La plupart du temps, Nikolaï ne se sentait à l’aise que chez lui, entouré de ses animaux de compagnie. Parfois, cependant, il lui arrivait aussi de se sentir à l’aise ailleurs, et, bien souvent, cette quiétude ne l’envahissait que lorsqu’il se retrouvait dans une librairie. Au milieu de livres, il se sentait à sa place, entouré d’œuvres qu’il découvrait avec une joie enfantine. Le russe avait essayé diverses libraires à New York avant d’en trouver une qui lui convienne vraiment. Et la librairie choisit par le mutant était une librairie qui, d’extérieur, ne payait pas de mine, mais qui, à l’intérieur, recelait de trésors de littérature, mais aussi et surtout, chose qui était le plus importante pour Nikolaï, cette librairie était peu fréquentée. En effet, la plupart des gens la fuyait, à cause de sa devanture peu engageante. Dès lors, il est plus aisé de comprendre pourquoi il tenait tant à cet endroit, qui était devenu pour lui une sorte de cocon. Je dis bien une sorte, car il y avait toujours un problème, et pas des moindres : la libraire. Une brune d’une quarantaine d’années, à l’allure sévère, qui, comme la plupart des autres personnes, était sous l’influence du pouvoir du mutant, et, de ce fait, le méprisait... Fort heureusement pour lui, le propriétaire, qui était également le père de la libraire, appréciait vraiment Nikolaï. En effet, il avait plus de 75 ans, et, de ce fait, entrait dans la catégorie de personne qui adorait le mutant. Cela, bien entendu, créait des conflits entre le père et la fille lorsqu’il était tous deux en sa présence, mais la libraire tolérait avec difficulté la présence du russe, car celui-ci était un très bon client (qu’elle aurait volontiers étripé, mais l’argent ne se refuse pas facilement quand on tient une librairie qui n’attire que peu de monde...) De plus, Nikolaï s’arrangeait toujours pour ne venir que lorsque le père était aussi présent, car celui-ci était du genre à vouloir vérifier régulièrement le travail de sa fille...

Aujourd’hui, Nikolaï s’était donc rendu dans cette librairie, car il avait dévoré tous les livres qu’il s’était acheté le mois dernier. Certes, il aurait pu attendre encore un peu, et s’occuper en prenant des photos, ou continuer à s’essayer à la peinture, mais cela ne lui disait vraiment rien. De plus, un livre qu’il attendait avec impatience était sensé être sortit depuis deux jours maintenant, alors, il n’avait plus eu d’excuses pour repousser une sortie en ville. Comme à son accoutumée, il avait prit soin de passer par des rues et ruelles peu empruntées, quitte même à faire des détours. C’était le prix à payer, lorsqu’on voulait éviter de croiser du monde et lire dans leur regard que, décidément, le monde se porterait bien mieux sans vous...

Pour le moment, la librairie était vide de tout autre client, ce qui arrangeait Nikolaï, qui s’était mit à l’opposé de la libraire, afin qu’elle ne soit pas sous l’influence de son pouvoir, mais également à distance du père ce celle-ci, ne voulant nullement qu’il vienne l’importuner en lui disant qu’il était « admirable d’aimer autant la littérature », et autre compliment du même genre. Etrangement, Nikolaï, bien qu’habitué à entendre des insultes à son égard, n’aimait pas pour autant les compliments... C’était un peu comme si une partie de lui s’était habitué à être rejeter, et ne pouvait donc croire qu’il pouvait, comme tout le monde, mériter des compliments.

Il tenait dans ses mains le livre dont il avait tant attendu la sortie, et farfouillait dans les rayons, sans but précis, juste afin de trouver d’autres livres qui lui donnerait envie de se plonger à l’intérieur. Il est sans nul doute étrange de voir à quel point le mutant adore lire, alors qu’il déteste les humains, et la plupart des choses qu’ils font. Cependant, lire était pour lui le seul moyen d’échapper à la prison qui était sa vie, à cause de son pouvoir, mais aussi et surtout, à la folie qui le guettait, suite à son isolement forcé. Oui, vous avez bien lu, parfois, il avait l’impression de devenir fou, à ne pouvoir parler à personne, à devoir se méfier de tout le monde, et à subir la haine constante sans personne pour le soutenir. Alors, la force de continuer, il la puisait en divers endroits : dans le souvenir de sa sœur Anastasia, dans le désir de venger la mort de celle-ci, dans son souhait de prouver aux humains qu’ils ne faisaient pas le poids face aux mutants (même s’il n’avait, pour l’instant, guère plus d’estime pour les mutants, car ils étaient également victimes de son pouvoir), dans la présence de ses animaux de compagnie, et dans l’art sous toutes ses formes.

