La nuit était tombée sur New-York depuis maintenant plusieurs heures lorsque Jules décida de sortir enfin de chez elle, regardant l’heure la jeune femme sût qu’elle serait en retard, tant pis de toute façon elle les plumerait comme d’habitude. Non pas qu’elle avait besoin d’argent, les comptes en banques de sa famille étaient suffisamment remplis, mais le plaisir de savoir bluffer était la motivation majeure de Jules lorsqu’elle jouait. Marchant dans les rues de New-York, la jeune femme savait parfaitement que cette ville n’était pas sûre, cependant depuis qu’elle savait un minimum contrôler ses pouvoirs, Jules avait développé une assurance qui était presque provocante, désormais la jeune femme frêle pouvait se défendre et oui cela changeait la vie. Bon bien entendu, avant elle ne se laissait pas faire sauf que désormais elle n’avait pas que sa langue agile qui pouvait blesser, ou du moins qui pouvait la protéger.

Enfin, normalement elle ne devrait pas se comporter de la sorte. Jurer ? Hors de question ! Chercher le conflit ? Jamais ! Insulter quelqu’un ? Et puis quoi encore ? Oui, normalement Jules devrait être cette petite aristo’ coincée que l’on attendait d’elle, cette gamine qui du haut de ses vingt-trois ans devait bien sagement écouter papa/maman sans discuter, blah blah blah. C’était bien beau ces foutaises qui avaient peut-être marché avec les deux premiers, mais comme quoi l’exception confirme la règle, Jules préférait crever que de rentrer dans les rangs. Même au pensionnat elle s’était faite remarqué et si Jules avait réussi à terminer ses années, c’était tout simplement parce qu’elle maniait aussi bien le langage qu’un champion d’escrime prenait soin de sa lame. On lui prédisait un excellent avenir à la barre, si elle n’en n’avait pas décidé autrement, que voulez-vous lorsqu’elle décide de changer de vie ce n’est pas à moitié.

Une fois arrivée devant l’église, Jules ne put s’empêcher de soupirer, ouais Amen, enfin c’est apparemment ce qu’il faut dire. Sans ménagement, la jeune femme poussa la porte dérobée de l’église qui menait directement à un escalier en pierre qui descendait dans le sous-sol. La porte en bois laissait passer quelques rayons de lumières ainsi que quelques voix masculines. Descendant les quelques marches rapidement n’appréciant pas l’étroitesse du couloir, se sentant légèrement oppressée, comme d’habitude. Poussant la porte en ne prenant pas la peine de frapper, Jules ne put à peine faire un geste lorsqu’elle entendit quelqu’un lui parler :

▬ Ah enfin ! L’anglaise nous accorde enfin sa présence. Il était temps Hendrick.

Regardant son interlocuteur, Jules semblait froide, distante et insensible, bien qu’au naturel assez émotive et laissant souvent apparaître ses émotions la jeune anglaise restait complètement de marbre lors de ses parties de poker, c’était probablement ce qui en faisait une grande bluffeuse. Regardant la salle de pierre durant quelques secondes, Jules s’arrêta ensuite sur la table de poker installée au beau milieu de la pièce autour de laquelle étaient assis les différents joueurs. Sept, elle comprise. Essayant de trouver les visages familiers, elle dût se rendre à l’évidence que certains lui était tout bonnement anonymes. L’ampoule nue qui pendait au plafond grésillait légèrement, s’attardant une seconde sur ce détail anodin la brune répondit d’une voix glaciale.

▬ Arrête ton baratin William, on est là pour jouer non ? Même si certains, comme toi ne restent pas longtemps à la table. Au fait je me suis toujours demandé, c’est parce que tu crois gagner un jour que tu t’acharnes à revenir ou tu aimes particulièrement le fait de te faire plumer ?

Au moins, ceux qui ne l’avait jamais vu avait désormais un petit aperçu de Jules, rien de très charmant certes, mais au poker on essayait tout sauf de plaire, mis à part si cela faisait parti d’une tactique, ce que la jeune femme n’appréciait guère. La peur, le doute … c’était bien plus amusant à insinuer chez quelqu’un de le charmer, même si elle était capable des deux. S’asseyant à la seule chaise libre près d’un jeune homme plus âgé qu’elle qui restait silencieux, elle ne lui accorda qu’une seul regard avant de sortir de sa poche une cigarette qui fut très vite allumée.

