" I was in the dark, so darkness I became. "

Une journée comme les autres, à première vue, enfin c'est ce qu'on pourrait croire. Les cours de psychologie, le matin, l'après-midi je l'avais passé entourer de politiciens, étant embauchés pour remplacer un collègue et donc servir de garde du corps à un sénateur ? Aucune importance, ce n'était pas sa biographie que je faisais. Non j'étais juste là pour qu'il ne lui arrive rien... Et rien ne c'était passé, mais quand je dis rien, il se passait tellement peu de choses qu'à un moment j'ai dû lutter pour garder les yeux ouverts...

Mais en soirée sur le chemin du retour c'était devenu beaucoup plus intéressant, j'avais croisé un "ami" qui était chargé de m'informer sur les moindres mouvements de certains agents. Il m'avait entraîné dans un café pour me raconter tout ce qu'il savait et bien évidemment mon informateur ne se donna pas la peine de me mentir.

- Je ne sais pas si ça va te rapprocher de ce que tu cherches Sheridan mais il paraît qu'un des leurs à rendez-vous dans un restaurant pour parler "affaires". Je n'en sais pas plus...

C'était maigre mais c'était déjà ça, face à cette information cette ombre infime d'espoir je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire avant que l'homme me remette un morceau de papier avec l'adresse du fameux restaurant.

Voilà comment j'avais atterrie sur le toit de cet immeuble qui faisait face au restaurant. De là haut je pouvais voir les rues et ruelles entourant le restaurant, il ne pouvait donc pas m'échapper. C'était impossible n'est-ce pas ?
Je n'avais donc qu'à attendre patiemment là, m'approchant de l'escalier de secours je m'assurais qu'il était en bon état, je n'allais pas redescendre par l'intérieur de l'immeuble, je perdrais ma cible de vue et ce n'était pas le but.

- Qu'est-ce que...

Seulement en me penchant pour m'assurer que ma sortie était assurée aperçue une silhouette qui me semblait familière... Seulement cette personne était censée être en Angleterre. Non mon cerveau devait surement me jouer un vilain tour impossible que ça ne soit... Lui...

Je m'arrachais à la contemplation de la silhouette qui changeait de rue, pour voir que ma cible potentielle sortait du restaurant accompagné, la jeune femme le laissa pour retourner à l'intérieur, elle avait surement oublié quelque chose, pendant que l'homme s'avança pour rejoindre une des rues. Je me redressais avant de réajuster ma capuche et j'armais l'arc avant viser de le type. Ma main émit un tremblement et je l'associais à cette silhouette qui m'avait troublée quelque minutes plus haut.

- Allez ressaisis-toi bon sang !

Je pris une inspiration que je bloquais avant de lâcher ma flèche qui se logea dans l'épaule de ma victime. Je n'avais pas beaucoup, je me rapprochais de l'escalier de secours pour tirer une nouvelle flèche qui atterrie dans la jambe de l'agent. Je décidais donc de descendre rapidement les escaliers, il n'irait pas bien loin, mais si quelqu'un le trouvait entre-temps je ne pourrais pas l'interroger et j'aurais donc fait tout ça pour rien, et je perdrais tout espoir de retrouver Nigel encore une fois, et ça, ce n'était tout simplement pas possible.

Une fois en bas, je me dirigeais vers le type, habillé tout en noir, sans oublier la capuche, il était impossible de savoir qui j'étais, du moins c'est ce que je croyais. Je m'avançais vers ce pauvre comme un serpent vers sa proie.

La journée s'était écoulée avec une lenteur extrême mais, heureusement pour Nick, sans réel accroc. Seule l'anxiété le tenait éveillé depuis quelques temps, à en juger le début de cernes qui creusaient ses yeux, et, finalement, un soupir de soulagement accueillit la fin de tout ce labeur. Le journaliste s'empressa de rassembler ses affaires et quitta rapidement l'immeuble, la main fermement agrippée sur la bandoulière de son sac. Une brève inspiration et son esprit s'éclaircit déjà. Il aurait hélé un taxi, comme à son habitude, si le paysage n'avait pas soudainement retenu son attention: les rues, déjà moins denses à cette heure, lui dégageaient généreusement la vue. Pour la première fois sur le sol américain, un sourire sincère étira ses lèvres.

Cet horizon à peine perturbé par ces quelques silhouettes et véhicules en tout genre lui permettait sans aucun mal de se concentrer sur cette affaire relativement pressante d'ordre personnel. Par chance, rien d'important ne l'attendait ce soir là. Le moment parfait autrement dit. Le rouquin se ravisa donc, se laissant aveuglément guider par son instinct sur les nombreux trottoirs déserts qui s'offraient à lui.

Instinct ne convenait peut-être pas tout à fait.

Si Nick enchaînait nuit blanche sur nuit blanche à son plus grand désarroi, c'était uniquement par sa faute. Il ressentait plus encore ses émotions et si d'ordinaire le jeune homme aurait été ravi de la savoir quasi euphorique, il ne restait cependant pas dupe.
Andra changeait peu à peu. La colère l'animait au même titre qu'un excès de confiance et, les deux combinés, autant dire cela ne présageait vraiment rien de bon. La veille, il avait cru à une véritable implosion de sentiments.
Les siens, ceux de sa petite amie... La situation en devint rapidement ingérable si bien que son impulsivité se vit inévitablement décuplée. Dans quel embarras cela le mettait, aussi bien dans sa vie sociale que professionnelle ! Mais de toute cette tension tout bonnement incontrôlable, Nick n'en retenait qu'une chose et la culpabilité le gagna.

Qu'attendait-il pour la rejoindre, l'aider dans cette quête vengeresse et à se retrouver elle-même ? Que la belle fasse le premier pas, s'excuse de ne pas avoir donner de signe de vie depuis des lustres peut-être ? Non, il ne voulait pas de tout cela. En réalité, tout ce qu'il lui importait était la santé de sa chère et tendre, avec ou sans lui, pas de panser ses propres plaies. Et, au vu de l'évolution des événements, à en croire ses ressentis même, Andra pouvait très bien y laisser sa vie, faute d'inattention.

