Allongée dans son bain moussant, une boîte de macarons bien entamée à côté d'elle, Sinead pensait. Elle repensait à tous ces moments qui avaient été sa vie, ces vingt-huit dernières années. Bon d'accord, elle ne se souvenait pas de tout. Mais, elle ne pouvait oublier les choses importantes. Née le 12 janvier 1945 dans les quartiers chics de la Grosse Pomme, Sinead s'appelait alors de son nom complet Sinead Cornelia Spelman. Fille aînée - et finalement unique - d'un avocat et d'une femme au foyer très fortunés, elle avait grandit sans jamais connaître la dureté des fins de mois difficiles. Son père avait toujours été pour la petite fille un modèle de force et de volonté. Aussi se jura-t-elle une fois entrée au collège qu'elle ferait des études de droit - nul part ailleurs que dans la prestigieuse université de l'Ivy League Yale - et reprendrait le cabinet familial d'avocats. Et c'était ce qu'elle avait fait. Elle était devenue avocat, à l'âge de vingt-cinq ans. Et rapidement, la réputation de la jeune femme se fit. La fierté de ses parents. Leur digne héritière. Jusqu'à ce jour de septembre 1972 où Anthon Spelman avait été placé dans une affaire mettant en cause un mutant. Il semblait à Sinead qu'elle ne pourrait jamais oublier le sourire de fierté de son père quand il était rentré à la maison, annonçant fièrement que le "monstre génétiquement modifié" était condamné à mort. Sinead se trouvait dans la salle à manger, attablée avec Wilfried son époux, leur fils Nathaniel et la mère de la jeune avocate Cornelia. Mère qui avait, contre les attentes de sa fille, féliciter son mari pour cet acte qu'elle jugeait héroïque. Sinead s'était alors levée d'un bond, avait pris son fils dans ses bras et était sortie du loft parental, suivi par un Wilfried qui ne savait plus où se mettre. A partir de ce jour-là, elle avait juré de se placer contre les idéaux de ses parents, en ce qui concernait les mutants. Elle n'avait plus aucun lien avec eux. Et elle savait que si elle était encore employée du cabinet Spelman, c'était uniquement pour ne pas que naissent des rumeurs. Même si tout le monde savait que l'enfant se dressait contre les parents... Poussant un immense soupir de lassitude face à cet aspect de sa vie qu'elle aimerait bien pouvoir effacer, Sinead ferma les yeux et se laissa aller dans le bain. Les secondes passèrent. Des secondes qui prirent l'allure de minutes pour la jeune femme. Jusqu'à ce qu'une main d'enfant vienne secouer l'eau du bain et que des appels troublent la quiétude de la salle de bains.

- Mamaaaaaaaaaaaaaan !!!!

Ouvrant les yeux et voyant la main du petit Nate, son fils, la brune sortit la tête de l'eau et sourit à l'enfant qui s'essuyait la main sur son tee-shirt déjà trempé par la pluie qui tombait dehors, son bonnet encore sur la tête.

- Papa veut te voir.

- Ah ? Et qu'est-ce que papa a à me dire ?

Nathaniel haussa les épaules et sortit de la salle de bains en courant pour rejoindre sa chambre et ses jouets. Souriant, Sinead sortit de son bain, s'enroulant dans une serviette. Nate était la fierté de sa mère. Né le 25 septembre 1969, le petit garçon de trois ans était le seul enfant du couple Tran; Un enfant né alors que les deux jeunes gens n'avaient pas encore un an de mariage. Un enfant qu'ils avaient désirés depuis leur rencontre en deuxième année à Yale. Traversant un couloir, laissant des traces de pas mouillés derrière elle, Sinead chercha son époux. Wilfried dans toutes les pièces de l'appartement. Finalement, elle le trouva dans le hall d'entrée, plongé dans des papiers.

- Tu voulais me parler ?, demanda-t-elle en venant l'embrasser.

Aussitôt, l'homme leva le visage pour répondre au baiser. Mais l'air qu'il affichait inquiéta l'avocate.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Tu sais le lieu pour construire notre propre cabinet ? Et bien, la demande a été refusée... J'ai mené mon enquête et ton père est derrière tout ça.

Sinead soupira, se passa une main sur le visage. A vrai dire, ce n'était même pas étonnant. Son père avait du entendre parler du projet des Tran de construire un nouveau cabinet d'avocats. Un cabinet aux prix bien moins exorbitants que le cabinet Spelman. Un cabinet où elle pourrait traiter des affaires comme bon lui semblerait. Un cabinet où elle et son époux pourraient traiter des cas des mutants. Et il avait du se faire une joie de détruire leur projet dans l'oeuf.

- J'irais lui parler. Demain matin, avant le boulot.