«Encore une fois… Montrez moi encore père ! »


[FLASH]
A peine plus haut qu’une guibole, la culotte impeccablement mise, le gamin faisait déjà d’une fleur son trépas animé et d’une fille sa prochaine concubine. Lâchant la fleur qui venait de faner sous les yeux vitreux de la demoiselle, toilette cirée et poudrée, le petit marquis la fit de nouveau sourire niaisement alors qu’il reprenait la fleur afin de la refaire revivre, pétales et pollen découvrant de nouveau tout leur charme. Puis, tendant une main gracile agrée d’un sourire charmeur, le petit bout d’homme, assuré et fier, guida sa dame bien plus âgée que lui dans le jardin commun de la ville d’Arles.

« Si madame veut bien agréer une promenade en ma compagnie, je lui ferai alors découvrir les toilettes venues de Rome, et lui raconterait les derniers potins de Versailles et de la cour de Louis XVI avec une bêtise certaine que vous me pardonnerait j’en conviens… »

Un sourire enjoliveur plus tard, la promenade avait cessée d’être initiatique aux politesses et s’affairées alors à des affaires plus loquaces et plaisantes pour le jeune Honorius…des passages que l’Honorius de maintenant, préféra éviter montrer à son fils qui observait la scène à quelques centimètres de lui, son corps immatériellement retranscrit dans son souvenir feignant l’intérêt à l’histoire que lui contait son père en image.

« Ça suffira pour aujourd’hui fils. Et ne dis pas à ta mère ce que nous avons fait, veux tu. »

« Promis, père. »

Attrapant son fils par la main, Honorius, le visage d’un quinquagénaire conquérant et fier de ses actes en toutes circonstances, fit tournoyer son fils sur lui-même, accordant un dernier regard à son « lui » du passé qui s’éloignait déjà d’eux, la main posée avec délicatesse sur la hanche de Sophie, une damoiselle dont il n’avait qu’un plaisir vicieux à se souvenir.

[FLASH]
Confortablement assis dans le salon vénitien, un trois pièces sur mesure claquant un sans faute sur le corps, un verre à la main, Honorius regarda son fils Louis reprendre ses esprits dans le fauteuil d’en face. Le marquis, véritable mémoire vivante, avait pris goût à enseigner à son fils ce qu’il jugeait bon de voir grandir en lui.
Penchant le verre de cristal contre ses lèvres, il argua le petit Louis de Richelieu d’un regard lourd et s’ajustant à boire deux gorgées, il regarda l’enfant dont les traits ne trompaient aucunement sur l’héritage nominal, et gronda gentiment lorsque ce dernier, tout excité, lança en l’air une gerbe d’eau qui se trouvait initialement dans la carafe posée sur l’immense buffet près de la cheminée.

« Louis ! Pas dans la maison. »

La gerbe d’eau retomba d’où elle venait, et dépité, le petit garçon, trop serré dans ses habits d’institut, sa cravate aux couleurs de Wheterby et son trench bleu marine, regarda son père, déçu.

« Pourquoi ? Ici est le seul endroit où je n’ai pas à caché mes pouvoirs ! C’est injuste père, vous vous avez le droit d’en user constamment ! »

Les petits poings serrés, l’allure dégingandé d’un enfant d’à peine dix ans soutenant le regard de son père qu’il savait bien trop puissant, Louis se renfrogna sur lui-même alors qu’Honorius, pas le moins du monde moucheté par la prise de parole de son fils, regarda sa montre oméga avec une pointe de sarcasme, il allait encore être en retard de vingt secondes au meeting du sommet sur la transitions des œuvres du maréchal vers le musée outre-manche.
Quelle plaie…
Il valait mieux prendre un peu d’avance. Il détestait être en retard. Il regarda son fils s’arrêter dans un mouvement à peine humain, entortillé dans un sens bizarre, et se leva alors, attrapant son parapluie et son trench noir. Réajustant sa cravate qu’il savait parfaite. Le charme s’entretient après tout… Se dirigeant vers la sortie de la pièce, qu’il savait bien loin de la sortie principale « [Pourquoi fallait-il tout faire à des kilomètres dans ces foutues manoirs ?] » il regarda son fils en suspend dans le temps, et souriant à l’image d’un coup du sort qu’il savait maîtriser à merveille, il s’amusa une fois de plus des dons qu’il avait eu.

Son fils n’en avait pas hérité à son plus grand regret, mais il aimait tout de même l’idée d’en jouir sur lui. S’écartant dans un rire sourd, il refit partir sa montre tout comme le mouvement du bras de son fils, qui ne s’étonnait déjà plus des prouesses du marquis…

« A ce soir Louis. Sois sage veux-tu, ton père va travailler. » Entendit le petit Louis, au fond du couloir alors qu’il venait pour lui de quitter son père des yeux.


Louis Alexander de Richelieu, hydro-kinésiste de naissance enviait son père dont il ne savait en réalité rien, qui semblait avoir une facilité déconcertante à se fondre dans la masse humaine de Londres, de Versailles ou même de Paris. Cette masse sans pouvoirs contre qui Honorius l’avait défendu de croire et d’approcher, par peur de montrer son vrai visage. Mais Louis lui n’en avait pas peur, et son père non plus…Louis savait que son père avait de nombreux « collègues » au courant pour ses…aptitudes. Alors pourquoi lui ne pouvaient pas avoir d’amis au courant ? Il n’était pas des plus associables bien au contraire ? Alors pourquoi tant de méfiance vis-à-vis des humains ? Seul son père ou sa mère, encore occupée dans son bureau à délier toute la paperasse ministérielle, pouvait l’aider à comprendre…et c’était ce que son père semblait faire depuis déjà quelques semaines…