Avec une aisance naturelle, Nick finit par restreindre son champ de recherche et atterrit au pied d'un restaurant, la tension touchant à son paroxysme. D'abord, il songea à pousser la porte d'où s'échappaient des effluves épicées, en l'imaginant en compagnie de collègues, mais après réflexions le jeune homme décida de s'assurer qu'elle ne passait pas aux choses sérieuses, plus en retrait. Il eut tout juste le temps de longer la petite ruelle, rencontrant à sa plus grande déception les ordures du bâtiment, avant qu'un cri de douleur ne déchire les ténèbres. Plus un mouvement, pas même une inspiration. Aucun coup de feu. Ni d'autres hurlements d'ailleurs. Le silence tomba de nouveau, tel un couperet, et le temps parut alors suspendu. Une poignée de secondes fila avant que Nick ne reprenne le contrôle de son corps.

"Que fais-tu bon sang ?", se demanda-t-il tout haut en percevant une vague de satisfaction, son visage pâlissant davantage.

Nick tourna aussitôt les talons et courut sans plus tarder dans sa direction, priant pour ne pas arriver trop tard. Le jeu s'acheva bien assez tôt, sèchement et sans crier gare, et son coeur manqua un battement. Là, devant lui, une silhouette filiforme encapuchonnée surplombait une masse, aussi noire que son costume, étendue sur le sol. Son regard glissa lentement vers l'arme: un arc. Une gifle. Sans aucune retenue. Si Nick devait mettre un mot sur l'effet que cette vision lui produisit ce soir-là, c'était bien celui-ci qu'il aurait probablement choisi. Ses battements reprirent leur course folle tandis que son cerveau tentait de réorganiser tout ce qu'il venait de voir. Peu de personnes se défendaient de cette manière; une signature en quelque sorte.

Ce n'est pas réel..., s'efforçait à croire le journaliste, les pieds comme vissés au goudron.

Puis ses yeux volèrent jusqu'à la victime, un homme, touchée à la cuisse et à l'épaule. Des tirs savamment réalisés: pas au point d'être mortels, non, mais suffisamment handicapants pour en immobiliser momentanément la cible.

"Andra... ?", parvint à articuler le rouquin, encore haletant.

Il dévisagea longuement l'agresseur, les sourcils froncés par tant d'incrédulité. Une once d'espoir le submergea toutefois à la vue de ces quelques mèches brunes qui s'échappaient du capuchon et Nick se retrouva tout à coup perdu dans ce flot d'émotions contradictoires.

Je l'avais enfin face à moi, je m'approchais de lui et rien ne se mettrait sur mon chemin, enfin ça c'était ce que je pensais, je fis tourner entre mes doigts une flèche, la tête de cette dernière refléta une ombre sur le côté et avant même que je n'ai le temps de me tourner, je m'immobilisais jusqu'à entendre une voix.

- Andra... ?

Je fus comme paralysée le temps de quelques secondes, laissant à mon cerveau le temps de procéder à tout ce qui était en train de se passer, j'aurais pu reconnaître cette voix entre mille, et pourtant, je ne pouvais pas croire que c'était lui. Pourtant, une partie de moi était tellement heureuse d'entendre cette voix, quant à l'autre... Disons qu'elle était tout simplement trop occupée à chercher des réponses qu'elle ne voulait rien entendre.

Mais je devais me calmer pour l'instant, et rester calme sans céder à la panique. Et je décidais d'écouter l'infime partie de moi qui me disait de tout arrêter pour me concentrer sur lui. Et je dû rassembler tout le contrôle que je pouvais avoir pour donner à ma victime une dose de poison qui me permettrait d'avoir une conversation sans qu'il ne meure, j'avais toujours besoin de l'interroger. Je n'eu même pas besoin de le toucher pour que des veines noires parcourent la peau visible de son corps avant qu'il ne perde connaissance.

Je baissais ma capuche avant de me tourner vers le jeune homme, j'aurais voulu le serrer dans mes bras, mais j'avais peur qu'il me rejette après ce qu'il venait de voir. Chose que je pouvais comprendre, il y a quatre ans de ça, jamais je n'aurais pu faire une chose pareille. Mais c'était devenu le seul moyen d'en savoir plus.

- Bonsoir Nick.

Je ne savais pas ce que je devais faire, m'approcher ? Rester ou j'étais ? Nier l'évidence ? Le laisser faire le premier pas, je n'allais pas m'enfuir, ce n'était pas que je ne le pouvais pas, mais je ne le voulais pas, pas cette fois. Je balançais la flèche à côté du type inconscient, j'avais laissé l'arc en haut de l'immeuble, ne pensant pas que je tomberais sur Nick certainement pas à New-York et encore moins ce soir.

- Tu dois te dire que j'ai vraiment changé, je me trompe ?

La gentille petite fille qui l'avait connu, chasser à présent les agents avec un arc. C'était un sacré changement. J'étais anxieuse, inquiète à l'idée de ce qu'il allait dire. De ce qu'il pourrait dire. J'ignorais comment il allait réagir face à ce que je faisais à présent.

- Je suppose que tu as tout un tas de question ?

Je jetais un coup d'œil à ma montre, vérifiant l'heure qu'il était pour m'assurer de ne pas laisser ma victime trop longtemps dans cet état-là. Attendant la réaction du jeune homme, mais surtout ses réponses. Comme retrouvailles, c'était animé, je ne pouvais pas le nier. Cependant j'avais encore une question à lui poser.

- Depuis quand tu es à New-York ?

