Erik n’avait jamais eu peur de la solitude. Elle était sa plus fidèle compagne. Elle était partie, quelques fois, mais au final, elle revenait toujours. Il lui semblait parfois qu’il l’avait toujours connue, qu’elle était présente depuis sa naissance. Pourtant, parfois, des souvenirs lui revenaient, des souvenirs de chaleur, de bonheur. D’amour. Des souvenirs douloureux. Car ils étaient irrémédiablement suivis de ce coup de feu, ce coup de feu qui résonnait encore dans ses oreilles après toutes ses années, ce coup de feu qui le réveillait la nuit encore aujourd’hui. Il n’a jamais été aussi seul que dans ces camps, anonyme au milieu de la foule, avec juste six chiffres sur son bras pour le différencier des autres. Mais la solitude ne l’avait pas effrayé alors. Car elle était accompagnée de la colère, de la vengeance. Venger sa mère, tuer Shaw, le faire souffrir comme il l’avait fait souffrir. La solitude l’avait tenu contre elle durant toutes ces années où Erik s’était entraîné, avait appris à maîtriser ses pouvoirs, avait parcouru le monde pour retrouver Shaw, son « créateur ». Puis elle était partie.
C’était de nouveaux bras qui l’avaient étreint cette nuit-là, des bras réels.

Erik serra les dents, ferma un instant les yeux. Sans le toucher il tira le coffre de dessous son lit, l’attirant à lui par ses poignées de métal. Il ne rouvrit les yeux que lorsque il fut ouvert. Il poussa un soupir en effleurant l’uniforme. Le jaune paraissait aussi éclatant qu’au premier jour. Il glissa ses doigts entre les plis, sortit le vêtement du coffre, le serra comme si cela pouvait lui permettre de remonter dans le temps.

Lorsqu’il avait rencontré Charles, la solitude l’avait quitté.
Erik avait enfin trouvé d’autres mutants, d’autres gens comme lui. Charles lui avait offert son amitié, et pour la première fois Erik avait accepté l’aide de quelqu’un d’autre. Pour la première fois, Erik s’était senti apprécié.

Erik ne remarqua pas la larme qui s’écrasa sur une des manches, il n’essuya pas sa joue.

Combien de fois avait-il voulu revenir sur cette plage, détourner la trajectoire de cette balle ? Oh, pour rien au monde il n’aurait changé quoi que ce soit à ce qu’il avait fait. Il aurait tué Shaw encore et encore, et il aurait retourné ces missiles contre les bateaux encore et encore. Mais il aurait tant donné pour ne pas voir Charles dans ce fauteuil. A cause de lui.

Erik reposa l’uniforme dans le coffre et repoussa celui-ci sous le lit.

Erik avait trouvé de nouveaux compagnons après cela, mais ce n’était plus la même chose. Comme une maîtresse dont on a honte, la solitude s’était glissée la nuit dans son lit froid.
Il avait fallu du temps et beaucoup d’aide de la part de Raven pour que Erik accepte de ce qu’il s’était passé sur la plage, et surtout qu’il puisse revoir Charles, affronter son regard.

Erik se leva et avança jusqu’à la fenêtre. Il pouvait voir la ville s’étaler sous ses yeux. Il entendait même comme un murmure les voix des passants dans la rue. Il poussa un profond soupir et passa une main lasse dans ses cheveux, les décoiffant légèrement. Il devrait songer à trouver un autre endroit, plus éloigné de la ville.

Il n’était pas resté longtemps avec le Club des damnés. Plusieurs mois, quelques années. Ça lui paraissait si loin ! Il avait aimé être avec eux, mais il avait besoin de plus. Ça avait été naturellement que Erik était parti, se réfugiant presque dans l’éteinte de sa solitude.
Il lui avait fallu quelques temps pour que le projet germe dans son esprit. Regrouper ses propres mutants autour de lui, les préparer pour la bataille lorsque les humains se retourneront contre eux. Il y avait eu des doutes. Mais aujourd’hui, il était certain d’avoir pris la bonne décision.

Erik n’entendit pas la porte s’ouvrir, et il eut un léger mouvement de sursaut lorsqu’une voix claire l’appela.
« Magneto ? »
Un sourire éclaira un instant ses lèvres tandis qu’il se retournait. Erienne avait encore la main sur la poignée, l’air inquiet.
« Benedict est encore parti sans prévenir. »
Il fronça légèrement des sourcils et traversa la pièce. Il baissa les yeux vers la jeune femme et posa une main sur son épaule.
« Prends ton manteau. »

Erik n’a jamais eu peur de la solitude. Elle est sa plus fidèle compagne. Elle est partie, quelques fois, mais au final, elle revient toujours. Mais aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, il espère qu’elle mettra du temps avant de revenir vers lui. Beaucoup de temps.