On aurait pu lui demander de raconter n'importe quel mensonge, il n'aurait jamais pu. Non pas qu'il en était incapable, attention. Mais plutôt qu'il ne voulait pas faire de fausses illusions aux personnes qui l'entouraient ou leur laisser penser quoi que ce soit d'erroné sur sa propre personne.

Aussi, quand à la dernière réunion de famille, il vit Tante Fitz arriver avec son énorme tumeur sur le crâne, il la fixa intensément, les sourcils arqués, et lui envoya d'un air presque choqué :

- T'es ignoblement laide !

Et il avait ajouté, face aux yeux exorbités de son oncle :

- Enfin, non pas qu'elle ait jamais été jolie mais là c'est quand même frappant, vous trouvez pas ?

La famille entière lui avait renvoyé son regard offensé, quelques uns s'étaient échangé une mine exaspérée. Puis tout le monde avait fini par lancer un regard à Mrs Hewson, la mère de Michael. Elle avait les traits tirés, le teint blafard et les cernes aussi imposantes que celles de son fils.

C'était bien ce jour là qu'il avait compris qu'entre tout ce qu'il avait pu faire, c'était ça qui avait tout chamboulé dans sa vie. Non pas qu'il avait l'impression d'être en tort, non. Il était même persuadé d'avoir raison et de bien faire, mais que personne ne faisait d'effort autour de lui. Et il n'avait jamais voulu s'adapter à personne non plus.

Mais c'était bien à partir de ce jour là que ses parents l'avaient mis dehors. Oh, ils n'avaient jamais rien eu contre sa "maladie", comme ils l'appelaient. Ils avaient même finit par accepter le fait que "fiston, ta maladie n'en est pas vraiment une, personne ne sait ce que tu as, personne ne sait pourquoi tu ne peux pas rester trop longtemps au soleil, personne ne sait pourquoi tu peux disparaître d'un coup dans une ombre, mais on peut t'accepter comme ça aussi".

Non. C'était juste son caractère de con que jamais personne n'avait accepté, famille ou non. Ses réflexions cinglantes, ses manières de prendre les gens de haut, son humour noir et déplacé, ses attitudes provocatrices et j'm'en-foutistes.

Alors ses parents n'en pouvaient plus. Et au même titre que le peu de gens qui avaient eu assez de patience pour le supporter. Et c'était avec un air dépité qu'il était parti, faisant et ayant toujours fait plus confiance en son QI qu'en la capacité des autres à l'accepter.

C'était bien pour ça qu'il avait décidé d'aller chercher un boulot. Et bon sang ce qu'il avait l'air con avec son ombrelle, ses grosses lunettes de soleil et son chapeau alors que le soleil était masqué par les nuages. Et mine de rien, quand on a l'air con, personne n'est prêt à embaucher. Pire encore quand on exige de bosser de nuit.