Bonsoir Nick ?! Vraiment ? Il resta atterré devant cette réaction et dû se répéter par trois fois cette simple phrase, n'y croyant tout bonnement pas ses oreilles. D'ailleurs, ses cils papillonnèrent un bref instant avant que le rouquin ne penche la tête sur le côté et n'ose s'avancer d'un pas. Parce que, se faire surprendre après toutes ces années d'absence en train de torturer un gars en usant de ses pouvoirs, était une chose des plus banales en effet. Oui, les circonstances de cette rencontre étaient tout à fait normales, tout comme lui cracher sans vergogne ces deux fichus mots à la figure. Comme si elle le côtoyait toujours ! Ha ! En fin de compte, le venin avait touché une autre cible.

Et voilà qu'elle jetait un coup d'oeil à sa montre ! Oh, l'importunait-il à ce point ? Peut-être s'inquiétait-elle simplement de sa santé et qu'elle l'invitait à montrer rapidement son petit cœur meurtri pour un bisou magique, histoire que le jeune homme aille au plus vite se coucher ? Tellement adorable et attentionnée... Un rictus épousa ses lèvres.

"C'est tout ?", s'indigna-t-il en perdant déjà de vue son beau discours.

Il leva théâtralement les mains en l'air, paumes en évidence, avant d'articuler d'un ton caustique:

"Bonsoir Nick ?"

Ses bras retombèrent brutalement à ses côtés et son regard plongea dans celui d'Andra, le visage soudainement impassible. Déçu. Impossible de le nier. En colère, triste aussi. Et désemparé. Cette jolie femme qu'il connaissait était-elle donc belle et bien morte ? Courait-il depuis tout ce temps après un fantôme, une vulgaire illusion ? Ou bien était-il le seul humain dans les environs, le seul à avoir des sentiments ? Ses lèvres se pincèrent et Nick détourna finalement les yeux, les mains posées sur sa taille. Il inspira profondément, si bien que l'on eut cru à un sanglot, et secoua la tête.

"Depuis toutes ces années... Pourquoi ne pas m'avoir demandé de l'aide si c'est pour t'y prendre de cette manière, hm ?"

Il désigna alors du menton l'homme étalé de tout son long sur le trottoir, ignorant royalement les questions de l'archère. À vrai dire, cela n'avait fait qu'accroître son sentiment d'impuissance et augmenter son rythme cardiaque. Parce que, même si le mutant n'écumait pas de rage, la pilule passait plus difficilement que prévu.

"Peut-être que la notion de couple ne signifie rien pour toi...", souffla-t-il amèrement.

Nick combla sans se presser la distance qui le séparait de son amie, la dévisageant une poignée de secondes. Juste assez pour détailler ses traits délicats et la lueur qui brillait dans ses beaux yeux bleus -cette femme semblait si réelle, n'était-ce rien de plus qu'une pâle copie ?- ... Et éviter d'être tenté de se noyer dans sa mémoire. Un réflexe que le jeune homme avait développé la concernant au fil du temps. Il la respectait plus que quiconque et continuait à se maîtriser sur ce point au même titre que son impulsivité regrettable.

"Que veux-tu savoir à son sujet ?", fit-il plus calmement en s'accroupissant près de la victime.

Nick patienta là, une façon de dire "Réveille-moi ce pauvre homme, qu'on en finisse avec lui", coupant court à toute tentative de repentir de la brune pour l'heure.

J'ignorais à quoi il s'attendait, des explications sans doute. Je me doutais bien que ses deux petits mots ne passeraient pas, et pourtant je les avais dites tout de même, peut être pour connaître sa réaction, une sorte de test, comme quand vous cherchez à en savoir plus sans directement demander. Et ses deux simples mots avaient réussi à le mettre en colère.

- C'est tout ?

Je baissais les yeux contemplant l'espace qui me séparait du jeune homme. Quand je relevais les yeux vers lui, Nick avait lever les mains théâtralement en l'air, rarement je l'avais vu en colère, rarement je l'avais poussé de la sorte. Je le regardais faire, avant de l'entendre répéter ce que je venais de lui dire.

- Bonsoir Nick ?

Je l'observais attentivement, et je réalisais deux choses, la première qu'il était toujours comme dans mes souvenirs et la seconde qu'il m'avait manqué. Le son de sa voix, son visage et ses innombrables taches de rousseur. Je ne le réalisais pas que maintenant parce que je l'avais retrouvé ou plutôt l'inverse, mais parce que ça venait de me frapper, ainsi que quelques souvenirs datant d'avant la disparition de Nigel. Mes yeux se perdirent dans le vague momentanément jusqu'à ce que j'entende Nick émettre un son presque proche du sanglot. Et je fermais les yeux quelques secondes de peur de craquer là, dans cette rue.

- Depuis toutes ces années... Pourquoi ne pas m'avoir demandé de l'aide si c'est pour t'y prendre de cette manière, hm ?

- Je ne voulais pas te mêler à ça, crois le ou non je cherchais à te protéger.

C'était la vérité, seulement de nous deux c'était moi le détecteur de mensonge. Peut-être sentirait-il que j'étais sincère peut-être pas, j'ignorais ce dont il était capable désormais. Et quand le mutant reprit la parole je ne m'attendais pas à l'effet qu'allaient produire ses prochains mots, comme un coup de poignard en plein cœur.

- Peut-être que la notion de couple ne signifie rien pour toi...

- A chaque fois que je trouve l'un des leurs c'est la même chose, je le traque avec l'espoir d'obtenir le moindre indice, je les questionnent et il s'avère qu'ils ignorent tout de Nigel. Alors je perds espoir jusqu'au prochain agent que je croise. Tu voulais vraiment vivre ça avec moi ? Et si tu penses rien qu'une seule seconde que partir sans toi était facile...

Il n'avait pas été le seul à souffrir, et l'idée de cette chasse à l'homme m'avait traverser l'esprit, j'avais d'abord tenté de voir la police bien sûr. D'en apprendre plus sur l'enquête, j'avais questionné l'homme dirigeant l'enquête en personne. Pour être sûre qu'il ne mentait pas. Et ça n'avait rien donné, alors deux choix s'étaient offerts à moi, soit j'abandonné quitte à devenir folle, soit j'agissait et j'avais choisi cette solution-là. Si j'étais partie sans rien dire, si une fois arriver ici je n'avais pas donné de nouvelle c'était aussi parce que je ne voulais pas qu'il me voit comme ça.

