Mon cher Alekseï,

Tu l'auras remarqué, il ne fait pas bon être russe en Amérique par les temps qui courent, en cette période de Guerre Froide. Les tensions sont plus vives que jamais et je n'ose pas imaginer comment la situation va évoluer.

Je te fais parvenir cette lettre pour t'avertir de mon retour au pays : le Ministère a jugé que mon rôle de Diplomate sur le sol états-unien n'avait plus lieu d'être, et j'ai bien peur qu'il s'agissait de la meilleure chose à faire. Connaissant ton si grand désintérêt pour l'approche diplomatique, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour toi. Certes, j'ai bien conscience que tu es désormais un homme, capable de te défendre plus que convenablement – j'entends bien – toutefois je suis obligé de te re-affirmer ma volonté que tu nous rejoignes à St Petersbourg. Je sais d'ores et déjà que ce n'est pas ton souhait et j'exige, dans ce cas, que tu fasses preuve d'une grande prudence – prudence dont tu as souvent manqué -- et d'un grand détachement concernant le conflit qui divise la planète : je t'interdis de vouloir lutter à ton petit niveau pour notre cause, aussi pacifistes soient tes méthodes.

Autre chose, tu n'es pas sans savoir qu'une place t'attend au Club des Damnés, au sein-même du Cercle Intérieur. Je connais ton point de vue à ce sujet et je ne vois pas d'autres solutions que de t'y contraindre. Tu n'as pas à avoir peur, ni eux ni moi ne pourrons t'empêcher de mener la vie de débauché que tu chéries tant et que je ne cesse de désapprouver : il s'agit simplement d'entretenir ton carnet d'adresse et d’asseoir ta place de prestige qui t'est de droit. Qui sait ? Peut-être qu'un jour tu trouveras la raison et tu sauras compter sur ces gens qui pourront t'être utiles dans la concrétisation de tes projets – je ne perds pas espoir. Il est important de savoir t'entourer et, quand bien même tu ne partages pas leurs valeurs – si tant est que tu en aies –, veuille à te montrer profitable auprès d'eux pour l'honneur de ta famille, pour que puisse être exploitées tes incroyables capacités, pour assurer ton avenir malheureusement incertain et pour, et cela malgré moi, que tu puisses continuer ta vie légère sans aucun soucis. Je crois en toi.

Je ne sais quoi ajouter de plus si ce n'est que ta mère t'embrasse tout autant que moi.

Prends soin de toi,

Vladimir R. Koskinen