Félicia était tout sauf rassurée. Cette simple histoire de disparitions en chaîne de mutants avait réussit à lui mettre durablement les nerfs en pelote et son premier réflexe avait été de vouloir rester calfeutrer chez elle, entourées de ses créatures, qui, sous l’influence de sa propre inquiétude, lui paraissaient plus vigilantes et plus utiles que jamais.

La situation aurait néanmoins pu être supportable, si les autres membres du club, eux-mêmes anormalement tendus pour l’occasion, ne s’étaient pas mis en tête de débusquer ce fichu tueur eux-mêmes.

Certains parmi eux pensaient même que ce dernier était un mutant et que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne tombe sur plus puissant et plus féroce que lui. Une partie de ces derniers s’imaginaient même surement qu’ils pourraient être ce mutant là, mais Félicia n’avait ni assez d’assurance ni assez confiance en elle pour faire partie de ceux-là et était simplement terrifiée à l'idée que ce dernier, mutant ou non, puisse aussi s'en prendre à elle.

Malheureusement pour elle, ces derniers avaient aussi décrétés que tout le monde devrait mettre la main à la patte et Félicia avait donc dû sortir de son lit et renoncer au visionnage de ses vieux films préférés, pour se consacrer à d’autres projets et suivre les directives tordues et dangereuses de ses confrères tout aussi dangereux et tordus.

Ce jour là -ou plutôt cette nuit là, ces fameuses directives l’avaient ainsi conduite à se promener dans un quartier mal famé à la recherche d’une épicerie « pas aussi désaffectée » qu’elle n’en avait l’air et dans laquelle il semblait se passer des « choses étranges ». Félicia avait été dubitative en en entendant parler et ne savait pas très bien où ils étaient allés chercher leurs infos, mais faute de mieux et faute d’avoir vraiment le choix, elle avait acceptée de s’y rendre… à condition d’être accompagnée par un autre membre du club.

Malheureusement pour elle, ils n’avaient pas fait trois pas à l’intérieur, qu’ils avaient tous les deux entendu des bruits semblant provenir de l’arrière de boutique du magasin. Comme un malheur n’arrive jamais seul, son compagnon d’infortune avait immédiatement voulu aller voir, comme s’ils n’étaient que deux ados immatures cherchant à se faire peur, et n’avait pas tenu compte de ses hochements de tête fébriles. Il y était allé. Félicia était presque certaine qu’il s’attendait à ce qu’elle le suive, mais elle n’en avait rien fait et s’était contentée de l’attendre. Elle préférait ne pas mettre trop de distance entre elle et la sortie et avait donc attendu. Encore et encore. Jusqu’à ce qu’elle ne sache plus depuis combien de temps elle attendait. 10 minutes ? Un quart d’heure ? C’était le temps qu’elle avait eu l’impression d’attendre, mais il était tout à fait possible qu’il ne soit partie que depuis un lapse de temps beaucoup plus court... A un moment, elle se dit qu’il fallait peut-être qu’elle le rejoigne, puisqu'elle n’avait plus rien entendu ni de suspect ni de rassurant depuis son entrée dans la remise, mais elle s’était ensuite dit que ça n’avait en soit rien de rassurant. Si tout allait bien, s’il n’y avait rien de suspect à voir de l’autre côté, alors pourquoi ne le lui avait-il pas fait savoir ? Pourquoi n’avait-il pas beuglé qu’elle pouvait venir ?

Une vague d’angoisse l’assaillit alors à cette pensée et, histoire de ne rien arranger à la vague de panique qui la gagnait, la seule lampe du magasin -déjà allumée à leur arrivée, commença à vaciller.

Félicia entra alors successivement en contact avec l’ensemble des créatures qu’elle avait amenées pour l’occasion (mieux valait mettre toutes les chances de son côté et prendre le risque de dévoiler à tous sa nature de mutante plutôt que de mourir avoir eu toutes ses chance, comme un simple humain), afin de savoir si elles n’avaient rien vue ou sentie de particulier qui lui auraient échapper, mais fit à chaque fois choix blanc.

Partir en courant vers la sortie lui paru ensuite être la meilleure option qui lui restait et tanpis s’il ne s’était rien passé dans la remise, si cet idiot ne lui faisait qu’une mauvaise blague et si elle devait passer pour une poltronne au sein du club jusqu’à la fin de ses jours. Elle s’étonna ensuite brièvement d’avoir le temps de penser à ce genre de détails futiles, puis reporta son attention vers la porte d’entrée du magasin, juste à temps pour voir quelqu’un pousser cette dernière. *Merde !* *Merde, merde, merde* furent les premières pensées cohérentes qui lui vinrent alors à l’esprit, bien qu’elle eut quand même le réflexe de se rabattre derrière une étagère pour ne pas être vue par le nouveau venu, tandis que ses créatures essayaient de le voir à leur tour sans être vue de l’endroit où elles se trouvaient.

L’une d’elle y étant parvenue, Félicia pu voir ce dernier faire prudemment quelques pas dans le magasin, avant de l’entendre émettre une série de sons qui n’avait, à son humble avis, rien à voir avec ceux qu’auraient pu émettre un assassin revenant dans son repaire. Elle était encore trop apeurée pour oser bouger néanmoins, mais ne pu s’empêcher de couiner lorsque les sons curieux qui semblaient émanés de la remise se firent à nouveau entendre.