Le russe avait trouvé plusieurs livres qui semblaient intéressants. Comme à son habitude, il était bien partit pour acheter une douzaine de livres, faisant son stock pour quelques semaines. Ses goûts étaient plutôt hétéroclites, allant du roman, au fantastique, en passant par le théâtre et en s’arrêtant parfois à la poésie. Et les livres qu’il avait choisit le montrait une fois de plus. Ainsi, au moins, il aurait le choix ! Il était en train de lire avec attention le résumé d’un livre lorsqu’une voiture klaxonna avec furie, au feu situé devant la librairie. Agacé, Nikolaï leva le nez du livre, pour voir que la voiture tentait d’attirer l’attention d’une jeune blonde qui était vraisemblablement connu du conducteur. Lorsque la blonde réalisa qu’elle était « visée », un sourire se dessina sur ses lèvres en reconnaissant le chauffeur. Une conversation s’engagea alors entre eux, sous le regard morne du mutant, qui se replongea alors dans sa lecture, les sourcils froncés par l’agacement d’avoir été ainsi dérangé.

Le livre n’attira pas assez l’attention de Nikolaï pour rejoindre la pile de ses futurs achats. Il continua donc sa quête, et attrapa un nouveau roman, alors que la cloche de la porte d’entrée de la boutique sonna, annonçant ainsi l’arrivée d’un nouveau client. Cette fois, le russe ne daigna pas arrêter sa lecture, et ne vit donc pas qu’il connaissait le client en question... Il ne le réalisa que lorsque celui-ci s’approcha du mutant. Nikolaï reconnu alors un adolescent, qui était vraisemblablement ami avec l’un de ses voisins, car il l’avait déjà croisé à plusieurs reprises, se rendre chez celui-ci, ou sortir de l’appartement. Et, bien entendu, à chaque fois, l’adolescent, sous l’influence du pouvoir de Nikolaï, l’avait ouvertement méprisé...

*Le morveux, ici, génial, il manquait plus que ça*, songea avec dépit Nikolaï à propos du jeune, qu’il s’amusait à désigner (pour lui-même seulement), de morveux, ou de gamin. Bien décidé toutefois à ne pas le laisser gâcher son moment de détente, Nikolaï se replongea dans sa recherche, espérant, inutilement, il le savait, que le gamin, dont il ignorait l’identité, ne l’avait pas remarqué. Bien entendu, ça, c’était sans compter sur les phéromones de répulsion, qui avaient bien envie de bosser aujourd’hui, car, après tout, la plupart du temps, le mutant était isolé de tous... Et, manque de chance pour Nikolaï, le jeune vint dans le même rayon que lui, à proximité de Nikolaï, et, de ce fait, se trouva sous l’influence du pouvoir du russe... Afin d’être sûr que Nikolaï ne soit pas passé inaperçu, la malchance du russe voulut que la pile de futurs achats de celui-ci s’écroule soudainement, tombant, bien évidement, sur les pieds du nouvel arrivant... *Génial, Nikolaï, génial, vraiment*, s’incendia mentalement le mutant en se baissant pour rassembler les livres, tout en lançant un vague « Désolé » à Lawrence, sachant bien que cela était inutile...

Soyons honnête : au fond de lui, Nikolaï était plutôt content que Lawrence se soit prit ses livres sur le pied, car, sans mauvais jeu de mots, lors de leur 1ère rencontre, le jeune homme lui avait cassé les pieds... Certes, l’animosité de l’adolescent à l’égard du russe provenait du pouvoir de Nikolaï, toutefois, le mutant avait beaucoup de difficulté avec lui, pour la simple et bonne raison que celui-ci avait trouvé le moyen de venir l’embêter (involontairement, certes), chez lui, là où il était, théoriquement, à l’abri de tous gêneurs ! Cela peut paraître, sans conteste, puéril, mais Nikolaï devait déjà supporter la haine des personnes qu’il croisait lorsqu’il sortait, alors il ne voulait pas qu’il en soit de même jusqu’à chez lui... Son appartement était donc en quelque sorte son refuge, le seul endroit au monde où il était en sécurité. De plus, Nikolaï étant du genre rancunier, il y avait fort à parier qu’il aurait du mal à changer d’opinions sur Lawrence...
 