Nick s'approcha de moi me dévisageant et l'espace de quelques secondes, je me questionnais sur ce qu'il était en train de voir, une cause perdue ou un être juste perdue.

- Que veux-tu savoir à son sujet ?

Il semblait plus calme à présent et j'ignorais si c'était bon ou mauvais signe. Il s'accroupit près de l'agent avant d'attendre que je le réveille. Je pris une profonde inspiration avant de me concentrer sur l'homme qui ne tarda pas à se réveiller alors que les veines noires s'effaçaient peu à peu de son corps.

- Je veux savoir s'il sait quelque chose sur Nigel, je me fiche du reste. Et si tu avais l'amabilité d'effacer mon nom de sa mémoire ça m'arrangerait.

Mon ton était calme, ce n'était pas vraiment une plainte, mais plutôt une demande, j'étais impatiente et assez inquiète à l'idée de savoir si ce type ne me servait à rien ou s'il savait quelque chose d'intéressant au sujet de Nigel. Ca faisait quatre ans, et je n'avais toujours pas laissé tomber.

- Dans le cas contraire, je ne pourrais pas le laisser repartir.

Je regardais autour de nous surveillants que personne ne se diriger vers nous. Laissant Nick faire ce qu'il avait à faire, j'avais toujours trouvé ses mutations fascinantes, je l'avais toujours trouvé fascinant. Même avant d'apprendre qu'il était mutant tout comme moi. Alors comment pouvait-il croire une seule seconde qu'il ne signifiait rien pour moi.

- Tu crois que ça m'amuse de jouer à ça ?

Il l'écoutait d'une oreille distraite, ne se donnant pas la peine de répondre tout haut ce qu'il pensait de ses jérémiades. Nick se préoccupait davantage du temps qui leur échappait et les mettait peu à peu dans une posture délicate. Un sérieux impeccable et une certaine nervosité prirent alors le pas. Il fallait nettoyer tout cela. Et au plus vite: New-York ne dormait pas du sommeil du juste.

"Tu voulais vraiment vivre ça avec moi ?". Oui, on aurait pu faire les choses à ma manière si tu n'avais pas eu cette fichue manie de prendre des décisions à ma place. Il arracha une première flèche et la jeta à ses côtés. L'agent, toujours dans un état végétatif, remua à peine les lèvres, signe qu'il n'appréciait probablement pas ce nouveau genre d'acupuncture. Andra, contrôler sa vie ? Oh bien entendu ce n'était pas réellement le cas, mais l'incroyable obstination de la belle s'y rapprochait.
"Et si tu avais l'amabilité d'effacer mon nom de sa mémoire ça m'arrangerait. Dans le cas contraire, je ne pourrais pas le laisser repartir". Ses mâchoires se crispèrent et la seconde pointe se retira plus sèchement de la chair ensanglantée avant de rejoindre sa sœur. Cette fois-ci un son échappa à la victime et Nick s'en excusa presque. Des menaces ? Je ne suis pas écervelé non plus, je sais ce que je dois faire. Il fouilla dans le veston de l'inconnu. Ses doigts découvrirent le contenu de sa poche et se refermèrent sur un porte-feuille en cuir, que le mutant balança aussitôt au loin. S'il fallait jouer la comédie pour obtenir un sursis de quelques semaines, autant se donner à fond. Après tout il était question d'un agent de la CIA, pas d'un citoyen lambda.
"Tu crois que ça m'amuse de jouer à ça ?". Nick ne put s'empêcher de rouler les yeux à cette remarque. Pourquoi fallait-il toujours qu'on le provoque tout en sachant pertinemment qu'il avait déjà les nerfs à vifs. Ne désirant pas que la brunette se vexe ou, pire encore, s'emploie à s'excuser à ce moment précis où concentration décuplée rimait avec déconnexion momentanée, le rouquin se racla brièvement la gorge dans le but de lui étaler ses quatre vérités.

"Andra s'il te plaît -", commença-t-il doucement, et il se contrôlait, en redressant le visage de son patient.

Mais la suite ne vint pas. Le monde sembla vaciller autour de lui... Et la scène se rejoua. D'un point de vue différent, certes. Cela lui faisait toujours un drôle d'effet de se voir d'un oeil neuf: les perceptions changeaient radicalement, les émotions qui l'envahissaient soudainement ne lui appartenant pas, tout comme ce goût métallique et désagréable en bouche d'ailleurs. Il aurait certainement craché tout ce sang, si cela avait été son propre corps.
Le contact s'était rapidement établi, cinq secondes tout au plus, sans doute du fait de l'affaiblissement de l'agent, son esprit ne luttant aucunement contre cette intrusion. Avoir recours à ce pouvoir était risqué d'ordinaire puisque ses propres perceptions de l'environnement mais aussi de son corps lui apparaissaient comme floues, si lointaines. Nick devait être pleinement à deux endroits à la fois, détecter très vite un danger extérieur, distinguer l'illusion de la réalité, et, de ce fait, la fatigue s'installait rapidement. Mais heureusement, ce soir-là, il pouvait compter sur les sens aiguisés d'Andra. Il n'était plus seul.
D'abord, le britannique remonta à une dizaine de minutes et un nouveau tableau se peignit.

Il quitta le restaurant en compagnie de Victoria, qui s'arrêta bien assez tôt.

"Attends."

Elle fouilla énergiquement dans son sac à main. Qu'avait-elle pu oublier encore ? La jeune femme rejeta la tête en arrière, et par la même occasion cette cascade de boucles blondes, avant qu'un soupir exagéré ne fuse.

"Reste-là, je reviens."

