Le chant des oiseaux, les rayons du soleil, la vie dans sa plus grande simplicité ; voilà tout autant de choses qu'elle n'avait pas retrouvé depuis bien des années, en partant du principe qu'elle les avait connu un jour. Avait-elle déjà remarqué à quel point les troncs de certains arbres étaient épais et imposants ? Si oui, elle ne se souvenait pas de cette sensation de petitesse qui l'étrennait en levant les yeux, pour poser ses prunelles claires, sur les feuilles vertes qui semblaient flirter avec le vent d'une façon presque indécente pour une personne aussi chaste que Caleigh. Hypnotisée par le ballet incessant que jouaient des enfants en courant après des pigeons, la jeune fille se sentit étrangement solitaire. Elle l'avait toujours été, cela ne faisait aucun doute mais elle ne l'avait jamais aussi bien réalisé qu'à présent, après tout les événements récents.

On l'avait sortit de son enfer psychiatrique, on lui avait tendu la main, pour l'emmener dans un endroit où elle n'était plus censée se sentir aussi seule parce que là-bas ils étaient comme elle. Comme elle. Cela sonnait si bizarrement à ses oreilles. Comme elle. Qu'est-ce que cela signifiait au fond ? En quoi était-elle comme les autres quand toute sa vie sa mère n'avait cessé de la traiter comme une créature à part, et pas dans sens mélioratif du terme. Caleigh avait été une paria durant 18 ans, un rebut de la société rejeté même par sa propre mère. Et là, un jour, un homme venait lui annoncer qu'il pouvait l'aider à contrôler sa « particularité » et à ne plus être seule. Parlons en de sa particularité.. Cette chose qui faisait parti de son corps, d'elle, de son essence même. Baissant les yeux sur ses bras elle imagina cette chose se mêler à son sang et laisser des marques sous sa peau, comme ces traces violettes qui n'étaient que l'apparition des veines mais la preuve pour elle que ceci n'était qu'un poison. Après tout, c'était à cause de ça que sa mère était morte. Certes cela ne la traumatisait pas plus que cela désormais mais tout de même, si elle avait été capable de la tuer simplement en s'énervant.. Qu'arriverait-il à une personne dont elle voudrait réellement la mort ? Et non pas seulement de la douleur.. Que ce passerait-il si elle désirait plus que tout la mort d'une personne. L'idée même de s'imaginer comme un messager de la mort lui arracha un frisson.

Frisson qui devint un peu plus violent quand quelque chose heurta son pied. Droite comme un piquet, Caleigh baissa les yeux vers ce qui ressemblait à une petite voiture et se pencha doucement pour la ramasser alors qu'un enfant s'approchait d'elle avec crainte, la main droite tendue. Fronçant un peu les sourcils, elle ne comprit pas tout de suite que l'enfant désirait ce qui semblait être son jouet mais lorsque ses neurones se connectèrent, elle tendit à son tour la main, imitant le geste du garçon pour lui rendre le jouet qu'il récupéra sans se faire prier avec un remerciement balbutié. Une fois à nouveau seule, la jeune fille baissa les yeux sur ses doigts à la sensation étrangère provoquée par le contact avec le petit objet. Tout ceci était vraiment rapide et étrange. C'était la première fois qu'elle avait un contact pareil avec une personne du monde extérieur et elle ne savait si elle devait retourner à l'Institut en courant pour annoncer la chose ou alors rester assise.

Faute d'entrain, Caleigh resta donc sur son banc à observer les gens et à décrypter les émotions qui apparaissaient sur leur visage. Si elle reconnaissait les noms des sentiments qui déformaient leur trait, elle ne se souvenait pas les avoir ressenti.. Mais elle ne prit pas conscience de l'effet que cela aurait pu lui faire d'apprendre qu'elle était, en plus d'être une mutante, une personne complètement déconnectée du monde. Elle avait bien remarqué qu'elle était différente des autres gens de l'Institut mais elle notait cette différence sur le compte de la diversité de leurs « talents ». Elle était la seule à posséder la capacité qui était la sienne, alors ce devait sans doute être normal qu'elle se mette à part, non ?

Malgré tout cette façon de penser était troublante. Et troublée elle le fut encore plus quand quelqu'un s'assit à côté d'elle. Quelqu'un. Ce quelqu'un qui venait s'asseoir sur ce même banc chaque fois qu'elle y était. Elle l'avait bien remarqué, elle l'avait bien observé. Son cerveau avait imprimé chaque mouvement qu'il effectuait immanquablement lorsqu'il était là, chaque emplacement de mèches de cheveux comme si tout était calculé. De par son comportement et sa façon de se tenir, Caleigh aurait presque pu en déduire qui il était, ce qu'il faisait dans la vie mais en revanche elle ne connaissait pas son identité. Et au fond, cela ne la dérangeait pas, elle ne faisait pas partie de ces personnes qui demandaient l'identité de l'autre dès les premières secondes de conversation. De toute façon, le peu de conversation qu'elle avait déjà tenu avait découragé son vis-à-vis..

« Il va se faire mal.. » marmonna-t-elle plus par habitude de commenter que pour lancer une quelconque conversation. Et comme pour appuyer ses dires, le petit garçon qu'elle fixait se prit les pieds dans ses lacets et tomba. Oh non, elle ne prédisait pas l'avenir mais elle l'avait assez observé pour savoir que dès qu'il se mettait à courir avec ses lacets défaits il tombait.