Son café dans une main, un stylo dans l'autre, Nicholas tentait d'oublier le bruit et la foule en se plongeant dans son activité favorite : la traduction. Peu habitué aux lieux publics, préférant mille fois le silence et la solitude que lui offrait sa petite chambre, le jeune homme avait cependant fait une entorse à son régime de vie. Pour la bonne cause, se disait-il en tentant de combattre la nervosité qui régnait en son être. Pour la bonne cause...
En vérité, ce n'était pas tant la vie grouillante de ce café qui le préoccupait que la perspective de ces retrouvailles imminentes. Regina Putnam... Cela devait bien faire un an qu'il n'avait pas vu la politicienne, l'une des premières personnes à l'avoir soutenu et compris, celle qu'il aurait suivi jusqu'au bout du monde avant de rencontrer la Confrérie. SA famille. Celle qui lui avait permis de trouver sa place et de réaliser pleinement son potentiel, de comprendre qu'il valait mieux que ces imbéciles qui s'étaient fait un plaisir de gâcher sa vie...
Regina avait fait preuve d'une compréhension certaine et Nicholas ne la remercierait jamais assez pour tout ce qu'elle avait fait pour lui, mais... mais elle n'était pas des leurs. Il y avait entre eux cette barrière infranchissable, cette frontière qui séparait les gens normaux de ceux qui ne l'étaient pas et, en dépit de tous les efforts de la politicienne, Nicholas était tout simplement incapable de passer au-delà de ça. Outre les idéaux de la communauté qu'il avait rejoint, il y a un an de cela, c'était aussi pour cette raison qu'il avait décidé de couper les ponts avec Regina : pour mettre fin à cette hypocrisie doucereuse.
Pourtant, il était celui qui avait décidé de la contacter à nouveau. Pas pour un simple désir de renouer les liens, non, même si, inconsciemment, c'était un souhait qu'il dissimulait au sein de son coeur depuis fort longtemps.
Regina était une personne d'importance : une femme politique, qui affirmait sa position pro-mutants. En l'approchant, en reprenant leur histoire là où elle avait été laissée, Nicholas serait sûrement en mesure de rencontrer d'autres mutants, de les guider lentement vers la Confrérie. C'était le moins qu'il puisse faire : avec sa capacité qu'il jugeait faible, le jeune homme n'était pas d'une grande utilité aux siens et il voulait réparer cela. Ses liens avec Regina étaient une manière de le faire, supposait-il...
Alors que Nicholas était concentré sur un texte en hébreu, qu'il traduisait élégamment dans la langue elfique de Tolkien, un exercice aussi périlleux que prenant, la chaise vide qui se trouvait en face de lui racla le sol. Surpris, le jeune mutant sursauta, perdant sa concentration, le fil de ses pensées se brouillant pendant de brèves secondes.
Quand il eut repris le contrôle de lui-même, ce fut avec un sourire qui n'avait rien de feint qu'il accueillit celle qui avait tant signifié pour lui :
"V-Vous... V-Vous m'avez manqué, R-Regina..."
L'émotion étreignit sa gorge et il fut bientôt incapable d'articuler quoi que ce soit d'autre. Confus, embarrassé, il resta planté sur sa chaise, droit comme un i, ignorant comment il était supposé agir. Lui tendre une main pour qu'elle la serre ? Lui faire la bise ? Ne serait-ce pas inconvenant ?
Nicholas ne savait plus... Mais cela avait-il seulement de l'importance ? Il venait de la retrouver... Après tout ce temps...
Dans un mouvement maladroit, Nicholas rangea son travail de traduction, manquant de renverser son café au passage. Il s'excusa d'une petite voix pour sa maladresse, son bégaiement plus prononcé que jamais tandis qu'il tentait de retenir cette émotion qui voulait clairement s'exprimer.
Timidement, il finit par déclarer, sans oser regarder son interlocutrice dans les yeux :
"V-Vous.... V-Vous souhaitez b-boire quelque chose ?"
Nerveusement, Nicholas rajusta ses lunettes. Sa stratégie ? Oubliée, pour l'instant...