Et elle poussa une seconde fois la porte. Il n'y avait pas à dire: toujours aussi tête en l'air celle-là.
Il faisait bon, pas de quoi grelotter ni avoir soudainement envie de faire les cent pas. Par contre, si Andrew détestait une chose par dessus tout, c'était bien d'attendre sagement comme un gentil toutou, la laisse pendue de chaque côté de la gueule. Aussi ses jambes le portèrent naturellement plus loin. Il était distrait, et n'aurait jamais dû baisser sa garde.

"Hey !", cria une voix masculine.

On le bouscula sans ménagement si bien que l'agent manqua de trébucher.

"Fais gaffe un peu où tu vas mon gars !", acheva le type tout en continuant sa route.

Andrew serra les dents: pas la peine de s'énerver pour... Il fronça les sourcils et tâta la poche interne de son blouson. Rien.

"Où vas-tu comme ça fiston ?!", l'interpella-t-il alors en réalisant ce qu'il venait de se passer.

Mais le voleur accéléra le pas et l'agent le prit en chasse. Une situation banale. La course poursuite s'acheva très vite, l'endurance de cet homme de l'ombre ne connaissant, aujourd'hui encore, que peu de rivales. C'était cependant sans compter la détermination du délinquant.
Premier coup. Premier cri. Andrew s'arrêta net et pressa sa paume sur son épaule blessée. Son regard incrédule s'égara alors sur cette tâche sombre qui luisait au creux de sa main puis remonta sur le poignard souillé.
Il aurait pu jeter l'éponge là, mais cela aurait signifié qu'en plus de perdre toute dignité et crédibilité, d'autres innocents pourraient être victimes de ce jeune voyou, de 17 ans peut-être. Il ne lui en fallut pas davantage.

"T'es buté ou quoi toi ?", gémit le rebelle alors que l'agent lui empoignait fermement le poignet et le poussait contre un mur, l'air franchement pas commode.

Sous la surprise, la bourse tomba au sol.

"Écoute-moi bien, j'vais pas t'le répéter une deuxième fois: tu t'en es pris à la mauvaise personne alors si j'étais toi, j'me cass'rais très vite de là sans m'retourner et irais plancher mes cours pour réussir ma p'tite vie, plutôt qu'd'agresser un flic comme un parfait abruti", siffla-t-il entre ses dents.

L'intéressé déglutit péniblement et offrit son plus beau sourire crispé à son ange gardien, qui le relâcha légèrement.

"Mais j'ai déjà un métier, mon vieux."

Nouveau coup. Andrew perdit un instant l'équilibre et se rattrapa in extremis grâce au mur.

"Oh mon dieu !", gémit une femme au loin.

Et la dernière chose qu'il vit, avant que le rideau ne tombe, fut un jeune couple se précipiter dans sa direction.

"Monsieur, vous m'entendez ? Monsieur ?", répéta Nick une fois revenu à lui.

Il avait la sensation de nausée, de vertige aussi, bien que temporaires il le savait. Effacer les traces de la sorte le vidait à chaque fois de ses forces: tout ce que le rouquin désirait le plus après un exercice pareil était de se retrouver dans un bon lit et ne se réveiller qu'une fois avoir fait le tour du cadran ! Pourtant, il devait lutter, pour Andra, le plus difficile étant passé mais leur sécurité assurée. Nick profita du léger malaise qu'il avait également causé à Andrew pour régler un dernier détail, et non des moindres, tant que celui-ci n'avait pas pleinement conscience de ce qui l'entourait... À savoir l'arme du crime. Ou plutôt les armes. Il ramassa alors rapidement les trois flèches et les cassa d'un coup sec sur sa cuisse. Les jeter dans le conteneur d'ordures le plus proche ? Certainement pas, ils auraient tôt fait de les retracer. Autant laisser un écriteau avec leurs noms et adresses dans ce cas.
Il les fourra donc dans sa besace avant de trébucher et de se récupérer malencontreusement sur l'épaule de l'agent, qui ne manqua pas de lâcher une bonne flopée de jurons.

Les excuses passèrent à la trappe. Pour la seconde fois, Nick replongea dans sa mémoire.
Il avait appris à contrôler l'esprit de l'autre, à ne pas subir les souvenirs que l'inconnu aurait lui-même inconsciemment choisis. Ce fut laborieux, mais on pouvait dire qu'à présent le jeune homme maîtrisait cette technique.
C'était comme ouvrir des casiers. Papiers sans importance. Derniers instants et brouillons de pensées. Études. Enregistrements audios. Boulot. Images. Vie privée... Voir même double vie tout court. Cet arrangement complexe changeait bien évidemment d'une personne à une autre, cependant Nick sut qu'il cachait quelque chose. Un secret redondant. La pochette Double vie se trouvait là. Et il piocha un souvenir ayant fortement perturbé Andrew.

L'agent s'éclaircit la gorge afin de signifier sa présence, mais n'obtint aucune réponse en retour. L'homme en question lui tournait le dos, debout, une imposante lampe sur pied éclairant la table sur laquelle il s'affairait minutieusement. L'air y était austère, seuls quelques néons déversaient leur lumière blafarde dans la pièce. Quant aux fenêtres, il semblerait que le propriétaire en méprisait l'existence au plus haut point.
Andrew tira légèrement sur le col de sa chemise. Il ignorait la raison de sa présence, ne savait pas même comment il s'était débrouillé pour atterrir dans ce trou paumé. À vrai dire, il ne connaissait pas son... Employeur. Oui, Nick le perçut ainsi.

"J'comprends pas c'que j'fais ici", finit par lâcher le traqueur.

Des secondes filèrent, lui paraissant une éternité. Il redoutait les propos qui suivraient.

"Eh bien, j'ai un emploi pour vous Andrew Bellson."

Il tiqua. Comment venait-on de l'appeler ?

"Mais... J'ai déjà un travail...", rétorqua calmement le concerné avant de rajouter: "Monsieur."