Bien évidement, le cri de douleur poussé par Lawrence attira les regards sur les deux mutants, mais Nikolaï n’en avait cure, bien trop pressé de rassembler ses livres reprendre ses recherches. Certes, l’arrivée de Lawrence lui avait ôté toute envie de traîner plus que de raison dans les parages, mais il ne voulait nullement que celui-ci lui pourrisse encore plus sa journée... Il ne leva d’ailleurs la tête de la pile de livres qu’il était en train de récupérer qu’à la remarque, désagréable, bien entendu, lancé par Lawrence. Un sourire mauvais se dessina sur le visage de Nikolaï, qui n’appréciait pas réellement que son intelligence soit remise en question, et encore moins par un gamin...
 
« Venant de quelqu’un qui se trompe de numéro d’appartement, c’est plutôt ironique, ne trouves-tu pas ? D’ailleurs, que fais-tu ici ? Si tu as des difficultés à décrypter les chiffres, je n’ose imaginer ce qu’il en est des lettres !»
 
Sur ce, il retourna à sa tâche, ce qui était assez long, car les livres s’étaient éparpillés partout. L’un d’entre avait eu même eu la bonne idée de se glisser, sous le léger interstice se trouvant entre une étagère, et le sol... Fort heureusement, il n’eut aucun mal à le récupérer, et fut soulager de voir que les autres n’avaient pas eu l’idée de se cacher comme lui...
 
Nikolaï en avait rassemblé une grosse partie lorsque la librairie se fit entendre. Le seul son de sa voix fit lever les yeux de Nikolaï au ciel, comme s’il était en train de prier pour que quelqu’un la fasse enfin taire. C’est alors qu’il se dit qu’il devrait vraiment monter une arnaque quelconque contre elle, et sans nul doute contre Lawrence. Après tout, le mutant se vengeait comme il pouvait envers ceux qui lui pourrissaient la vie  alors qu’il n’avait rien demander. Bien entendu, son choix de victimes étaient aléatoires, car beaucoup de personnes l’avaient rejeté, toutefois, Nikolaï avait ses têtes, comme tout le monde... Et celles de la libraire et de Lawrence, en cet instant précis, l’agaçaient grandement... Il était en train de réfléchir à quel plan monter, et par qui commencer, lorsque Lawrence donna un coup de pied dans l’un des livres qui était encore au sol.
 
*Bon, je crois que j’ai trouvé par qui je commencerai...*
 
Néanmoins, Nikolaï continuait à afficher un visage indifférent, tout en rassemblant les derniers livres encore éparpillés au sol. Une fois chose faite, il se redressa, bien décidé à faire comme si de rien n’était. En plusieurs fois, car il y avait vraiment beaucoup de livre, il posa sa pile sur les romans contenu dans un bac, qu’il avait déjà fouillé, pour reprendre sa recherche plus aisément. Soyons réaliste, des tonnes de répliques à lancer à l’encontre de Lawrence lui brûlaient les lèvres, toutefois, il se maîtrisa, espérant qu’ainsi, le jeune homme partirait. Toutefois, ce que Nikolaï ignorait, ce qu’il jouait réellement de malchance aujourd’hui, car le livre que le jeune homme cherchait se trouvait dans les livres que Nikolaï avait caché sous sa propre pile d’achats...

Lawrence, lors de son arrivée dans la librairie, fut plus que surpris de voir cet homme, qu'il avait déjà croisé quelques jours plus tôt. Il ne cherchait pas particulièrement à l'éviter, étant donné qu'il l'avait déjà quasiment oublié, mais, si on lui avait laissé le choix, il aurait préféré rester tranquillement dans sa chambre à l'institut. Comme si le destin s'acharnait sur eux, ils avaient du se rendre dans le même rayon, de la même librairie de tout New York.
Les livres de l'un étaient tombés sur les pieds de l'autre, ce qui avait eu pour effet d'agrandir la haine qu'ils se portaient l'un pour l'autre. Alors que Lawrence piquait une colère, comme à son habitude lorsqu'il rencontrait des gens qu'il n'aimait pas, Nikolaï lui envoya une insulte à la figure. Une insulte qui avait la particularité d'être tout à fait vrai ; Lawrence détestait lire.
Nikolaï commença à ramasser les livres qui s'étaient écrasés par terre, et la bibliothécaire arriva. Elle les réprimanda un peu, ne faisant que son travail de libraire dans sa librairie, et repartit. Lawrence détestait plus que tout qu'on lui fasse des reproches. Après tout, ce n'était pas de sa faute, Nikolaï n'avait qu'à se trouver dans un autre rayon, et rien de toute cette histoire ne serait arrivé ! Pour se changer les idées (et surtout pour se défouler un peu), il envoya un grand coup de pied dans l'un des livres de Nikolaï, qui alla se cacher sous une étagère.
A présent, il allait essayer de ne plus le regarder, et de l'ignorer, afin que d'autres évènements comme la venue de la libraire ne se reproduisent. Il avait déjà pris la honte une premier fois, la prendre une deuxième serait faire preuve d'idiotie !

