C'était un jour comme les autres à la boutique qui commençait à se faire une réputation nommée « The Garden ». Les clients entraient, d'abord interpelés par l'aspect un peu commun de cette boutique, se faufilant à travers certaines plantes qui semblaient surgir de nulle part, avant de tomber sur les vendeuses, peu habituelles, également, on s'attendait plus à une petite vieille poudrée, ou à une dame bien mise, avec un collier de perles autour du cou plutôt qu'à une bande de très jeunes adultes, ou de grandes adolescentes. Et pourtant … cela fonctionnait, et cela faisait plaisir à voir. Ce n'était pas non plus une affluence énorme, mais cela allait être suffisant pour que la boîte ne coule pas, bien au contraire. Elles avaient plaisanté sur l'éventualité d'un bar clandestin, en-dessous. Mais ce n'était qu'un projet. Bref, tout allait bien dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce que …

LULLAAAAAAA ! Y A TON NOUVEAU PLAN CUL AU TÉLÉPHONE !
Pardon ?

L'interpelée, qui était en train de conseiller un monsieur sur les fleurs à offrir à sa femme avait dit cela pour elle, à la base, ne se rendant même pas compte de l'avoir prononcé à haute et intelligible voix. Ce n'était pas de la surprise, à ce niveau-là, c'était bien au-delà. Même les anglais et leur « flabbergasted » pouvaient aller se rhabiller. En tous cas, cela eut pour effet que tous les regards convergèrent vers elle, et que l'homme lui envoya un regard un peu choqué, visiblement puritain, et offusqué de se voir conseillé pour l'amour de sa vie par une sorte de Jezabel. Qu'elle n'était pas, s'il était besoin de le préciser. Aucun homme n'avait touché Lulla depuis ses dix huit ans. Et ce n'était pas près de changer. Son regard se darda sur Shane, qui tenait le téléphone, qu'elle soupçonnait d'un coup à sa façon juste pour l'emmerder, mais celle-ci répliqua, comprenant sans mots :

Me regarde pas comme ça, j'y suis pour rien.

Et ça se voyait, quand elle mentait. Bien. C'était quoi ENCORE cette blague ? Elle offrit un sourire charmant mais pincé à l'homme, lui glissant :

J'en ai pour deux minutes, si vous voulez bien m'excuser.

Elle tourna le don à ce con qui était sans doute en train de la juger, passa devant tout le monde, en les ignorant totalement, en mode « ditescequevousvoulezjenairienafoutre » et attrapa le combiné, alors que Shane attrapait la partie ronde du téléphone. Elle n'essaya même pas de l'en empêcher, et se tourna, histoire que tout le monde retourne à ses occupations. Quelques explications plus tard, et l'affaire devint très claire. Ce qui causa le départ précipité d'une Lulla assez furax de la boutique, non sans avoir attrapé sa veste et claqué la porte un grand coup.

Et ce qui expliquait la présence de la jeune femme en haut de cet escalier, devant la porte de la colocation de Dorian. En réalité, Shane avait, bien entendu, raconté n'importe quoi, un jeune homme avait juste appelé en demandant s'il pouvait parler à Lullaby. Mais c'était effectivement pour un plan drague, lui proposer un rancard, bref, tout ce que vous voulez, et quand Lulla lui avait gentiment dit que ce n'était pas la peine et lui avait demandé le nom de la personne responsable de toute ce cirque, elle avait eut droit à un « Mais pourquoi tu veux pas ? Dorian m'a dit que tu étais célibataire ! C'est plus le cas ? ». Tout s'éclairait. C'était une blague de son ami, oui, elle le considérait maintenant comme un ami, mais il avait un drôle de sens de l'humour. Et là, il était allé trop loin. Qu'il s'amuse à faire semblant de la draguer, passait encore, mais qu'il embrigade ses copains pour le faire aussi, ça, pas question ! Montant les marches quatre à quatre, elle frappa vigoureusement à la porte, se disant que cette fois, elle allait vraiment lui en mettre une. Pas de réponse. Il ne pouvait quand même pas faire le mort en sachant que c'était elle, elle n'avait même pas vociféré d'insultes à son encontre en tambourinant à la porte … Elle allait réessayer, en faisant plus de bruit, quand ...

Bonjour ….

Lullaby se retourna, reconnaissant la voix. Enfin, ce n'était pas pour l'avoir trop entendue. Son propriétaire était le colocataire de Dorian. Aden. Elle avait une mémoire redoutable pour les prénoms, surtout des gens qui la marquaient. Et il fallait dire qu'ils étaient pas mal amenés à se voir.

Salut !
Si tu venais voir Dorian il est parti conter fleurette à une belle plante et je sais pas quand il reviendra.
Merde, j'ai du le croiser et le rater … tempêta la jeune femme entre ses dents.

La faute à pas de chance, réellement. Il était parti sans doute voir Enora à la boutique, c'était ce qu'avait du sous entendre Aden. Ça pouvait prendre longtemps … ou pas en fait, il venait peut-être pour lui proposer de se manger une pizza ici, ce n'était pas comme s'ils ne le faisaient pas souvent. Aden lui passa devant, et la lumière s'éteignit au même moment, plongeant le palier dans l'obscurité. Fronçant les sourcils, elle se demanda s'il allait l'inviter à attendre, étant donné qu'au final, c'était ce qui lui semblait le plus logique. Mais … mais Aden était Aden, un type un peu bizarre au final, si on voyait un peu l'asticot. Bon. Elle n'allait pas s'incruster. Elle avait fait un pas en arrière quand.

Mais tu peux entrer si tu veux.
Merci. Je vais l'attendre un peu, et s'il n'arrive pas, j'irai l'attraper au vol avant qu'il ne décolle.

Quoi, elle aussi elle pouvait faire des jeux de mots ! Elle se glissa donc dans l'entre à la suite d'Aden. Elle connaissait la maison, elle n'était pas sans être venue, avec Enora, ou sans, d'ailleurs, après une soirée où ils l'avaient perdue, elle avait suivi un espèce de biker, et puis retrouvée, quand elle était arrivée. Bref. Cela pouvait être long, se dit-elle en jetant un coup d'oeil à Aden, surtout si elle comptait sur lui pour faire la discussion. Et elle n'avait pas pensé à prendre de bouquin, en même temps, elle ne pensait pas que cela allait durer. Faisant contre mauvaise fortune joyeux (ou pas) visage, elle sortit son paquet de cigarettes de sa poche, la sortit, se la cala entre les lèvres pour voir que … Ah, merde, le briquet. Secouant la tête, elle se tourna vers Aden. C'était de la conversation basique, ça allait aller, pas vrai ?

Tu aurais du feu s'il te plaît ?

Brillant ! On touchait le fond.