Arthur avait l’air d’un imbécile, à ce jour. Il se baladait avec cette veste beaucoup trop grande pour lui et ces immenses lunettes noires qui lui prenaient la moitié du visage. Il avait refusé d’être accompagné. Ce n’était qu’une pharmacie, après tout. Et il n’allait chercher qu’un peu d’aspirine question de se débarrasser de ce foutu rhume qui le suivait comme son ombre depuis quelques jours, maintenant. Mais the show must go on, disait-on, et il s’était épuisé toute la semaine à tenter de faire passer sa voix nasillard, son nez coulant et ses cernes. Heureusement, les miracles de la télé aidant, sans doute que les spectateurs n’y virent que du feu. Mais lui, il en avait ras le coco. Habituellement, il aurait pris un malin plaisir à se montrer en public et à discuter avec les gens. Parce qu’il était du genre sociable, ce n’était pas un lézard effrayé comme un trop grand nombre de ces chères célébrités qu’il ne côtoyait même pas. Malgré tout, c’était des gens qui le rendait mal à l’aise, peut-être parce qu’elles se la pétaient plus qu’il ne le faisait lui-même. Certes, il était excentrique à sa façon, bavard comme quatre et qu’il ne donnait pas sa place à quiconque, mais être avec des gens qui lui ressemblait un peu trop avait toujours eu don de l’agacer plus qu’autre chose.

Il avait attrapé deux trois boites d’aspirine pour ses migraines quotidiennes, quelques décongestionnants efficaces, sans oublier tout ce qui pouvait l’aider à avoir un meilleur sommeille qu’actuellement. Il n’était pas du genre à prendre beaucoup de médicament, habituellement, mais il s’était vite rendu compte que côtoyer son univers se résumait souvent à cela : se droguer un peu pour faire passer le mal de cœur d’une vie trop mouvementée. Parce qu’il menait une existence semblable à un manège tournant à vive allure. Un manège qui ne s’arrêtait qu’une fois qu’il avait mit les pieds dans son appartement. Un manège qui ne cessait, même, parfois pas de la nuit. Et s’en devenait de plus en plus exaspèrent qu’il en ressentait le besoin, comme beaucoup, de s’assommer en coup de somnifères.

Dans la file d’attente, il trépignait d’exaspération. Devant lui, un vieillard qui s’obstinait avec la pauvre caissière sur des papiers de toilette en rabais la semaine précédente et qui ne l’était plus maintenant. Il voulait tout de même son rabais, pour le plus grand agacement du brun qui n’en avait rien à faire de l’homme à couche et qui préférait encore, pour son unique jour de congé, retourner s’allonger dans un bain ou dans son lit aux milles et un oreillers.

—Non, mais alleeer quoi! Y’a plus de rabais! Aller emmerder d’autres gens! s’écria-t-il finalement, à bout de nerfs qu’il pouvait bien être, crevé, fatigué, et… éternuant brusquement en échappant toutes ses boites un peu partout, qui s’éparpillèrent sur le sol de la pharmacie, pour son plus grand malheur.

Il jura, surtout que le vieux ne l’avait pas du tout entendu, et s’affaira à ramasser tout ce qui trainer ici et là, à quatre pattes, comme le derniers des imbéciles sur terre.

Comment occuper sa journée quand tous vos amis sont déjà très occupés et que vous n’avez pas forcément envie de travailler ? Shawn avait répondu à cette question en décidant qu’une petite promenade en ville ne lui ferait pas de mal. Il avait ainsi flâné plusieurs heures dans les rues new-yorkaises avant que son estomac ne se décide à crier famine. Ne pouvant ignorer les protestations de son ventre, le mutant était entré dans la première pâtisserie qui avait croisé son chemin.