Il se tourna alors vers le rayon, sans jeter un seul regard vers Nikolaï. Il devait faire comme si de rien était, même si c'était beaucoup plus difficile qu'il n'y paraissait. Il aurait eu envie de l’insulter, ou de lui demander (plus ou moins poliment) de s'en aller, mais il réussit à se contenir. Cependant, un autre problème survint, comme un cheveu sur la soupe. Le grand livre de l'histoire américaine restait introuvable. Il était pourtant au bon rayon - Lawrence avait vérifié trois fois - mais, pour la première fois, cette librairie semblait ne pas avoir ce que recherchait Lawrence.
Il n'avait pas du tout envie de parler à la vendeuse, qui avait osé hausser le ton sur lui, et en public, ni de se retourner vers Nikolaï

-Punaise ! Échappa-t-il.

Personne ne l'avait entendu, si ce n'est peut être l'Autre (il avait décidé de ne même plus penser à Lui, pour ne pas risquer de se retourner, et de repartir en dispute).
Lawrence re-vérifia si le livre qu'il cherchait ne se trouvait pas parmi les autres, mais il ne trouva pas. Cherchant rapidement quoi faire, Lawrence arriva à la conclusion qu'il devait parti, le plus discrètement possible, et revenir quand l'affaire se serait tassée.
Il fit quelques pas en direction de la sortie, en espérant que personne ne le remarquerait.

Mais c'était sans conter sur Nikolaï.
L'histoire ne faisait que commencer...

Le russe ne prêtait plus aucune attention à Lawrence, préférant continuer sa quête de livres. Comme à son accoutumée, il allait repartir avec des livres plein les bras, les dévorer, et même en relire certains. Par la suite, il en revendrait une partie, n’ayant nullement envie de conserver les livres qui n’avaient que guère attiré son attention. Il continua sa quête quelques secondes, mais décida de s’arrêter lorsqu’il constata qu’il avait farfouillé partout. Il s’arrangea pour faire tenir tous ses livres sur ses bras, pour aller en caisse afin de les payer. Fort heureusement, il n’en avait pas prit trois tonnes, de ce fait, la pile ne lui obstruait aucunement sa vision. Chose qui mérite d’être noté, car, avec sa chance légendaire, il aurait eu du mal à avancer, et il y a de grandes chances pour qu’il ait ainsi bousculé involontairement Lawrence, qui se dirigeait vers la sortie, faisant ainsi tomber bon nombre de ses livres sur lui... (Certes, ça aurait été marrant, mais sérieusement, Nikolaï n’avait pas vraiment l’attention d’entendre à nouveau Lawrence pousser des cris de douleur ni même se plaindre de lui, et encore moins le voir s’en prendre à nouveau à l’un de ses livres...) Et, pour le moment, le russe n’avait pas encore vu que son ennemi (et oui, toutes les personnes qu’il n’appréciait pas, il les considérait comme des ennemis), prenait la poudre d’escampette.

Le jeune russe avançait avec prudence, regardant bien devant lui afin de ne pas trébucher, ne faisant, de ce fait, pas attention à ce qui se trouvait autour de lui. Ses livres étaient déjà tombés une fois, il n’avait pas vraiment envie qu’il tombe à nouveau ! Cependant, l’attention du russe fut détournée de son avancée attentive par les pleurs d’un bébé. L’une des clientes se trouvant ici était en effet venue avec son nourrisson, et celui-ci semblait apprécier les livres autant que Lawrence... Le russe cessa de regarder devant lui que quelques courtes secondes afin de poser son regard sur la mère qui avait visiblement bien des difficultés à calmer son enfant. Il reprit ensuite sa concentration, et son chemin, ce qui lui permit de remarquer que l’adolescent prenait le chemin de la sortie. Le russe, arrivé au même niveau que Lawrence, lui lança un regard haineux, avant qu’un fin sourire ne vienne étirer ses lèvres. Il savait que ce qu’il s’apprêtait à faire était stupide, puéril, inconsidéré..., cependant, c’était plus fort que lui. Il en avait marre qu’on le déteste sans raison, marre de s’en prendre plein la tête juste à cause de son pouvoir, marre que la plupart de l’humanité essaie de le blesser sans arrêt, mais surtout, marre de devoir supporter tout ça sans jamais rien dire pour ne pas envenimer les choses. Aujourd’hui, sa logique et sa prudence avaient visiblement décidé d’aller se balader au loin, ayant sans doute eu besoin d’air depuis que son petit moment de tranquillité dans cette libraire qu’il affectionnait tant avait été détruit par ce « crétin de gamin. »... C’est la raison pour laquelle il lâcha une petite pique à Lawrence, toujours à son niveau :