▬ T’es obligé de fumer Hendrick ?

▬ Va te faire voir William, distribue les cartes au lieu d’ouvrir la bouche inutilement.

Mesdames, messieurs … faites vos jeux !

L’ennui caractérisait sa vie, mais parfois comme en cette soirée, il avait envie de prendre des risques. Simplement pour illuminer un peu son train-train quotidien, mais aussi dans sa quête désespérée pour trouver quelqu’un qui puisse éveiller un brin d’intérêt chez lui. Chose qui n’arrivait que rarement et il était souvent bien vite déçu. Une personne pouvait bien être intéressante une seconde mais lui paraître complètement stupide la seconde suivante. Il était trop intelligent pour le commun des mortels après tout. Enfin bref, il avait décidé de simplement miser un peu d’argent dans une partie de carte. L’une de ses connaissances organisait une partie de poker clandestine dans une église, de quoi passer une soirée… disons intéressante. Il avait décidé de venir pour découvrir de nouvelles personnalités, de celles qu’il ne croise pas forcément partout. Pour l’occasion, il avait revêtu un costume d’une coupe assez basique et qui pourtant en jetait pas mal. Tout dans la gueule, voilà l’adage qui pourrait correspondre au poker. Du moins de la façon dont il y jouait. Il n’avait pas besoin du bluff, ni besoin d’avoir un bon jeu pour gagner. Il arrivait à connaître le jeu de ses adversaires rien qu’à les voir jouer et aussi en comptant les cartes bien entendu. Certains parleraient de triche, lui parlait d’intelligence. Enfin prêt, Jaime quitta son appartement en direction de l’église qui accueillerait leur petite partie de carte.

C’est avec un peu d’avance qu’il se présenta finalement au sous sol dans l’église. Seul son ‘ami’ était arrivé et avec un simple signe de tête il s’assit à l’une des chaises autour de la table. L’autre commença à le bassiner avec ses histoires très spirituelles mais surtout terriblement banales et ennuyeuses. Il lui répondait avec des onomatopées aussi inutiles que ses histoires. L’homme sortit finalement un livre de sa poche et commença à lire alors même que l’autre continuait à lui parler. Il semblait être l’exception même des hommes qui peuvent faire deux choses à la fois. Faire semblant d’écouter son ‘ami’ était à sa portée, il parvenait même à lui répondre tout en ingurgitant son bouquin. Cette situation dura quelques minutes avant que le ‘maître de cérémonie’ n’arrive. Un certain William, qu’il ne connaissait pas et qui semblait, de premier abord, assez mauvais joueur de poker. Les gens arrivaient finalement au compte goutte et après chaque analyse rapide des gens, il replongeait dans son livre, indifférent à ce qui se déroulait autour de lui. Les hommes se parlaient entre eux, le laissant tranquille, chose qu’il appréciait assez.

▬ Ah enfin ! L’anglaise nous accorde enfin sa présence. Il était temps Hendrick.

Jaime releva la tête de son bouquin, déposant sur regard sur la nouvelle arrivante, la dernière. Sa façon de se tenir le frappa de façon fulgurante. Elle, elle savait jouer, il en était persuadé.

▬ Arrête ton baratin William, on est là pour jouer non ? Même si certains, comme toi ne restent pas longtemps à la table. Au fait je me suis toujours demandé, c’est parce que tu crois gagner un jour que tu t’acharnes à revenir ou tu aimes particulièrement le fait de te faire plumer ?

S’il en doutait encore, le brun en fût maintenant persuadé. Cette fille allait être une adversaire redoutable, peut être même intéressante. Bien entendu, il allait remporter la partie, il n’y avait aucun doute là-dessus, mais cela pouvait être amusant de voir jusqu’à quel point elle résisterait. Assise à ses côtés, il surprit un regard vers lui et il eut un petit sourire en coin en remarquant ça.

▬ T’es obligé de fumer Hendrick ?
▬ Va te faire voir William, distribue les cartes au lieu d’ouvrir la bouche inutilement.