Face aux présentoirs garnis, il avait longuement hésité devant une ribambelle de donuts, brownies, cookies et autres délices sucrés pour finalement choisir les muffins aux myrtilles. Mais au lieu de n’en acheter qu’un seul et d’écouter sa conscience, il céda face à la gourmandise et en acheta tout un sachet en se disant qu’il mangerait les autres plus tard ou qu’il partagerait avec les autres élèves de l’Institut. Reprenant sa petite ballade tout en dégustant un de ses achats, il se souvint qu’il devait s’arrêter à la pharmacie pour racheter de la pommade antalgique et anti-inflammatoire, ainsi que quelques pansements. Quelques jours plus tôt, Shawn était parvenu à réaliser l’exploit de se faire un croche pied à lui-même et n’avait pu amortir sa chute qu’en retombant sur ses poignets. Il n’avait d’ailleurs toujours pas compris comment il était parvenu à se faire tomber tout seul, mais avec son équilibre parfois précaire heureusement qu’il était solide. En parlant de solide, peut être que s’il avait pensé à se solidifier ou à se dissoudre il aurait pu s’éviter autant de mal. Bah de toutes façons il n’était plus à ça près, mais si la douleur à sa main gauche était partie d’elle-même, ce n’était pas le cas pour son poignet droit, il espérait donc que cette fichu pommade ferait des miracles. Quant aux pansements, il avait pris l’habitude de toujours en avoir sur lui avec l’usage fréquent qu’il en faisait, aussi ce détour par la pharmacie lui permettrait de renouveler son stock.

Il était donc entré et avait fait le tour de la petite pharmacie, sachet de muffin à la main avant de finalement se retrouver dans la file d’attente, juste derrière un homme qui portait des lunettes de soleil. Shawn ne voyait pas grand intérêt à garder des lunettes à l’intérieur d’une boutique, la lumière des néons et ampoules n’était quand même pas si vive. Il ne put s’empêcher de lui porter un regard curieux, bien que discret. En tout cas, même de dos, il était facile de voir que cet homme s’impatientait à cause de l’attente qui se prolongeait plus que de raison. Le mutant eu un sourire. Il n’était pas certain que s’agiter ainsi face accélérer plus les choses. Bien au contraire même, puisque l’homme aux lunettes venait de voir s’échapper ses achats.

L’attente n’ayant en rien entamé sa bonne humeur du jour, il se décida à aider le pauvre bougre qui le précédait dans la file et ramassa les boites d’aspirine qui avait glissé jusqu’à ses pieds.

« Excusez-moi, mais vous avez fait tomber ça. »

S’avançant, Shawn était désormais mieux placer pour voir le visage de l’homme à qui il tendait ses cachets. Bien que les lunettes lui mangent une bonne partie du visage, ce dernier ne semblait pas totalement inconnu, même si il n’arrivait pour le moment pas à retrouver où il avait bien pu le voir.

Spoiler:

À quatre pattes, sur un plancher sans doute plus pollué de microbes qu’il ne l’était lui-même. Il avait l’air ridicule. Plus encore en public. Plus encore lorsqu’il perçut qu’on lui lançait quelques regards de biais, soit pour désapprouver son comportement infantile, soit pour reluquer ses fesses. Non, ça, il se faisait des illusions : on ne reluquait ses fesses qu’à la télé. Parce que c’était la tendance, c’est tout, et que ça ne s’expliquait pas. Un type dans la rue peu paraitre attirant. Un type dans un écran le semble mille fois plus. C’était comme ça, un règlement qui a toujours été et qui sera toujours. Même si le type est plus moche que le voisin, il paraitra plus attirant. C’est l’effet des médias. C’est aussi l’effet popularité excessive. Plus on aime quelque chose, plus on en parle. Et ça lui avait toujours convenu. Dans la vraie vie, c’était un peu différent. Et il avait l’air d’un imbécile, maintenant.

En se redressant, il n’accorda aucun regard à ceux qui l’entourait, comme s’il craignait comme la peste que son identité soit tombée dans le regard d’un type trop curieux. Tien! Un type comme celui qui daignait se pencher, peut-être pour simple bonté, parce qu’il avait forcément mieux à faire que de se montrer serviable envers le brun, n’est-ce pas? Bon. Arthur délirait un peu. Ou n’était-ce peut-être qu’un brin de paranoïa qui lui secouait les puces. Il se retourna d’un seul bloque, donc, lorsqu’on l’interpella, d’abord hésitant, puis se disant que ça ne valait pas la peine d’avoir l’air d’un fout furieux. Pis encore s’il fallait qu’on s’aperçoive de ce qu’il était. Il imaginait déjà le scandale d’ici : « Arthur Sterzbaum crée tout un émoi cette semaine. Un vieil homme fait une crise cardiaque sous les caprices de l’animateur! Quelle honte pour l’homme qui voit sa réputation tomber sous le point de congélation! » Il offrit un de ses sourires à la réputation de aire chavirer n’importe quel cœur, homme, femme, animal de compagnie, malgré son air enrhumé. Sans compté qu’il se serait bien débarrasser de ce foutu manteau un peu trop grand pour lui qui l’encombrait plus qu’il ne l’aidait.

