Aedis se leva d'un bond. Le soleil venait à peine de se lever, et ses premiers rayons vinrent joyeusement réchauffer la vitre de la demoiselle. Les volets toujours ouverts, elle s'approcha de la fenêtre, observant New York à ses pieds. Son duplex, au sommet d'une tour d'un quartier riche de la ville, dominait les environs, et Aedis ne se privait jamais de la vue. Faisant volte-face en esquissant quelques pas de danse, elle alluma sa chaîne-hifi, et mis l'un de ses disques préférés. Commençant à chantonner, piochant une bouteille de lait dans son frigo, elle déambula dans son appartement, bouteille à la main, pour parfaire différents détails de son habitation. Elle avait changé de lieu de vie il y avait peu, ses voisins qui la connaissaient depuis une dizaine d'année commençant à trouver louche la jeune femme même pas trentenaire qui ne prenait pas une ride. Elle ne s'en plaignait pas, elle avait acheté un duplex bien plus grand et agréable à vivre.

« We say the word "tomorrow" without fear. »

Hochant la tête au rythme de la musique, elle replaça sa bouteille de lait dans le réfrigérateur, constatant avec un certain résignement qu'il était près d'être vide. Elle haussa les épaules, fit une volte-face qui pouvait presque être qualifiée de gracieuse, et entra dans sa chambre. Ouvrant la penderie, elle délaissa avec une certaine tristesse ses vêtements de toile et de tissu un peu grossier, qu'elle avait acheté pour marcher en forêt, s'entraîner et traîner chez elle. Ce genre de vêtements, c'était son époque. Elle laissa de même sa combinaison de cuir, qu'elle mettait seulement pour les missions. Attrapant un t-shirt à l'effigie d'un de ses groupes favoris, un pantalon noir avec des chaines et des pièces métalliques un peu partout, elle sourit. Éteignit la chaîne hifi, mit ses Rangers, sortit de son appartement en fermant convenablement la porte à clef.
Veste en cuir et casque de moto, elle enfourcha son appareil. Sortant du garage, elle décida qu'avant de faire un tour un supermaché, elle irait plutôt boire un coup.

« We love our life and we know we will stay. »

Garant la moto, elle entra dans le bar, commanda en saluant le barman, vieil ami de son état. C'était aussi un mutant, qui pouvait animer les objets... A ses heures perdues, il était d'ailleurs un marionnettiste impressionnant. Elle aimait bien son bar, il était petit, calme, et les trois quarts des habitués, même en sachant qui elle était, ne rêvaient pas de l'ouvrir et de la décortiquer. Et pour cause, c'était eux aussi des mutants. Elle ne savait pas par quel miracle le barmen faisait ça, mais c'était l'équivalent mutant des bars gays : les gens normaux passaient sans le voir, et les principaux concernés connaissaient bien. Alors, quoi de mieux pour se redonner la pêche ?

« Our future live will be glorious. »

Elle salua tout le petit monde, ressortit. Puis, se rendit au magasin en quelques minutes. Ceux qui se trouvaient près de son nouvel appartement la rendaient mal à l'aise. Trop de riches qui font des chichis, de "bio" et de machins qui ne lui convenaient pas. Pourtant, Dieu seul savait qu'elle avait fait partie durant des siècles d'une élite de la société. Guerrier respecté, puis femme de noble... Elle avait décidé de se faire plus petite il y avait peu. Les caméras et les photos étaient beaucoup trop gênantes. Elle soupira.
Le court voyage se passa sans heurt. Elle arriva, déposa son engin sur un côté du parking, entra dans la grande surface.

« Life can be for living. »

Elle commença à mettre quelques trucs dans son panier, en calculant l'espace de sa moto. Elle s'était déjà retrouvée avec trop de choses pour tout faire rentrer, c'était gênant. Tout à coup, elle se retourna, fit volte-face. Il était tôt, il n'y avait que peu de personnes dans le magasin. Et là, cette demoiselle... Ouvrant des yeux ronds, ébahis, Aedis fit quelques pas. Son instinct lui dictait d'aller lui parler, Elle ne pouvait tout de même pas aller lui dire de face qu'elle était... Parfaite. Non, c'était classique, et tellement évident que tous devaient lui dire. Elle décida d'innover.

« You'll say you love your life and you'll know why. »

Aedis vit ce qu'elle tenait en main. Yurk. Un truc vieux, toujours aussi dégueulasse... Et à se demander comment ce truc survivait encore.

- Bonjour mademoiselle... Si j'étais vous, je n'achèterais pas cela... Il y a cinquante ans déjà, c'était immangeable...

Aedis faillit faire demi-tour et partir en courant. Cinquante ans déjà ? Mais elle ne faisait pas physiquement trente ans, c'était un coup à se griller ! Raah, qu'elle était stupide.
Mais de toute façon, une fille aussi parfaite ne pouvait pas lui faire de mal.