Félicia regarda le jeune homme nouvellement arrivé continuer sa progression dans l’épicerie tout en recouvrant une partie de son sang-froid, comme si l’observer offrait une distraction suffisante à son esprit pour que ce dernier cesse un peu de la tourmenter en alimentant son angoisse avec ses remarques anxiogènes.

Elle continua également à l’observer lorsqu’il se pencha et tata le comptoir, comme s’il cherchait quelque chose, et tâcha de rester la plus discrète et la plus silencieuse possible, pour ne pas se faire repérer.

Elle dû y parvenir, car l’homme aux mains bandées s’éloigna ensuite vers le fond du magasin sans avoir l’air d’avoir remarqué sa présence.

Félicia se détendit alors un peu (musculairement parlant en tout cas), mais resta plantée là, parce qu’elle ne savait plus quoi faire. La porte lui faisait toujours de l’œil et le moment semblait particulièrement bien choisi pour prendre ses jambes à son coup. Elle en avait moins envie que précédemment néanmoins et quelque chose dans l’attitude de l’homme l’intriguait. Bien qu’il n’ait pas eu l’air de savoir où il mettait les pieds en entrant, il lui avait ensuite paru presque trop nonchalant pour confirmer cette impression. S’il n’était pas là par hasard, était-il possible qu’il sache quelque chose ? Qu’il soit le tueur ?

Bien qu’elle sache pertinemment que les apparences étaient parfois trompeuses, son esprit s’obstinait à trouver cette idée ridicule : son attitude était peut-être curieuse, mais il n’avait pas vraiment l’air dangereux. Il ne cadrait par ailleurs pas avec l’idée qu’il se faisait du tueur.

Contrairement à la plupart des autres membres du club, Félicia pensait en effet qu’un seul homme ne pouvait pas être derrière l’ensemble de ses meurtres, capacités mutantes ou non.

Pour elle, il s’agissait donc forcement d’un groupe, qu’elle imaginait sans peine lié au gouvernement : elle savait qu’ils avaient attaqués le QG de Magneto, alors pourquoi pas ça ?

Pour elle, cette hypothèse tenait parfaitement la route, sauf que l’inconnu ne cadrait pas avec elle. Elle ne le voyait pas bosser pour le gouvernement et les bandages de ses mains ne cadraient pas non plus –à moins que cela soit un leur. Alors quoi ?

Peinant toujours à se décider à agir, Félicia finit par prendre le parti de continuer à attendre, en observant l’inconnu tout en espérant que son attitude lui révélerait quelque chose d’utile sur ses motivations, ce fichu tueur ou ce qui se passait dans cette épicerie.

Le bruit de verre brisé fit sursauter Félicia, tandis qu’elle se retournait machinalement vers l’origine la plus probable de ce dernier. Elle sentit également tous ses muscles se raidir à nouveau sous le coup du stress et de la peur, mais son appréhension se teinta aussi d’espoir : ce pouvait-il que ce soit son compagnon d’infortune (le membre du club, pas l’inconnu) ? Se pouvait-il qu’il soit toujours en vie ? En train de se défendre ? Ou n'avait-il cassé ce verre que par accident ?

Félicia tentait de se raccrocher à cette idée pour ne pas céder à la panique tout en essayant d’apercevoir ou de percevoir quelque chose qui pourrait la lui confirmer, lorsque le noir le plus total s’abattît, sans préavis, sur l’épicerie. Une terreur glacée s’empara alors d’elle, tandis qu’elle se demandait ce qui se passait.

Elle n’avait jamais eu peur du noir, mais vu les circonstances, ce dernier était loin d’être le bienvenu et lui donnait la désagréable impression de se trouver dans un film d’Hitchcock ou dans l’une de leurs plus mauvaises imitations.

Le grincement de porte qui suivit, s’il ne l’aida pas à retrouver son calme, mais eu l’avantage de la forcer à essayer de réfléchir. Elle serait bien restée tranquillement dans son coin, en essayant de se faire aussi petite que possible, dans l’espoir que le deuxième nouveau venu n’ait été attiré que par le premier et puisse s’occuper de son cas sans se rendre compte de sa présence. Elle était vaguement consciente que ne rien faire dans ces conditions serait horriblement lâche, mais sa lâcheté potentielle était alors le cadet de ses soucis, son principal problème étant que les deux individus se connaissaient peut-être et qu’elle n’avait aucun moyen de savoir comment l’homme aux mains bandées réagirait si celui qui avait fait claquer la porte n’avait rien d’amical.

Elle entreprit alors de tâter aussi doucement et discrètement que possible les étagères qui l’entouraient à la recherche de quelque chose d’utile, puis se rappela qu’elle avait amené un couteau dont elle se saisit. Elle eu ensuite une autre idée et fit appel à ses créatures en demandant à l’une d’elles, de pousser ce qu’elle avait sous la main dans une allée (d’où elle-même ne devait pas être visible, même lorsque la lumière était allumée) avant de s’éloigner aussi rapidement que possible histoire de voir ce qui se passait.

Dans l’immédiat en revanche, les autres ne purent lui être utiles. Aucune ne voyait dans le noir et celles qui n’étaient pas près d’elle (en dehors de celle qu’elle avait chargée de pousser quelque chose) ne pouvaient bouger sans risquer d’attirer l’attention.

Une fois que sa créature obéit, Félicia tendit par ailleurs l’oreille d’un côté comme de l’autre à l’affut de la moindre réaction.