♣ Il était tard. Claryss avait passé une journée pareille à toutes les autres. Son travail lui prenait énormément de temps car la jeune femme s'impliquait toujours à fond dans ce qu'elle faisait. Travailler dans une bibliothèque n'avait jamais été le rêve de sa vie. Aussi étrange que cela puisse paraître pour quelqu'un comme elle, elle aurait voulu suivre les traces de son père et entrer dans l'armée. Sa famille l'en avait empêché. De toute manière, ce n'était pas très sage à cause de ce qu'elle appelait sa "maladie". Mademoiselle Wilson avait toujours été une enfant sensible. Plus en grandissait, plus elle avait l'impression de ressentir ce que ressentaient les gens autour d'elles, de comprendre leurs pensées, provoquant ainsi chez elles des sentiments très contradictoires et un certain mal-être. Avec le temps, ses problèmes s'aggravaient et elle était de moins en moins capable de supporter le contact avec les gens. C'est pourquoi elle avait suivi une formation de documentaliste à domicile avec toutes les difficultés qu'impliquaient le fait de recevoir ses cours par la poste. C'est pourquoi elle avait décidé de travailler dans le refuge calme et apaisant d'une bibliothèque. Il y avait rarement foule dans ce genre de lieu. C'était également la raison pour laquelle elle rentrait chez elle tard le soir afin de limiter ses contacts avec l'extérieur. Claryss était certaine qu'elle était malade. Ses symptômes devaient être le signe d'une maladie rare qu'elle ne connaissait pas. Rejetée par sa famille à cause de sa différence, elle avait toujours eu peur d'aller voir un médecin. Et si elle était folle ? S'il voulait l'enfermer ?

Claryss marcha rapidement dans les rues de New York jusqu'à son appartement du Bronx. Elle poussa la porte de son appartement non pas avec soulagement mais avec appréhension. Le soir était toujours un moment pénible pour elle. Le Bronx n'était pas un quartier dégageant des ondes très positives. Elle se sentait facilement déprimée par les problèmes de ses voisins, le malaise prenant le dessus au fil des émotions qu'elle captait. Trop d'émotions. Claryss était imprévisible et pouvait se mettre en colère d'un coup ou fondre en larmes. Comme tous les soirs, la blonde attrapa un verre, une bouteille de whisky et se jeta sur son canapé. C'était le seul remède qu'elle avait trouvé pour l'instant. L'alcool était la seule chose qui lui permettait d'oublier ces voix, la seule qui la faisait se sentir normale.