Biographie
Je m'appelle Lucas, j'ai 29 ans et je suis avocat.
J'ai grandi sur un ranch au Texas, où j'ai appris à monter dès mon plus jeune âge. Monter des chevaux, puis le taureau de la famille. Oh, pas bien longtemps sur celui-là: le jour où il est passé à un poil de m'encorner, ma mère a mis fin au petit jeu. Je ne suis jamais remonté sur le taureau. C'était pas plus grave. Je montais les chevaux, j'accomplissais mes tâches sur le ranch et dans l'ensemble, j'étais heureux.
J'adorais le ranch. Il était pour moi une fierté, une parcelle de mon identité. Je ne me voyais cependant pas y travailler le restant de mes jours, et mes parents n'en attendaient pas autant de moi. Ils souhaitaient avant tout me voir poursuivre mes rêves et réussir ma vie. Pourtant, j'ai emporté une partie de mes racines avec moi lorsque je me suis envolé pour New-York dans le but de poursuivre des études en droit. On peut retirer le cowboy du Texas, mais on ne peut retirer le Texas du cowboy. Mon côté cowboy, à moi, il était toujours bien ancré. Un avocat du sud. Le genre de gars qu'on remarque dans les villes, parce qu'il porte son chapeau de cowboy où il le veut bien, quand il le veut bien. Le gars qui a la tête de celui-ci qui a grandi loin de la grande ville. On me remarquait aussi parce que j'avais une belle gueule, faut dire.
J'étais pas un mauvais avocat, que non. J'adorais mon métier, et j'y excellais aussi, même si tout semblait laisser croire le contraire. Il est certain qu'à me voir aller dans la vie de tous les jours, on aurait des doutes. Tout cadre professionnel semblait disparu dès que je n'étais plus au boulot, et mes ambitions se résumaient probablement à consommer (de tout; alcool, drogue, corps tout chauds féminins ou masculins, pas de discrimination) et m'amuser autant qu'il était possible.
Les choses n'avaient pas toujours été ainsi.
Je m'appelle Lucas, j'ai 29 ans, et je vais mourir.
Tout le monde meurt un jour. Dès notre naissance, nous sommes condamnés et nous en sommes conscients. La vie n'est pas éternelle, pour personne. La beauté de la chose est que nous ignorons quand et comment notre fin surviendra.
Je sais comment ma fin va survenir. Quand, la question demeure toujours. Peut-être dans deux ans, peut-être dans une semaine, peut-être demain matin. Les médecins ne savent pas non plus. Personne ne le sait. Mais le temps m'est compté.
Je sais comment je vais mourir. Les globules blancs immatures vont envahir mon sang. Immature, parce qu'ils ne servent à rien. Ils ne sont pas développés, n'ont aucune fonction précise. Ils ne font que prendre de la place. Empêcher les cellules saines de fonctionner. Une armée se crée peu à peu à l'intérieur de moi et il n'y a rien pour l'arrêter. Qui sait combien de temps ils mettront à prendre le contrôle. Mais ça va arriver, un jour. Et à ce moment-là, il ne me restera plus long à faire.
Je m'appelle Lucas, j'ai 29 ans, et je suis trop jeune pour mourir.
Mais la leucémie, elle s'en fou éperdument.
Je suis un cowboy. Je n'ai peur de rien. J'ai monté un taureau quand j'avais 15 ans. Je n'ai peur de rien.
Sauf de mourir.