Cette fille lui plaisait. Elle avait un répondant intéressant et à vrai dire, il n’était pas loin de penser la même chose qu’elle. L’homme à sa droite, William, commença à donner les cartes et cette première partie serait déterminante pour tout le reste. Analyse du jeu des autres, de son jeu et calcul des cartes possibles chez les autres. Enfin, ses deux cartes en main il commença son jeu. Celui à sa droite avait un jeu plutôt bon, ses yeux criaient ses bonnes cartes. Celui en face avait un jeu déplorable et comptait passer. Celui à côté de la demoiselle avait un mauvais jeu mais comptait bluffer. Et sa voisine… semblait imperturbable. Enfin un adversaire qui lui donnerait du fil à retordre.

▬ Vous semblez nerveuse mademoiselle Hendrick.

Il n’y avait aucun signe qui pouvait étayer son affirmation, mais il commençait son jeu. Il avait dit cette phrase d’une voix froide et indifférente, comme s’il ne faisait que constater un fait immuable. Lorsque vint son tour de parler, il tourna sa tête vers la jeune femme, un petit sourire en coin, tout en annonçant :

▬ Je relance, à 1000. Vous suivez ma chère ?

Il cherchait à la déstabiliser, donnant une forte mise. Il essayait d’observer les réactions des autres joueurs mais surtout celle de sa voisine. Il n’arrivait pas à comprendre sa façon de jouer et c’était bien la toute première fois que ça lui arrivait. Les bons joueurs de poker étaient rares et elle semblait en faire partie.

▬ Vous relancez à 1000 ?Mais vous êtes fous ?
▬ Je ne pensais pas être entourés de petits joueurs.

Sa voix s’était faite acerbe et moqueuse. Lui ne l’intéressait pas, ce n’était qu’un joueur qui quitterait bientôt la table.

Penchant la tête un peu sur le côté, Jules laissa quelques volutes de fumées sortir de sa bouche, laissant la nicotine parcourir lentement son corps en un léger frisson. Ses prunelles vertes passèrent très vite de visage en visage, explorant les différentes expressions qui lui montrait soit la volonté de gagner, un soupçon de concertation ou alors de la fierté qui serait très vite refoulée. Ces signes au premier abord, on n’en avait rien à faire, mais Jules savait parfaitement que le bluff commençait en poker dès qu’elle entrait dans la pièce, dès qu’elle parlait à quelqu’un, dès qu’elle s’asseyait à la table. La première chose à faire après avoir fait le grand jeu, était de décrypter ceux des autres … quelque chose qu’elle avait appris notamment lors de ses années d’études à Oxford, cependant il fallait bien admettre que son voisin lui donnait beaucoup de fil à retordre, à croire que cette fois-çi la partie serait vraiment intéressante contrairement à d’habitude. En temps normal, Jules procédait toujours de la même manière : elle observait et gagnait quelques parties puis en perdait en misant gros histoire que les autres se fassent des espoirs avant de re-miser et de tout empocher. Faire parfois exprès de perdre pour avoir le pactole par la suite, il faut dire que les seules parties que Jules perdait au cours de sa vie, furent des faux pas, qui lui permit de s’améliorer alors qu’elle était à l’internat à Oxford, ce fut à la cinquième partie qu’elle accepta d’apprendre enfin les règles.

Ah .. Londres, Oxford … L’alcool, les fêtes, la débauche, l’ivresse de vivre et parfois un peu trop vite. Elle se souvenait des journées et des nuits sans fins, à cette époque Gabrielle était riche, fière, arrogante, hautaine et Jules l’était encore. Mais la différence entre elle et Gabrielle était que Gaby avait un destin tout tracé, cette période de débauche se finirait lorsque papa/maman fasse quelque chose, reprenne la vie de leur tendre enfant né avec un bracelet de diamant au poignet et une assurance vie qui valait une maison. On lui ferait rencontrer une résurrection de la vierge ou alors un petit bourge qui lit Shakespeare le matin et discute philosophie épicurienne le soir avec son paternel, une vie qu’elle avait refusé de toute évidence, une vie qui ne serait jamais la sienne. Jules avait préféré vivre au grand air, jouer des parties de poker interminables, fumer clope sur clope, trouver des gens qui l’apprécie, qui arrivent à transpercer sa carapace de glace, rouler en moto, exploiter son don, agir et faire quelque chose dans ce monde qui était destiné à s’autodétruire. Son don n’avait pas été le déclencheur d’un tel changement, mais c’était surtout la réaction de ses proches, le regard dédaigneux de son père et tous les évènements qui s’en étaient suivis. Jules avait toujours été considéré comme le vilain petit canard de sa famille alors en plus une mutante, c’était la cerise sur le gâteau.

