La pluie tombait sur la grande ville de Chicago, elle s’abattait lourdement contre la fenêtre de la chambre de Delindah. La nuit était tout juste tombée, ses parents étaient sans doute déjà couchés, quant à sa sœur, elle était certainement en train de mettre en place leur grande évasion. Il lui restait une heure, peut-être deux avant que sa sœur ne vienne la chercher, ça lui laissait suffisamment de temps pour faire ce qu’elle avait à faire. Elle prit ses chaussures à la main et silencieuse comme elle le faisait souvent, elle quitta la grande demeure Rosenberg. Elle traversa la cour avec détermination avant de courir à travers les rues encore agitées de la grande Chicago. Elle savait précisément où elle allait, arrivée à l’immeuble voulu, elle monta les escaliers quatre à quatre avant de cogner contre la porte d’un appartement comme l’aurait fait une furie. Quand la porte s’ouvrit, sans réfléchir elle se jeta au cou du jeune homme et l’embrassa tendrement. « Delindah, c’est pas que ta réaction me déplaise, au contraire, mais tu es toute mouillée et tu débarques comme ça au beau milieu de na nuit … Tout va bien ? » « Oui, oui, ça va, désolée … Il pleut dehors, c’est pour ça que je suis mouillée … » « Oui je me doute, t’as vraiment l’air bizarre … » « Il faut que je te parle … » «  Maintenant ? À presque vingt-trois heures, ça pouvait pas attendre demain ? » « Non, ça pouvait pas. » « Ok … Je t’écoute mais tu dois avoir froid, tu voudrais pas te changer ? » « Non, ça va t’inquiètes pas … écoute, Andy … Je t’aime vraiment et j’aimerais pouvoir passer ma vie avec toi seulement je dois partir … ce soir, je sais pas où, juste … loin d’ici … » « Mais … Mais pourquoi ? » « C’est mon père … Il est fou, si je reste il m’enverra au couvent et si jamais je suis guérie du ‘mal qui me ronge’ comme il dit, il me fera épouser, je ne sais plus quel type histoire de sauvegarder la fortune familiale … » « Il a pas le droit de choisir pour toi, on est plus au moyen-âge et de quel mal il parle ? » « Je te dis, il est fou … J’ai pas envie qu’il dirige ma vie comme ça, je dois partir … » « Laisse moi venir avec toi … » « Je voudrais, crois moi, je voudrais tellement, mais je peux pas, je suis pas vraiment fréquentable en ce moment … » « Ça fait deux ans que je te fréquente et tu es tout à fait fréquentable Delindah … » « Je t’aime, alors ne rend pas les choses plus difficiles, s’il te plait …. » « Mais … » « Chuuuut » La jeune femme recommença a embrasser son petit ami pour ce qui était sans doute la dernière fois, les derniers instants qu’elle passerait avec lui, autant en profiter au maximum. Bientôt ses vêtements trempés rejoignirent le sol et elle termina cette pénible soirée dans le lit de son petit ami, pour la première et la dernière fois. Elle quitta l’appartement silencieux peu avant minuit pour retourner chez elle, se changer et attendre.

Elle était silencieuse, assise sur son lit, du coin de l’œil, elle observait la croix qui surplombait son lit, s’il y avait vraiment un Dieu qu’avant-il fait d’elle ? Que lui avait-elle fait pour qu’il la condamne à un sort pareil ? Ses yeux se fermèrent doucement, elle repensait à cette soirée, quelques jours auparavant, ce dîner en famille qui avait tout pour être normal. Et puis son père avait découvert sa relation avec Andy, qu’elle voyait dans son dos - enfin, qu’elle croyait voir dans son dos - parce qu’il n’était pas riche, qu’il n’était qu’un fils de commerçant, il travaillait avec son père sans cette librairie où elle avait l’habitude d’aller. Elle était tombée amoureuse de cette homme, mais elle ne pouvait pas le dire à ses parents, il n’y avait que Jordan, sa sœur aînée qui savait. Elle savait que ce n’était pas elle qui avait dit à leur père qu’elle voyait un homme qui, d’après son père, ne valait pas beaucoup mieux qu’un mendiant. C’est-ce qu’il lui avait dit ce fameux soir, avant d’ajouter qu’il lui interdisait de le voir puis en terminant en lui annonçant que de toute façon, il l’avait promise à Monsieur Lowell le fils de l’un de ses plus grands partenaires. Ce qu’elle avait ressentit à ce moment là, elle ne saurait le décrire, mais à l’heure actuelle, elle en ressentait encore des brides. Elle s’était levée de table, elle avait haussé la voix, il l’avait haussé encore plus fort on aurait pu croire qu’ils étaient entrés en compétition pour savoir qui crierait le plus fort. Il avait fini par se taire observant tous les verres de cristal posés sur la table qui explosait les uns après les autres, suivis de la bouteille de vin, des assiettes et d’une bonne partie des objets présents dans la pièce, alors que la jolie blonde déversait toute sa colère sur son père. Elle n’avait pas compris ce qui se passait autour d’elle et bientôt la peur pris le dessus sur la panique et la pièce avait de plus en plus l’air d’avoir été dévastée par un cyclone, les regards étaient posés sur elle et son père lui ordonnait d’arrêter comme si elle en avait seulement était capable, après avoir mit la pièce sans dessous dessus, comme vidée de toute énergie, elle s’était évanouie.

Ses yeux se rouvrirent et elle poussa un long soupire. Ses parents la croyait possédée par le diable, ils n’osaient même plus la regarder dans les yeux et avaient déjà contacté un prête pour l’emmener le plus loin possible de la maison et l’exorciser. Elle n’était pas convaincue d’être possédée par un quelconque démon, d’ailleurs Jordan ne le croyait pas non plus. La jeune fille fut pris d’un léger sursaut, entendant l’horloge sonner non loin de sa chambre. Il était minuit. Elle se leva de sont lit enfila un gilet par-dessus sa robe, jeta un dernier regard à la pièce, puis entendit la porte de la chambre s’ouvrir. Elle lança un regard à sa sœur ainée, acquiesça l’air déterminée et attrapa sa valise. Pas question qu’elle finisse tuée au cours d’un stupide exorcisme ou brûler comme une sorcière simplement parce qu’elle était différente. Elle n’était pas sûre d’être différente dans le bon sens du terme, mais ça ne justifiait pas que ses parents choisissent de l’envoyer ainsi à la morgue, c’était encore bon au siècle dernier ce genre de conneries, maintenant, qui croyait encore aux exorcismes ? Plus grand monde sans doute, si ce n’est les parents de la famille Rosenberg. Elles allaient partir, quitter cette famille, quitter cette ville et les gens à qui elles tenaient. C’était sans doute la meilleure chose à faire, alors c’est-ce qu’elles feraient, suivant sa sœur dans les escaliers grinçants de la maison, Delindah ne cessait de se répéter sans grande conviction qu’elles avaient raison et que loin d’ici elle finirait par s’en sortir avec cette chose qui faisait d’elle un monstre.