"Hmm... Donc vous refusez un salaire plus que conséquent, c'est bien cela que vous tentez de me dire ?"

De la défiance. Des menaces voilées. Un arrêt de mort fixé.

"Je suppose qu'il faut être totalement stupide pour refuser ça, ha ha... !", se ravisa Andrew.

"En effet."

Un bruit sec se fit entendre et l'agent regarda une paire de gants rouges en latex disparaître dans une poubelle non loin de là. Sympathique et atypique comme couleur. L'homme se pencha au-dessus de la table, les mains agrippées au rebord. Il soupira et secoua la tête, comme résigné. Ce fut ce moment que choisit son assistante pour faire son entrée, une femme svelte à la chevelure dorée.

"Vous m'avez demandée Monsieur ?"

"Ah, Victoria !"

Et il se retourna, un sourire indescriptible aux lèvres, avant de s'avancer de quelques pas. Andrew ne prêta pourtant plus attention à ce mystérieux individu, bien trop absorbé par le spectacle duquel ce dernier venait de s'écarter. Ligoté là, sans vie, sur la table, un homme. Du sang tâchait sa peau blafarde, des plaies béantes tailladant son abdomen et on lui avait sectionné des doigts. Andrew se sentit sur le point de défaillir. Que faisait donc t-il ici avec ce fou furieux dans les parages ? Si seulement il pouvait remonter le temps...

"Il est... Est-ce qu'il... ?", se surprit à bégayer Mr Bellson, craignant pour sa propre vie.

Son hôte jeta un regard par dessus son épaule.

"Oh, lui ? Non, pas encore", répondit-il calmement en esquissant un sourire des plus perturbants. Un sourire de psychopathe sans aucun doute. "Mais venons-en à notre arrangement je vous prie."

Il alla récupérer des dossiers à son bureau, frôlant son invité qui frissonna de dégoût avant de s'écarter.

"J'aimerais que vous me les rapportiez", déclara froidement le détraqué en les lui tendant.

Le contact visuel se rompit. Les pas de cet homme résonnèrent un instant dans la pièce avant de s'étouffer devant tout un attirail d'outils scientifiques. Il s'intéressa à un microscope, soudainement silencieux. Un signal peut-être, que la conversation s'arrêtait là et que son assistante allait prendre la relève.

"Vous ne direz strictement rien de tout ceci et vous ne pourrez identifier votre nouveau patron si quelqu'un venait à vous le demander."

Et, étrangement, il sut qu'il en serait incapable. Andrew parcourut brièvement les titres de la paperasse: des noms qui se retrouveraient probablement un jour à la place de ce malheureux cobaye. Ryan Train. Louise Derolls. Andra Sheridan. Nig-

"Non !"

La salle perdit de ses couleurs et ses recoins devinrent de plus en plus sombres jusqu'à ce que les ténèbres engloutissent définitivement ce souvenir.

Nick resta coi, incapable d'articuler le moindre son. L'épuisement couplé à son cri avaient fini par couper ce lien. Sa tête lui tournait en même temps que ses forces le quittaient. Impossible de ne pas réessayer, Andra était traquée.

"Andrew ?!"

Le rouquin se redressa soudainement, titubant un instant, en voyant la silhouette se diriger vers eux. Cette voix... Il la reconnaissait sans aucun mal.

"Ça va aller chérie, calme-toi", supplia tout bas le journaliste en prenant Andra dans ses bras. "Ça va aller..."

Le visage de la brune se nicha contre son torse, ou plutôt Nick lui suggéra cette posture en la maintenant ainsi, la main plongée dans ses cheveux en les caressant tendrement de son pouce. Il la forçait à rester cachée de cette manière, espérant qu'elle comprendrait rapidement la situation. Si l'un des deux venaient à la reconnaître, Nick ne se pardonnerait jamais d'avoir failli, de ne pas être parvenu à la garder hors d'atteinte. Et de l'avoir certainement perdue pour toujours.

Le jeune homme ne daigna pas me répondre retirant les flèches de ma victime. Alors c'était comme ça maintenant ? Je tentais de me faire comprendre, de donner mes raisons et Nick ne se donner pas la peine d'y répondre ? A ce moment-là j'aurais bien aimer savoir ce qui se passait dans sa tête, si c'était juste sur le coup de l'émotion ou si ça resterait comme ça... Et cette pensée me rendait folle.

- Andra s'il te plaît...

Je croisais les bras sur ma poitrine et décider de me taire et de le laisser travailler tranquillement, sachant, enfin aux dernières nouvelles que son don lui demandait une très grande concentration. Je choisis donc de guetter tout mouvement suspect et pour l'instant rien ne venait, ce qui était une bonne chose, une très bonne chose même. Au bout de quelques minutes, les deux hommes émergèrent instinctivement, je passais ma main dans le dos de Nick laissant un écart juste pour m'assurer qu'il ne basculerait pas.

- Monsieur, vous m'entendez ? Monsieur ?

Ce dernier ramassa mes flèches qu'il brisa avant de les glisser dans sa sacoche, je me sentais inutile et j'ignorais quoi faire, mise à part attendre que le jeune homme me dise ce qu'il en est. Et au moment où je m'y attendais le moins le jeune homme trébucha se rattrapant sur l'épaule de l'homme qui n'était pas très content. Encore une fois, j'étais inutile...
Puis Nick recommença et cette fois s'il sembla rester plus longtemps dans la mémoire de ma victime si bien que je m'assurer à plusieurs reprises qu'il aille bien.

Puis je ne tardais pas à faire les cent pas, toujours à l'affût de ce qui pouvait se passer. Mais personne ne venait à croire que personne n'osait vraiment s'approcher, comme s'il sentait que quelque chose d'étrange se passait et qu'il ne valait mieux pas être là.