▬ Vous semblez nerveuse mademoiselle Hendrick.

Retour à la réalité. Lui adressant un haussement de sourcil pour toute réponse, mademoiselle Hendrick tira de nouveau sur sa cigarette tout en réfléchissant sur son voisin. Si elle savait bluffer, lui savait jouer. Cela se voyait, cela se sentait, dans son attitude décontractée et sérieuse à la fois, dans sa manière glaciale de parler, dans sa manière d’envoyer des piques avant de jouer véritablement. Au moins cette nuit là elle aurait un adversaire à sa taille, le jeu ne pourrait être qu’intéressante. Puis ce fut la distribution des cartes, après avoir regardé discrètement les siennes durant quelques secondes, Jules les retourna sur la table puis regarda si les premiers signes d’anxiétés ou au contraire de joie, ces secondes étaient tout simplement cruciales.

▬ Je relance, à 1000. Vous suivez ma chère ?

Il savait. Il savait parfaitement que cela se jouait entre elle et lui, que les autres allaient probablement partir dans les deux parties qui allaient suivre, il savait que la véritable partie ne comportait que eux deux. Alors qu’elle allait répliquer, un autre prit la parole laissant Jules encore plus méprisante à son égard.

▬ Vous relancez à 1000 ?Mais vous êtes fous ?
▬ Je ne pensais pas être entourés de petits joueurs.

Esquissant un sourire, Jules tira une dernière fois sur sa cigarette avant de les regarder tous d’un air hautain et méprisant, certes peut-être qu’ils avaient des qualités, mais au poker ils ne valaient rien et Jules le savait. C’était cette fierté, ce teint hautain et cette capacité à juger les gens, parfois mal qui construisait son armure contre eux, sa sensibilité était caché par ses paroles assassines et son sourire cynique.

▬ Je sais pas si vous savez, mais on est là pour jouer au poker … pas aux petits chevaux. Si vous voulez jouer des jetons en plastiques et quelques verres, il vaudrait mieux passer votre chemin … Je n’aime pas perdre mon temps, surtout avec des imbéciles.

Tant d’impunité et de provocation pour une jeune femme, cela en choquait plus d’un. Pourtant personne n’osait répliquer, à croire que Jules avait réussi à fermer leur clapet. Se tournant vers son voisin, elle renchérit.

▬ 2000, on va s’arrêter là, sinon les pauvres petits ne vont pas pouvoir jouer.

Souriant, elle regarda ses adversaires quelques secondes avant de rajouter :

▬ Jules, Jules Hendrick. Enchantée.

Sa voix semblait presque amicale, son sourire presque sincère, son regard semblait presque lui montrer qu’elle lui accordait un peu d’intérêt.

Son regard ne quittait pas la jeune demoiselle à côté de lui. D’une certaine façon, elle lui plaisait dans son attitude. Elle avait quelque chose qui la différenciait de la plupart des femmes qu’il avait pu connaître. Elle semblait avoir… Une force de caractère. Il sentait un intérêt naître en lui. Il n’avait aucune illusion, cela ne durera que le temps de la partie, peut être un peu plus, mais guère. Les femmes, les hommes, tous en général n’étaient intéressants qu’un temps. Tous avaient cette lacune béante, ils étaient moins intelligents que lui, avaient moins de conversation et moins de possibilités. Se cantonner à une seule chose était ennuyant alors il s’ennuyait. Il fixait donc la brunette, attendant une réponse à sa question. Celle-ci pourrait certainement l’aider à la faire perdre.

▬ Je sais pas si vous savez, mais on est là pour jouer au poker … pas aux petits chevaux. Si vous voulez jouer des jetons en plastiques et quelques verres, il vaudrait mieux passer votre chemin … Je n’aime pas perdre mon temps, surtout avec des imbéciles.

