- Alors comme ça, tu n'as pas de famille, hein ?

La main du garçon s'approcha d'elle, et ses doigts se glissèrent dans les siens. Il souleva sa main et lui donna un petit baiser. Elle frémis à ce contact, qui était leur premier rapprochement depuis leur première rencontre. Elle baissa la tête et sourit. Il savait depuis le début qu'elle avait beaucoup voyagé, était allée de l'orphelinat aux famille d’accueil qui ne cessaient de la renvoyer de chez eux. Elle préférait ne pas en parler. En réalité, elle savait, comme un instinct, qu'il ne fallait surtout pas en parler. Il ramenait sans cesse cette même discussion, et elle répondait par un « Non ». Ça allait certainement finir par le frustrer, mais elle était prête à prendre le risque. Comment avouer que personne ne voulait d'elle ? Qu'elle faisait peur aux autres enfants, et que les adultes la détestaient pour cela ?

Il la pris sous le menton et releva sa tête. Elle croisa son regard un instant et détourna les yeux vers autre chose. Parfois c'était un passant, parfois un chat, parfois les nuages, il y avait toujours quelque chose d'intéressant à regarder. En tout cas, c'est ce qu'elle voulait lui faire croire. Elle lui faisait croire que c'était de la curiosité, et il la crut. Tout le monde l'avait crut. Elle s'était presque convaincue elle-même et avec le temps, avait découvert que parfois c'était bien de s'intéresser aux choses simples. Il n'y a rien de plus relaxant que d'observer un flocon tomber du ciel ou les nuages se déplacer au gré du vent.

À cette réaction, le garçon soupira et se détacha d'elle. Confuse, elle se renfrogna et l'observa dans le silence le plus total et le plus lourd. Il tourna la tête vers elle un instant, cherchant son regard, mais encore une fois, elle le fuit. Il plaqua ses mains sur ses cuisses et se leva d'un bond, avança de quelques pas et se retourna à nouveau vers elle, le visage crispé par la frustration.

- Pourquoi tu fais ça ? Tu ne me regarde jamais ! Je ne suis pas assez bien pour toi, c'est ça ? Tu ne t'intéresse pas à moi ?

- Non c'est faux...

Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais rien ne sortit. Le jeune homme s'approcha de Hope à grands pas, se pencha vers elle pour être à sa hauteur et lui prit le visage d'une main.

- Regarde-moi

Prise d'une soudaine panique, elle tourna les yeux de gauche à droite, puis leva les yeux aux ciel, mais elle pouvait sentir la colère de son compagnon. Il la secoua un peu et dit d'un ton plus fort, plus rude :

- Regarde-moi !

Elle ferma les yeux très fort. Même en ne le voyant pas, elle savait que son impatience augmentait et devenait de la rage. Elle commença par avoir peur, et pensa aux répercussions si elle ouvrait les yeux. Saurait-il comprendre ? Après tout, l'effet n'est que temporaire... Mais personne ne comprenait jamais, c'est pour ça qu'on se débarrassait d'elle chaque fois. Elle sentit la pression se relâcher sur son visage, mais il la repoussa avec une certaine violence. La jeune fille ouvrit les yeux et le vit s'en aller sans dire un mot. C'est alors que la rage s'empara d'elle, elle avait trop souvent été rejetée, souvent par la peur, mais cette fois c'était différend. Il ne pouvait pas comprendre, mais c'était surtout son manque de compréhension qui la frustra davantage. Elle sentit la chaleur s'emparer d'elle, elle se leva pour le rattraper. Rendue derrière lui, elle lui agrippa l'épaule pour le tourner face à elle, puis son regard se plongea dans le sien. Il parut content et soulagé sur le moment, mais il lu la rage dans ses yeux, avant de ne plus rien y voir. Lorsqu'il comprit ce qui lui arrivait, il se frotta les yeux, les ouvrit tout grand et se mit à paniquer. Alors qu'elle rebroussait chemin, Hope entendit le garçon hurler par la panique, mais elle ne dit mot. C'est à ce moment qu'elle décida de prendre sa vie en main, et elle ne remettrait plus jamais les pieds dans cette ville.