Je m'approchais de Nick et de la victime avant de noter un léger épi, presque instinctivement je décidais avec la plus grande discrétion et surtout la plus grande dextérité d'y remédier, mais à peine ma main entra en contact avec ses cheveux que le jeune poussa un cri qui me fit sursauter par la même occasion. Je n'avais pas provoqué ça tout de même ?

- Non !

Nick se redressa rapidement et avant même que je n'ai pu prendre de ses nouvelles ou me tourner pour voir qui était l'inconnue qui venait d'arriver que je fus plaqué contre le jeune homme.

- Ça va aller chérie, calme-toi. Ça va aller...

Je me retrouvais contre le jeune homme sans vraiment comprendre ce qui se passait. Mais je savais que Nick ne ferait pas sans une bonne raison. Alors je jouais le jeu, posant ma main contre sa veste, bon sang mais qu'est-ce qu'il avait vu ? Il fallait qu'on s'éloigne d'ici et le plus rapidement possible. Je ne tardais pas à murmurer quelques mots ignorant si Nick allait m'entendre.

- Tu la connais ? Elle me connait ? Qu'est-ce qu'elle veut ?

Je ne paniquais pas, pas encore, j'avais appris à la confrérie à me maîtriser, et à apprendre à me calmer pour contrôler mes dons, je prenais de profondes inspirations et je devais bien avouer qu'être dans les bras de Nick m'aidait à maintenir ce niveau de contrôle, plus que je ne l'aurais cru possible.

- Je peux savoir ce qui se passe ici ?

La jeune femme qui venait juste d'arriver, celle que Nick ne voulait pas que je vois, semblait s'impatienter quant à la raison de notre présence ici et savoir ce qui était arrivé à ce type. J'avais beau chercher je ne reconnaissais pas cette voix, Nick me cachait pour une autre raison, elle me connaissait, et avant que la situation ne devienne plus compliqué je lâchais quelques mots, à l'intention du jeune homme, évitant de me faire entendre par l'inconnue qui visiblement en savait plus sur moi que l'inverse.

- Je crois qu'il vaudrait mieux qu'on s'en aille. Sauf si tu veux que je l'empoisonne...

Jamais son cœur n'avait battu aussi vite. Nick avait beau serrer jalousement Andra tout contre lui, il eut la sensation au cours d'un bref échange de regard que la nouvelle venue l'épiait à la manière d'un rapace: comme une proie. Peut-être tenterait-elle même, par tous les moyens possibles et inimaginables, de dégager la vérité au point d'entrevoir le visage de sa protégée ? Comment diable pouvait-il savoir quels dons possédait cette harpie ?! Immunisée contre les pouvoirs du rouquin ? Un genre de femme qui, comme Andra, distinguait aisément le vrai du faux ? Si la persuasion était dans ses cordes, nul doute que Victoria représentait déjà un certain danger, faisant oublier en un battement de cils les événements récents ou encore contraignant à se dévoiler, à l'insu de la victime. Ce fut dans cette perspective que le jeune homme écourta le contact visuel, car il lui semblait bien que la blonde s'y prenait de cette manière, veillant alors à porter naturellement son attention sur le simple humain qui se relevait péniblement du trottoir.

Il aurait approuvé à coup sûr les murmures que lui adressa Andra si la situation n'avait pas été si délicate. Les empoisonner ? Non, il aurait fallu les tuer du moment qu'ils les avaient vu désormais afin de ne pas les mettre, la brunette et lui, sous les projecteurs. Mais cela signifiait perdre la seule trace susceptible de mener à Nigel, bien qu'un étrange sentiment gagnait Nick à ce sujet. Disons... Qu'il craignait d'avoir un aperçu de la réalité. Ou plutôt qu'Andra subisse ce type de visions tout bonnement insupportables. Évidemment, tout n'était pas perdu. Il ne connaissait pas les réels travaux menés par cet homme abject et probablement que ce dernier analysait simplement des cadavres humains. Et puis non, même avec la meilleure volonté du monde, le rouquin n'espérait pas même s'en persuader. L'image de cet homme au teint affreusement pâle frappa de nouveau Nick et sa gorge se resserra.

Les jambes du journaliste menaçaient presque de se dérober à cause de toute cette fatigue physique et nerveuse, car il fallait bien dire qu'à force de nuits blanches il n'était vraiment pas judicieux d'user de ses pouvoirs. Le jeune homme refoulait tout cela néanmoins, tant bien que mal, et feignit le parfait témoin innocent se retrouvant malencontreusement au mauvais endroit au mauvais moment. Inutile d'éveiller des soupçons concernant le jeune couple.

" Oh chéri...", souffla-t-elle les yeux quelque peu larmoyants en caressant avec douceur l'épaule valide de son "époux", une fois que Nick eut fini de conter son histoire.

Le jeune homme laissa quasi un rictus monter à ses lèvres: facile à trancher, devant le britannique se tenait la comédienne par excellence. Elle avait rapidement évalué les blessures d'Andrew, que Nick lui disait sans gravité extrême, mais s'en détourna bientôt.

"C'est un dur à cuire... Nous ferons les démarches nécessaires, n'est-ce pas mon Amour ?"

"Ça c'est certain...", grommela Andrew pour toute réponse.

Elle lui déposa un doux baiser sur la joue avant de reporter son regard sur le rouquin. Les yeux de Nick glissèrent alors lentement sur l'agent, auquel il adressa un léger sourire. Mais celui-ci paraissait ailleurs.

"Êtes-vous sûrs que vous allez bien ?", s'enquit finalement Victoria, insistant visiblement sur la personne cachée sous cette masse de cheveux bruns.

Peut-être par question de politesse. Peut-être que non. Quoi qu'il en était, l'estomac de Nick se noua instantanément. Sa respiration avait également toutes les peines du monde à retourner à la normale, depuis l'arrivée de Victoria. D'ailleurs, ses sourcils se froncèrent quelque peu et elle s'avança d'un pas. Sa main se tendit doucement en direction d'Andra, l'air compatissant. L'air seulement. Nick avait bien du mal à entrer dans son jeu au vu de ce qu'il s'était passé ce jour-là dans le laboratoire, bien que son attitude paraissait irréprochable pour un regard extérieur. Le jeune homme eut juste le temps de reculer légèrement alors que les doigts aux ongles manucurés frôlaient le haut du dos d'Andra. Que comptait-elle faire ?