« Dis-moi, tu viens de comprendre que tu t’étais trompé, et que la boutique de jeux, c’est pas celle-là, ou qu’il n’y a pas assez de BD pour toi ici ? A moins que t’aies décidé d’emmerder ton monde en polluant l’air des grands... »

Puis il continua sa route. Non par lâcheté, loin de là, mais il n’avait aucune attention d’écouter ce que Lawrence avait bien à lui dire, car Nikolaï n’attachait aucune importance à ce qu’il pensait ou vivait...
Fort heureusement, le russe n’eut pas à subir la voix qu’il jugeait nasillarde de Lawrence, car, alors que Nikolaï reprenait sa route, juste à la fin de sa réplique, une vieille dame arriva vers Lawrence :

« Excusez-moi, jeune homme, pourriez-vous attraper pour moi ce livre, s’il-vous-plaît ? » demanda-t-elle à Lawrence en lui donnant le titre du livre qu’elle désirait et qui se trouvait sur l’étagère à côté de lui, et, bien entendu, tout en haut... « Il est beaucoup trop haut pour moi ! A se demander à quoi pensent les commerçants ! Ils imaginent sans doute que tous leurs clients sont des géants... »

Nikolaï arriva vers la caisse, tout en entendant la vieille femme déblatérer encore un petit moment à propos de la négligence des commerçants pour les gens qui n’avaient pas « la taille d’un basketteur » (comme elle le disait), et encore pour « les personnes âgées qui se voûtent avec l’âge » (toujours selon ses propos.) Ce petit discours amusa Nikolaï qui, alors que la libraire le foudroyait du regard, visiblement peu contente d’être obligé de s’occuper de lui, gardait une oreille concentrée sur le duo comique Lawrence/La personne âgée.

La libraire, à contrecœur, commença à se charger d’encaisser la pile de livres, sous le regard blasé du russe, qui avait hâte de rentrer enfin chez lui. Il aimait prendre l’air, mais ça lui devenait de plus en plus pesant de sortir, et d’affronter le regard haineux des autres. Cependant, il prenait sur lui, car il savait que rester trop longtemps enfermé chez lui avait la sale manie de le rendre un peu dingue... Du coin de l’œil, il se distrayait donc en regardant Lawrence interagir avec la petite vieille.

Alors qu'il se dirigeait d'un pas décidé vers la sortie, Lawrence se demandait à quoi aurait ressemblé son périple dans la librairie s'il n'avait pas rencontré Nikolaï. Il aurait sans doute trouvé son livre, payé, en faisant un petit sourire à la libraire, et serait repartit, comme il serait venu. Temps total que cela aurait prit : cinq minutes. Mais le destin, qui semblait prendre un malin plaisir à torturer les honnêtes gens comme Lawrence, avait eut des projets tout à fait différents pour le jeune mutant. Cela faisait une dizaine de minutes qu'il se trouvait dans la boutique, et quasiment autant de temps qu'il devait supporter la présence de Nikolaï. Pour lui, qui avait une patiente aussi grande que son gout pour la lecture, rester plus longtemps aurait été un véritable supplice. Il avait donc décidé de partir, et, peut être, de ne plus jamais revenir. Il se retourna une dernière fois, lorsque Nikolaï lui lança une remarque plus que déplacée. Lawrence en vint même à se demander qui était le plus puéril des deux.
Voulant passer pour quelqu'un de très intelligent et de supérieur ( ce qui n'était pas vraiment le cas ), le jeune homme décida de l'ignorer. Il ne voulait pas rallonger le temps qu'il passait ici plus que nécessaire.
Il allait partir.

