frisson traverse l'échine de la solitaire et détourne le regard. Se rappeler cette journée lui est toujours aussi douloureuse, et malgré le temps qui a passé, rien ne semble vouloir cicatriser. Helena retire le capuchon qui couvre sa tête, désireuse d'exposer sa peau blanche à la lumière bienfaitrice. Elle ferme les yeux, lève le menton, et apprécie la délicate brise qui fait glisser une mèche devant son front. Ce contact est l'un des seuls qu'elle puisse ressentir. Comme une caresse amoureuse, le vent semble être son unique amant, le seul qui ne meurt pas lorsqu'il la touche.

De nouveau, la mutante sursaute lorsqu'elle entend son nom. Elle tourne la tête vers la droite, là d'où vient cette voix qu'elle reconnaît. Un sourire paisible s'affiche sur son visage, atténuant quelque peu la lourdeur de ses larges cernes noires. Elle tend une main vers lui, qu'il prend délicatement. Helena l'attire près d'elle, cette unique personne qui peut survivre à son poison.

- Médérick... souffle-t-elle.
- Tu es encore sortie toute seule, ma soeur. Ne sais-tu pas combien c'est dangereux ?
- Je le sais sans doute plus que quiconque, mon frère.

Ils s'échangent un sourire. L'homme vient se poser près de sa protégée, regardant le même paysage qu'elle. Les jumeaux gardent un silence intime, ce genre de blanc qui pourraient intimdier bien des gens, mais qui, chez les Jackson, semble apaisant. Helena soupire et remet la capuche noire sur sa tête.

- Excuses-moi d'avoir quitté l'appartement sans t'en aviser. J'avais besoin de voir le monde. Je voulais ... me sentir entourée... presque touchée...

Elle baisse la tête, les larmes perlant à ses yeux foncés. Le mutisme de son frère lui fait comprendre qu'il la soutient, malgré son impuissance. Au fond de lui, il sait ce qu'elle vit, et au fond d'elle, elle de sait.

- Rentrons.

Hochant la tête, la mutante se lève la première, jetant un dernier coup d'oeil à l'adolescente qui rigole avec ses copines, avant de suivre son jumeau vers cet appartement où ils pouvaient fuir le monde réel, être ce qu'ils étaient vraiment. C'était l'un des seuls endroit où Helena pouvait se vêtir comme elle le voulait, l'un des seuls où elle n'avait pas peur d'être  Strychnine.