A ces mots, Jaime ne put empêcher son sourcil de se relever. Décidément, elle avait une répartie étonnante. Elle n’était pas une fille comme les autres. Elle semblait être une énigme pour tout le monde, en témoignait les regards interloqués des autres joueurs. Même ce William, qui semblait pourtant la connaître semblait désabusé. Il eut un fin sourire qui témoignait non pas de son amusement, mais plutôt de sa joie d’une telle rencontre.

▬ 2000, on va s’arrêter là, sinon les pauvres petits ne vont pas pouvoir jouer.

Un frisson sembla secouer l’assemblée alors que leurs regards finalement se croisèrent. Elle détourna finalement le regard pour s’intéresser aux autres joueurs, qui se couchèrent tous, à l’exception de William, qui avait donc réellement un bon jeu. Jaime lui, n’avait même pas encore regardé ses cartes. Il n’avait fait que tester les joueurs, il était temps maintenant qu’il commence réellement la partie. Il jeta donc un œil à ses cartes et ne fût pas surpris d’y trouver un jeu raisonnable.

▬ Jules, Jules Hendrick. Enchantée.
▬ Le plaisir est pour moi Jules. Je vous propose un enjeu en plus à cette partie. Si vous me battez, je vous laisserais connaître mon nom.

Il jeta un regard lourd de sens à sa connaissance. Il ne devait ouvrir sa bouche sous aucun prétexte s’il ne voulait pas perdre le contact avec Jaime. Un contact qu’il appréciait trop pour se permettre de le perdre. Retrouvant finalement son sourire, il jeta un nouveau regard à ses cartes. Chose somme toute assez inutile puisqu’il les connaissait déjà par terre, mais ce n’était qu’une simple stratégie. Son regard se fit hésitant une seconde, avant qu’il ne replonge les yeux vers ses cartes. Il ne savait pas que jouer, il était aussi très bon dans la manipulation des autres.

▬ Alors, monsieur je garde mon nom secret pour mettre Hendrick dans mon lit, t’as les couilles de suivre oui ou non ?

Gagné ! Il eut à nouveau un fin sourire, pendant que son regard allait de William à Jules, comme s’il estimait leur jeu. Pour le moment, aucune carte n’étant tombé, il n’avait pu calculer et ne connaissait donc aucun des deux jeux, mais l’homme avait au moins un brelan fût son sourire qu’il avait bien du mal à cacher. Sa voisine elle, restait une énigme mais il était quasiment sûr que son jeu était soit très bon, soit elle comptait sur le coucher de son adversaire. Dans les deux cas, Jaime la laisserait gagner cette manche.

▬ Sans façon. Je vous laisse vous battre sur cette manche.

Il déposa ses cartes sur le tapis de jeu, brûlant d’envie de leur montrer son jeu, qui était plutôt bon, avec son brelan de reines. Il laissa pourtant ses cartes tournées vers la table, étirant ses jambes et passant ses mains derrière sa nuque. Il eut un mauvais tic nerveux lorsque sa peau entra en contact avec sa cicatrice, cependant il fit passer ça pour un agacement face au sourire moqueur de son voisin de droite, du moins l’espérait il. Dans le fond, il se moquait bien de ce que l’autre pouvait penser, après tout, il n’avait fait que lui offrir cette manche, si tant est que Jules ait un mauvais jeu.

▬ Alors, qui gagne ?

Il invitait sa voisine à dévoiler ses cartes afin qu’il puisse enfin faire jouer son intelligence dans la partie. Cette dernière ne faisait que commencer !

▬ Le plaisir est pour moi Jules. Je vous propose un enjeu en plus à cette partie. Si vous me battez, je vous laisserais connaître mon nom.

Remarquez que l’enjeu n’était pas de taille mais néanmoins intéressant. Si cela se trouvait, cet homme avec qui elle jouait au poker était un pro-humains et détestait les mutants, si cela se trouve c’était un psychopathe qui avait tué toute sa famille sans aucun remord ou encore un véritable salaud qui faisait souffrir tout le monde. Oui, monsieur X pouvait être n’importe qui, cependant il avait aiguisé sa curiosité à mettre un tel challenge, il avait aiguisé à mettre la barre plus haut. Elle aimait gagner, plus que le fric, les petites pastilles colorés, mieux qu’un discours de Luther King, mieux que de rester planter des heures devant une toile de Van Gogh. Elle aimait gagner pour fermer leurs clapets, pour montrer qu’elle aussi elle valait quelque chose. Son arrogance, c’était son passé qui l’avait forgé et elle en était fière. Certains en parlaient comme un défaut, Jules comme une qualité. Au même rang que la froideur de l’inconnu, que le cynisme de la jeune femme, que leur indifférence face aux autres lors d’une partie.