Mais c'était sans compter sur le destin, être cruel et manipulateur, qui avait décidé de lui envoyer une missionnaire, dans l'unique but de le torturer. Ce "missionnaire" prenait la forme d'une petite vieille rabougrie, qui venait aussi acheter des livres (en même temps, que faire d'autre dans une librairie ?). Elle tira sur la manche de Lawrence, pour l'interpeller, en lui demandant de lui attraper un livre qui se trouvait tout en haut d'une étagère.
Lawrence n'avait pas envie, mais alors pas du tout de s’exécuter. Il voulait simplement partir, et retourner à l'institut. La petite vieille continuait toujours de parler, râlant après les gérants, qui plaçait les livres trop haut, sans tenir compte des petites personnes, mais Lawrence ne l'écoutait pas. Il était même très loin de ce qu'elle racontait. Il ne regardait qu'une seule chose : Nikolaï, qui, un petit sourire sur les lèvres, semblait tout à fait apprécier la mésaventure soudaine de Lawrence. En levant les yeux au ciel, il finit finalement par dire :

-Vous savez quoi ? Vous n'avez qu'à demander à l'autre grand dadais, juste là ! Il adore les livres, il se fera une joie de vous conseiller, allez lui parler, il ne mord pas !

Et il ajouta pour lui même :

-Il est juste un peu idiot, c'est tout !

Cette fois, tout le monde autours de lui, et même la libraire, s'étaient retourné. Mais Lawrence s'en fichait éperdument ; il était déjà partit.

Et il ne reviendrait plus.

Spoiler:

Nikolaï était bien loin de s’attendre au tour que lui avait joué Lawrence. Quel sale gosse, tout de même, de refuser d’aider ses aînés. Et de lui refourguer la petite vieille à lui... Le russe foudroya le jeune du regard lorsqu’il précisa que Nikolaï était idiot. Un léger sourire apparût sur ses lèvres, sourire qui ressemblait plus à un rictus d’agacement, mais qui en fait montrait qu’il était tout de même amusé du culot dont Lawrence faisait preuve. Au moins, il ne manquait pas d’imagination pour pourrir la vie des autres, et ça, c’était pas le cas de tout le monde. Rien que pour ça, Nikolaï le respectait. Enfin, un tout petit peu, faut pas abuser quand même, au fond, il le déteste vraiment, ce sale rejeton... Le russe continua à foudroyer Lawrence du regard tandis qu’il quitta la librairie, et que la petite vieille s’approchait de lui, d’un pas lent.

La vieille dame gentille, mais un peu collante, se transforma en véritable harpie lorsqu’elle entra dans la zone d’influence du pouvoir du russe. En effet, il s’avère qu’elle n’avait pas encore l’âge pour se trouver dans la phase : « J’adore ce type ! » Elle en oublia même qu’elle était venu demander de l’aide, pour se mettre à taper, avec son sac à main, tout en l’insultant de tous les noms. Cela fit sourire la libraire, qui semblait heureuse que quelqu’un frappe enfin ce mec qui l’exaspérait au plus haut point. Nikolaï, quant à lui, restait imperturbable, finit toutefois par attraper le sac de la vieille harpie, pour qu’elle arrête de le frapper, parce que, bien qu’âgée, elle faisait mal, et son sac semblait contenir toute sa maison... Voyant qu’elle était privée de son sac, elle essaya de le récupérer, tout en tapant du poing sur le torse du russe... C’est alors que le père de la libraire arriva, et s’interposa entre la vieille et le russe. La situation était en train de dégénérer entre les deux personnes âgées lorsque Nikolaï put enfin payer, et partir. Il laissa le sac de la petite vieille sur le comptoir, et s’en alla sans dire un mot, n’ayant guère ‘attention qu’elle le suive. Lorsque le bruit de la porte attira l’attention sur lui, la petite vieille se tourna, et hurla : « Au voleur ! », car elle n’avait pas vu qu’il avait laissé son sac... Ce fût le vieux libraire qui lui montra : « Votre sac est là, vieille bourrique ! »

Lorsque Nikolaï eut enfin quitté la boutique, les deux personnes âgées se regardèrent, étonnés de s’en ainsi chamailler. Honteux, ils s’excusèrent, le vieux libraire ordonna même à sa fille, en guise de bonne foi, qu’elle aide la cliente à récupérer le livre qu’elle voulait avant tant d’ardeur. Nikolaï prit la route de chez lui, se jurant de faire payer ce moment de grand n’importe quoi à Lawrence, si leurs routes venaient à se recroiser un jour...

FIN DU RP !

Spoiler: