Elle fuyait …Elle fuyait la solitude, cette vie misérable dont elle avait hérité ; l'hypocrisie des gens. Elle y avait cru, l'espace d'un instant ! Lorsqu'elle s'était retrouvée seule à élever ses deux gamins tout le monde était là pour elle. On lui disait de ne pas s'en faire, qu'elle n'était pas seule à affronter cela. La vérité, c'est que les gens disent ça pour se donner bonne conscience. Ils vous font une petite tape dans le dos, mais ils n'ont aucune envie de vous suivre dans votre malheur, et rapidement ils vous écartent de leurs petites vies bien tranquilles. Avec le temps elle s'était mis à les haïr, eux et leurs faux-semblants. Derrière leurs sourires compatissants, elle percevait leur mépris. Elle le savait, elle le lisait dans leurs yeux, qu'au fond d'eux ils pensaient qu'elle n'offrirait jamais un avenir décent à ses enfants. Et puis son fils d'ailleurs, étais-ce bien un enfant ? Une sorte de monstre oui ! Tout le monde s'en méfiait comme de la peste.
Mais elle l'aimait ce gosse, autant que sa fille. C'est vrais qu'il lui attirait pas mal de problèmes, mais c'était un brave garçon. Il ne méritait pas cette vie, et les gens avaient sans doute raison , elle n'avait aucun avenir à lui offrir. Alors à quoi bon ? Le monde ne tournerais pas différemment sans elle. Elle se sentait minable, insignifiante. Cette vie, elle n'en voulait plus.
Debout sur sa petite chaise, elle bascula dans le vide. Une larme coula sur sa joue, et tandis que le nœud se resserrait brusquement autour de sa gorge, ses dernières pensées s'évanouirent dans l'obscurité. Elle était enfin libre.
Il fuyait …Il fuyait ces regards, encore et toujours ces horribles regards. Ils le rabaissaient, ils le méprisaient, ils l'accusaient, mais en même temps ils en avaient peur. Etait-il si différent des autres ? Sans doute, oui. Lorsqu'il était gamin, les parents du voisinage ne laissaient même pas leurs gosses jouer avec lui. Il n'a d'ailleurs jamais eu vraiment d'amis. Il était le type bizarre, celui auquel on ne parle pas. Au fil des années les raisons de cette différence se sont perdues, mais qu'importe ! Les gens se disaient qu'il y avait forcément une bonne raison.
Il se sentait seul, a devoir porter sur lui tout le mépris du monde. Comme si chaque malheur, chaque malencontreux événement était quelque part, un peu de sa faute. Un gars aussi étrange, ça attirait forcément les ennuis. Et pourtant il faisait de son mieux, il travaillait dur pour se faire accepter, mais rien n'y faisait.
Alors, petit à petit, lui aussi s'est mis à haïr. Il haïssait tous ces gens qui l'avaient traité comme un paria pendant des années. Il haïssait sa mère, pour avoir préféré baisser les bras et se donner la mort, les laissant seuls lui et sa sœur. Et sa sœur aussi, il la détestait, car elle n'avait pas été fichu de le comprendre. Il avait toujours été là pour elle, pour la protéger, la consoler dans les moments durs, mais que lui avait-elle rendu en échange ? Rien.
Au final il avait toujours été seul, alors à quoi bon rester ? Plus rien ne l'attachait à la ville, ni même au pays dans lequel il vivait.
Une nouvelle vie s'offrait à lui à présent, un nouveau continent, un nouvel avenir. Il allait enfin repartir de zéro.