J'aime le collège où je travaille. Les enfants y sont turbulents, mais le bruit ne m'a jamais trop gênée, quand je suis en présence de mes élèves. Je me rend compte chaque jour de la chance que j'ai d'avoir ce travail : cela me permets de gagner de quoi vivre, en attendant d'être éditée. Il faudrait que je finisse rapidement mon roman d'ailleurs, mais j'ai toujours quelque chose à faire, toujours d'autres soucis en tête. Loyer à payer, factures, courses, devoirs à rendre, notes à donner. Mes recherches également prennent beaucoup de temps. Je me renseigne sur divers mythes, notamment celui de l'atlantide. Car je suis persuadée que cette ville a existé, et qu'elle a été la naissance des mutants.

Oh, oui, j'oubliais de vous dire : je suis une mutante. Je le sais depuis environ une dizaine d'années. Quand je regarde les élèves sagement en train de lire, devant moi, je songe que sur ces trente têtes encore jeunes, il doit y avoir quelques mutants qui s'ignorent. Personne à mon travail ne se doute de ce que je suis - il y a bien des espèces de coup de vents, quand je me mets en colère, mais qui irait croire que cela vient de moi ? Impossible, tout bonnement impossible. J'aimerais en parler autour de moi, mais j'ai coupé les ponts avec ma mère depuis la mort de mon père, le seul être à me comprendre. Il était un mutant lui aussi, capable de contrôler les plantes. Moi, je contrôle l'air. C'est amusant, et je dois avouer qu'il n'y a rien de plus drôle que de manier cet élément vif et vivant pour en faire ce que je désire. Ma vie à New-York est pleine de surprise, et je me demande ce que me réserve demain. Qui sait, chaque personne que je croise peut-être comme moi. Si seulement je croisais un de mes comparses. Je n'ai pas beaucoup d'amis, avec mon mode de vie concentré sur mon travail. Mais je serais prête à faire des concessions, pour ceux comme moi. Si seulement.

Je ne connais rien aux autres mutants. Je ne sais pas ce qu'ils font de leur temps libre, même si je me pose beaucoup de questions à leur sujet. Je sais que je ne suis pas seule - père me l'a dit. Je songe à tout cela, debout devant ma classe. Une main se lève.

« Madame, vous pouvez venir s'il vous plaît ? »
« J'arrive Karie. »

Je m'approche de la jeune fille et me penche sur son épaule. Elle me montre un mot, que je lui souffle. Elle me sourit - c'est le meilleur des remerciements. J'ai toujours eu un don avec les enfants - et les mots, les lettres, les livres. J'aime enseigner, et j'aime apprendre, j'aime connaître, j'aime dévoiler ce que je sais. On pourrait dire que je suis généreuse, mais ce n'est pas le cas : je fais cela de manière totalement égoïste, car j'aime être professeur. Ces enfants sont comme mes amis - comme des échos de ce que je devrais avoir en tant qu'adulte. Je souris à Karie et me redresse. Il est temps pour moi de me concentrer : l'heure tourne, et je dois les interroger sur leur lecture.

« Tout le monde a fini ? Bien. Qui peut me dire ce qui amène notre héros dans cette forêt ? Dans quel but ? Est-ce par intérêt, ou dans l'idéologie d'une mission, à la manière d'un chevalier ? Oui, Terence ? »

Le garçon sourit, timidement. Et il répond. Et j'écoute, car c'est aussi cela, mon métier : écouter. Comprendre. Mais surtout, surtout, enseigner.
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