—Hum… Merci!

Et il récupéra illico ses trucs avant que l’autre ne se pose des questions quant à la quantité presqu’exagérée de boites qu’il tenait entre les mains. C’était presque à croire qu’il en faisait le trafique illégal dans les rues de New-York. Il serra les boites contre son torse et hésita un instant avant de se reprendre sa position initiale, toujours derrière le vieil homme qui ne semblait pas se décider à bouger, alors que la file s’allongeait toujours un peu plus dans le petit espace alloué à la pharmacie. Il jeta tout de même un coup d’œil par-dessus son épaule, comme s’il cherchait à se rassurer quant au type aux épaules bien plus large que lui, qui se tenait derrière lui. Puis il se décida à se tourner de nouveau à moins face à lui.

—Faites-vous de la boxe? Ou de la lutte? Peut-être un peu des deux?

Question bête qui aurait sans doute fait fuir n’importe qui… Mais Arthur ne se gênait jamais pour interroger les gens sur leur vie privée. Même s’il ne les connaissait pas du tout. Même s’il ne savait pas même jusqu’à leur prénom. Curieux de nature, c’était sans doute ce petit côté bavard qui l’avait poussé à parler pendant des heures en public. Parce que parler, ce n’était pas quelque chose qui le mettait mal à l’aise, tout simplement, comme trop de gens à son avis.

Bon c’était certain, il avait déjà vu cet homme quelque part, le sourire lui étant vaguement familier, mais les lunettes noires ne lui permettait toujours pas de faire jour sur qui il pouvait être et surtout où Shawn l’avait déjà vu. En plus de ça il n’avait pas vraiment l’air bavard et c’était détourné après un remerciement aussitôt ses boites récupérées, laissant le mutant songeur. Il tentait de reconnecter assez de neurones dans le but de trouver cette information manquante, quitte à y passer le reste de sa journée. C’était beaucoup trop frustrant de ne pas savoir alors qu’on est certain que la réponse se cache quelque part dans un coin de notre tête. Malheureusement cette réponse ne semblait pas vouloir sortir de sa cachette.

Ce n’était pas une de ses connaissances courantes déjà. Shawn pouvait peut-être demander à l’intéressé s’il ne s’était pas déjà croisé quelque part, mais le cas échéant, l’homme aux lunettes lui aurait sans doute adressé plus que deux mots. A moins que lui non plus ne se souvienne pas. Tout ça parce que cet homme ressentait le besoin de porter des lunettes même en plein magasin. Ca avait le mérite d’être un peu original et ça faisait un peu genre star qui essaye de passer incognito au milieu des gens ordinaire, bien que Shawn doutait qu’une simple paire de verres noires change grand-chose et permette de jouer aux anonymes.

Et si… ? Le mutant pouvait presque voir la petite ampoule s’allumer au dessus de sa tête, alors que l’idée qu’il était face à une personne célèbre se faisait un chemin dans son esprit. Ce n’était pas une idée des plus absurdes, après tout à New-York on pouvait croiser de tout. En revanche si l’homme devant lui était vraiment une célébrité, Shawn devrait envoyer aux fabricants de lunettes une lettre avec ses excuses les plus sincères pour avoir dénigrer le potentiel de camouflage de leurs produits. C’est avec un œil complètement neuf qu’il reporta son attention sur le dos de celui qui le précédait dans la file, faisant défiler mentalement toutes les célébrités qui pouvaient correspondre.

Une deuxième ampoule aurait pu s’allumer quand enfin il retrouva son fichu nom. C’était tellement évident en fait qu’il en aurait presque rit. Il n’avait même pas été capable de reconnaitre son animateur favori, Arthur Sterzbaum. Lui qui passait pas mal de temps à écouter ses chroniques radiophonique ou à regarder son émission quand il était à l’Institut, il avait suffit d’une simple paire de lunette pour qu’il manque passer à côté la chance d’obtenir un autographe. Récompense suprême pour tout fan digne de ce nom. Il s’apprêtait d’ailleurs à demander cette faveur, quand l’animateur se tourna à nouveau vers lui, le coupant avant même qu’un son n’ai pu franchir ses lèvres. Un instant il se demanda s’il hallucinait. Arthur Sterzbaum était en train de lui faire la conversation au beau milieu d’une pharmacie. Sortant de sa surprise il finit par reconnecter assez de neurones pour répondre.