Lorsqu’elle entendit cette phrase, Jules ne put s’empêcher de sourire d’une manière de dire qu’il était vraiment culotté de dire des choses pareilles, cependant elle acquiesça en silence tout en continuant de l’observer quelques secondes. Il regardait ses cartes, Jules ne put s’empêcher de croire que venant de sa part ce n’était pas vraiment utile. Un homme qui jouait ainsi devait forcément savoir ses cartes depuis le début, enfin s’il voulait essayer de faire la scène aux autres, grand bien lui fasse. La facilité lorsque l’on joue la comédie était que l’on arrivait facilement à retrouver nos complices, un menteur reconnaît un autre menteur, tout simplement. C’était ainsi qu’elle arrivait à gagner à toutes ses parties à bluffer et savoir qui bluffait, c’était parfois bien plus important que de regarder ses cartes.

▬ Alors, monsieur je garde mon nom secret pour mettre Hendrick dans mon lit, t’as les couilles de suivre oui ou non ?
▬ Sans façon. Je vous laisse vous battre sur cette manche.

Jules fut surprise, non pas par la réaction de William qui n’était qu’un stupide porc sans cervelle et sans tact qui n’était bon qu’à apporter une bouteille de bon whisky, mais par la réaction de Monsieur X (ouais de toute façon faut bien lui donner un nom à cet inconnu, nan ? Ou Jean-Jacques, ouais Jean-Jacques c’est pas mal). Mais par la réaction de Jean-Jacques (mon dieu que c’est horrible) qui semblait vouloir la tester jusqu’au bout. Après lui avoir offert un regard à moitié étonné, Jules décida de jouer son jeu à fond en l’ignorant totalement. Il ne jouait plus ? Et bien Jean-Jacques n’avait plus aucun intérêt pour elle, c’était aussi simple comme ça.

▬ Alors, qui gagne ?

L’ignorant totalement jusqu’au bout, bien que considérant cette attitude stupide ne pouvait pas s’empêcher de continuer ainsi afin de montrer qu’il n’était pas le seul à jouer un jeu jusqu’au bout. La véritable Jules, celle qui semblait un peu plus humaine, ne reprenait vie que lorsqu’elle poussait la porte, que lorsqu’elle était bien loin de ses adversaires. Regardant William, elle lui dit en le fixant de ses prunelles vertes, son sourire malsain de nouveau sur ses lèvres.

▬ William. Premièrement si jamais tu insinue encore une fois quelque chose sur mon compte, je viendrais à toutes tes parties pour te plumer jusqu’à ce que t’hypothèque ton appartement pourris, que ta femme demande le divorce et que tes gosses ne veulent plus t’adresser la parole. Deuxièmement … prépare-toi à perdre.

Elle retourna ses cartes lentement, laissant le temps à tous de les observer, avant de dire tout haut le résultat au cas où il y aurait des aveugles dans la salle, enfin c’était surtout pour montrer qu’elle avait raison.

▬ Double paire de dames par les dix.

Le visage de William laissa montrer en quelques millièmes de secondes son dégout, l’envie de tuer Jules et surtout le fait qu’il venait de perdre 2000 dollars en claquant des doigts, sur un coup de tête. Double paire de dames par les six, comme quoi il fallait de peu pour gagner, mais c’est ce qui les différenciaient. Elle et Jean-Jacques contre tous les autres. Hein Jean-Jacques ?

▬ Bien très cher, allez vous donc me montrer votre jeu ? Même perdante, je dois bien avouer que cela rend la partie intéressante, même si je n’étais pas venue dans l’intention de perdre.

Jules se retourna vers lui en lui montrant enfin une once d’intêret, s’il voulait jouer avec elle et bien il allait être servi. Peut-importe qu’il l’a plume, elle gagnerait tout de même … d’un certain côté. Ses prunelles se fixant dans celles de Jean-Jacques, elle attendait, silencieuse … et prête à en démordre.

▬ Alors, qui gagne ?