"La fatigue... Nous sommes un peu à cran tous les deux depuis quelques temps... Et cette rencontre nous a un peu déstabilisés", répondit calmement Nick malgré les pulsions meurtrières qui l'envahissaient.

Un sourire poli et un regard sincère. Une demi-vérité. C'était devenu instinctif pour Nick depuis qu'il côtoyait Andra, la demoiselle étant un véritable détecteur de mensonges ambulant. Répondez de manière détournée ou incomplète, et, pour peu que vos propos soient véridiques, peu importe le contexte, vous passez entre les mailles du filet.

"Excusez-nous, nous devons vraiment rentrer maintenant que Monsieur est entre de bonnes mains."

"Merci d'être intervenus encore une fois..."

"Rien de plus normal."

La pièce de théâtre s'acheva là. Les figurants se saluèrent une dernière fois avant de partir chacun de leur côté, probablement peu convaincus de la scène de l'autre.

"Je préfère que nous allions chez moi pour ce soir", insista Nick une fois le danger nettement écarté, entourant les épaules de la jeune femme de son bras.

Autrement dit, le temps de trouver quoi faire de toutes ces informations et, surtout, garder sa petite amie dans son champ de vision. La nuit s'annonçait une fois de plus cruellement longue.

Prisonnière des bras de Nick, je restais immobile pendant que le jeune homme faisait face à l'inconnue faussement inquiète pour son ami, et ça, j'en étais sûre tant ses mots résonnaient comme un écho dans mes pensées. Son inquiétude feinte n'était pas crédible une seule seconde. Nick lui raconta ce qui c'était passé, et ses mots à lui résonnaient aussi, en général, je pouvais bloquer cette capacité en me concentrant, mais ça me demandait bien trop d'énergie et j'avais l'impression qu'il me manquait quelque chose, alors j'évitais de le faire.

- Êtes-vous sûrs que vous allez bien ?

Inconsciemment, je serrais un peu plus le jeune homme priant intérieurement pour que l'on parte d'ici, puisqu'il ne voulait pas que j'utilise mon poison, ce n'était pas la réponse à tout et je n'appréciais pas de faire ce genre de choses, mais dans certains cas c'était la seule solution et la seule défense possible. J'entendis les talons de la jeune femme se rapprocher de nous et Nick se recula, je suivais le mouvement avant que ce dernier ne reprenne la parole.

- La fatigue... Nous sommes un peu à cran tous les deux depuis quelques temps... Et cette rencontre nous a un peu déstabilisés

Ce n'était pas tout à fait faux même si je percevais autre chose dans les mots du jeune homme, comme s'il y avait une autre raison, que je ne pouvais pas deviner comme ça, il aurait fallu que je questionne Nick mais là c'était impossible. Et je ne voulais qu'une chose, partir d'ici, rien de bon n'arriverait si on restait là, j'en étais persuadée.

- Excusez-nous, nous devons vraiment rentrer maintenant que Monsieur est entre de bonnes mains.

- Merci d'être intervenus encore une fois...

- Rien de plus normal.

Après quelques secondes, nous nous éloignions déjà de ce que si c'était passé. Et je n'attendais qu'une chose que l'on soit assez loin de ses inconnus. Mais je n'eu pas vraiment le temps d'ouvrir la bouche que le jeune homme prit la parole son bras entourant à présent mes épaules.

- Je préfère que nous allions chez moi pour ce soir.

Je n'étais pas contre, loin de là, je me voyais mal passer la soirée seule après nos retrouvailles quelque peu "mouvementées" et puis j'étais curieuse, je voulais savoir ce qui c'était passer pour Nick durant ses dernières années mais je voulais aussi comprendre ce qu'il avait vu, la raison de son cri et pourquoi m'avait-il caché de la sorte.

- Je monte récupérer mon arc et je te rejoins.

Je n'attendis pas la moindre réponse et je ne tardais pas à repérer l'immeuble par lequel j'étais passé. Je montais les escaliers aussi vite que je le pouvais. Une fois sur le toit je récupérais mon arme que j'avais laissée là, je le glissais dans un sac de sport noir, que j'avais laissé lui aussi sur le toit. Je jetais un dernier coup d'œil où se trouver anciennement ma victime, j'émis un soupir avant de descendre les escaliers aussi rapidement que possible pour retrouver le jeune homme.

- Sacrée soirée en tout cas...

Je ne tardais pas à me laisser guider par le jeune homme ignorant qu'il habitait à New-York alors j'ignorais encore moins l'emplacement de son appartement. J'ignorais quand lui demander ce qu'il avait vu. Et je n'étais pas vraiment connu pour ma patience... Et des questions je ne pouvais nier que j'en avais. Pourtant je les retenais toute à mesure qu'elle me venait. Jusqu'au moment où les retenir m'était devenu impossible

- Elle me connaissait n'est ce pas ?

A la seconde où la question m'échappa je ne pu retenir de me mordre la lèvre, j'émis un léger soupir avant de reprendre la parole. Malgré la fatigue, mon cerveau s'acharnait à être plus actif que jamais, élaborant tous les scénarios possibles...

- Pardon, je devrais plutôt attendre qu'on soit chez toi...

Je n'étais pas vraiment douée pour ça, la patience n'était pas mon fort et le jeune homme le savait très bien, avant que je réussisse à atteindre une cible il m'en avait fallu des heures qui m'avaient prouvé que le plus patient de nous deux c'était encore Nick.

- Et dire que je pensais m'ennuyer ce soir, c'est franchement raté.

Sujet: Re: " I was in the dark, so darkness I became. "