Jaime ne se formalisa pas de la voir l’ignorer. Il savait pertinemment qu’en agissant ainsi, il avait créé la surprise. Elle ne s’attendait pas à le voir se coucher aussi vite. Lui pourtant ne la quittait pas des yeux. Il n’arrivait toujours pas à percer efficacement sa façon de jouer et ça le dérangeait, tout en lui plaisant. Un peu de piquant dans une partie gagnée d’avance n’était pas de refus, surtout pour lui qui recherchait exactement ça.

▬ William. Premièrement si jamais tu insinue encore une fois quelque chose sur mon compte, je viendrais à toutes tes parties pour te plumer jusqu’à ce que t’hypothèque ton appartement pourris, que ta femme demande le divorce et que tes gosses ne veulent plus t’adresser la parole. Deuxièmement … prépare-toi à perdre.

Le brun eut un petit rire bref face à ses remarques. Décidément elle lui plaisait bien. Son esprit était aiguisé et ses remarques intéressantes, bref en un mot comme en cent, elle était ce qu’il recherchait en permanence, un petit peu d’intérêt dans sa vie courue d’avance. Son rire tarit se transforma finalement en un sourire entendu lorsqu’elle découvrit ses cartes. Une double paire de dames par les dix… Son jeu était moins bon que le sien. Il n’en avait pas été sûr et dans son optique de déstabilisation il avait décidé d’abandonner. Sa façon de faire serait couronnée de succès puisqu’il était évident qu’elle ne s’y attendrait pas.

▬ Double paire de dames par les dix.

La tête de William à cette annonce fût prévisible. Il avait perdu sa mise, alors qu’il était persuadé de gagner. Ce n’était pourtant pas une excellente main, mais il avait perdu de très peu avec sa double paire de dames par les six. Un manque de chance d’une certaine façon, mais la chance fait le talent, c’est bien connu.

▬ Bien très cher, allez vous donc me montrer votre jeu ? Même perdante, je dois bien avouer que cela rend la partie intéressante, même si je n’étais pas venue dans l’intention de perdre.

Avec un petit sourire léger, Jaime retourna ses cartes lentement, révélant son brelan de dames à l’assemblée. La plupart eurent un hoquet de surprise en découvrant son jeu qui aurait été gagnant s’il n’avait décidé d’abandonner. Lui ne quittait pas les prunelles de la jeune femme qui l’avait regardé après avoir parlé. Il ne fallut pas plus que quelques secondes pour qu’un sourire moqueur ne vienne se dessiner sur ses lèvres alors qu’il lui répondait finalement.

▬ Je crains avoir fait une erreur en me couchant.

Il n’était pas courant de voir quelqu’un avec un brelan en jeu abandonner sans combattre, ce qu’il avait fait. Cependant voir son jeu et celui des autres lui permettait de vraiment connaître les cartes et il pouvait aussi essayer de ne pas être prévisible. S’il abandonnait avec un bon jeu, qui sait ce qu’il pourrait faire avec un jeu pourri. William, avec un sourire moqueur de celui qui a perdu mais qui a mieux jouer que quelqu’un d’autre, lui tendit le paquet de carte pour qu’il distribue à son tour. En un tour de main expert et rapide, les jeux furent donnés et il était quasiment certain de les connaître. Avant même de jeter un œil à ses cartes, il se tourna vers sa voisine, son petit sourire ne le quittant pas.

▬ Que diriez-vous d’ajouter une mise supplémentaire à cette manche. Vous gagnez, je vous laisse disposer de moi pour un gage, n’importe lequel. Dans le cas contraire… Nous verrons… Bien entendu, je dis ça de bonne foi, je n’ai pas encore vu mes cartes et je vous laisse l’occasion de regarder les vôtres avant que vous ne donniez votre réponse !

Arrogant et agaçant, voilà quelques petites habiles manipulations qui pourraient lui permettre de s’amuser un peu plus et de donner aussi un peu de piquant dans cette partie. Les hommes autour de la table ne semblaient pas vraiment contre ces petits jeux qui permettaient aussi de tourner légèrement en ridicule leur bourreau habituel.

Spoiler:

Brelan de dame.Gosh, elle avait eu raison et malheureusement elle était perdante contre cet homme qu’elle ne connaissait depuis à peine quinze minutes. C’était à la fois perturbant et assez excitant de rencontrer enfin quelqu’un qui pouvait la battre à plate couture. Certes, on pouvait croire qu’elle était masochiste de penser de telles choses, cependant c’était tout de même plaisant de savoir qu’on pouvait enfin se faire battre, qu’il y avait un défi en jouant contre lui. Même si Jules n’était pas la meilleure joueuse de poker de New-York, sa popularité de ‘garce à abattre’ était certes connues. Et si ce n’était pas pour sa facilité de gagner beaucoup de parties, c’était probablement par sa répartie cinglante et provocatrice que semblait apprécier également son voisin. Depuis plusieurs minutes, il ne l’a lâchait pas des yeux et si Jules n’avait pas encore lâché une réplique cinglante à son égard, c’était simplement parce qu’il savait bien jouer. Il étudiait sa façon de jouer, sa façon de pouvoir les battre sans même ciller et elle faisait de même bien qu’elle ne lui montrait pas clairement, enfin s’il était aussi brillant à ce jeu qu’il le laissait paraître, il le saurait tôt ou tard. Bien que fixant ses prunelles, Jules se forçait afin de ne montrer aucune émotion alors que son sourire cynique se dressait encore sur son visage alors qu’il parlait, ce qui ne laissait paraître rien de bon.

▬ Je crains avoir fait une erreur en me couchant.

En temps normal et en face d’une personne normale, mademoiselle Hendrick l’aurai traité de stupide joueur incompétent et idiot par-dessus le marché. Mais ce n’était pas un type ordinaire et Jules savait que peu importe ce qu’il faisait, même si cela paraissait absolument contre-nature. Même si elle ne jetait pas un seul coup d’œil sur le reste des hommes qui étaient autour de la table, la jeune femme était certaine que la plupart maugréait et que William était peut-être un peu plus soulagé qu’elle-même se soit fait battre par un autre. Enfin elle n’en n’avait que faire de l’avis des autres, après tout ils n’étaient pas intéressant autour d’une table de poker sauf lorsqu’ils venaient tout juste d’avoir leur salaire dont Jules prélevait gentiment une taxe.

Lâchant son regard, la brune se mit à regarder les cartes distribuées par William et fixait chaque carte et chaque visage afin de juger un peu le jeu des autres. Ses deux cartes furent bientôt devant elle et même si Jules avait la furieuse envie de les regarder, elle ne fit rien entendant son voisin s’exclamer à nouveau.

▬ Que diriez-vous d’ajouter une mise supplémentaire à cette manche. Vous gagnez, je vous laisse disposer de moi pour un gage, n’importe lequel. Dans le cas contraire… Nous verrons… Bien entendu, je dis ça de bonne foi, je n’ai pas encore vu mes cartes et je vous laisse l’occasion de regarder les vôtres avant que vous ne donniez votre réponse !

Il était trop fier de lui, arrogant, plein d’assurance et probablement un égo bien gonflé à bloc pour parler ainsi. La jeune femme s’abstenait pourtant de lui dire quoi que ce soit, surement parce qu’elle n’était pas un exemple de bonté elle aussi. L’enjeu était intéressant et puis de toute façon tout défi était toujours appréciable aux yeux de Jules, de toute façon elle ne résistait jamais, n’importe quel défi posé par n’importe quelle personne. Retirant ses mains de ses cartes, Jules fixa de nouveau son voisin, penchant légèrement la tête se refusant de prendre une énième cigarette dans son paquet, ce qui pourrait être pris par lui comme un signe d’anxiété.

▬ Je marche. Et bien entendu je ne regarde pas mes cartes, sinon cela ne serait pas amusant.

Après ses paroles, le jeu commença entre eux et au fil des tours les cartes se dévoilèrent sur la table, les autres se couchaient ne laissant ainsi qu’au dernier tour Jules et son voisin. Décidemment cela allait devenir une habitude de jouer contre lui, à ce rythme là les autres ne finiraient aucune parties. Le moment de retourner ses cartes était enfin arrivé et Jules décida de les retourner la première, sachant que tous les regards étaient posés sur ses cartes notamment son voisin.

▬ Si je gagne, vous m’expliquez comment vous faites. Compris ?

Ses mains retournèrent doucement ses cartes :

▬ Brelan de valet. Décidemment. Et vous ?