« Je fais de la boxe en effet. Vous cherchez une salle de sport ? »

La question était venue comme ça, après tout ça pouvait expliquer pourquoi l’animateur s’intéressait à ses activités sportives. En réalité ça faisait un petit bout qu’il n’avait pas mis les pieds dans une salle, même s’il continuait d’entretenir sa forme physique du mieux possible. Et puis il fallait bien éliminer toutes les choses sucrées qu’il avalait par pure gourmandise, les muffins à la myrtille ne faisant pas exception. Il était quand même toujours un peu surpris par cet intérêt soudain pour sa personne si bien qu’il en avait quelque peu oublié son autographe.

Haussement des épaules, il lui décrocha un nouveau sourire plus amusé, cette fois. Il ne s’était pas réellement attendu à toucher pile, cette fois. Il était assez perspicace de nature, mais avait tendance à avancer des jugements qui n’étaient pas forcément véridiques. Heureusement pour lui, il n’avait nullement peur du ridicule et ne s’offusquait guère devant quelques expressions inattendu qu’en à ses propres questionnements. Ce n’était pas qu’il se fichait de la vie privée des gens. Il était même plutôt du genre à être bon camarde avec à peu près tout le monde. À s’arrêter pour bavarder, à offrir un café, à prendre le temps d’oublier son univers extraverti pour se concentrer sur ce qui l’entourait. Parce qu’Arthur était aussi sociable qu’une perruche apprivoisée.

—Non, pas spécifiquement. C’était un peu indiscret de ma part, sans doute.
Ses excuses lui parurent légères à lui-même, se tenant assez loin de la profonde sincérité qu’il lui devait peut-être de fourrer son nez là où il n’était pas forcément le bienvenu. Mais c’était dans ses habitudes, et il ne se gênait pas pour fourrager dans l’histoire des gens qu’il rencontrait, un peu à leur insu mine de rien, parce qu’il n’y avait sans doute que lui pour débuter une conversation par ce genre d’interrogation. D’un coup de tête, il fit glisser son immense paire de lunettes sur le bout de son nez, ce qui eut pour effet de lui donner un drôle d’air, sans doute. Un air de pervers à regarder par-dessus ses verres fumés, ou il ne savait trop quoi exactement. Au fond, il s’en moquait, ça n’avait aucune importance. Il darda ses iris noisettes sur lui une ou deux secondes, questions de ne pas voir tout en noir uniquement, puis replaça ses lunettes à sa place, comme s’il avait craint de se montrer trop longtemps. À croire qu’il n’était pas fait pour être reconnu. Pas maintenant. Ce n’était pas dans son intention première, mais il sentait que bavarder plus que de raison attirerait l’attention…

Du moins il se retourna vivement lorsqu’on l’interpella et s’écriant un «suivant!» qu’il sentit presque agressif. Et il se contenta d’un nouveau sourire vers la caissière décidément exaspérée, à qui il tendit toutes ses boites. Elle le dévisagea un moment d’ailleurs, avant de daigner les passer une à une… Puis son air bête devint un peu plus ahuri et un «Oh!» sonore s’échappa d’elle, suivit de ce petit gloussement qu’il connaissait par cœur, maintenant. Avant qu’elle ne dise autre chose, il lui présenta sa carte de débit avec un air un peu mal à l’aise. D’ici quelques secondes, il lui faudrait contaminer toute la pharmacie parce qu’il ne pourrait pas en sortir sans attirer davantage l’attention. Il se retourna vivement vers le type un peu blond à qui il avait sagement tapé la discussion, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

—Vous croyez que j’ai besoin d’aller au gym, d’ailleurs? Ça pourrait le fai…

Il dû forcément s’interrompre puisqu’il entendit son nom hurlé, quelque part derrière lui, à lui en faire grincer des dents. Malaise. Il ramassa rapidement ce qui trainait sur le comptoir après avoir payer et lança un dernier :

—Vous voulez m’accompagner? C’est le bon moment…

Et sans vraiment attendre un oui ou un non, il fila direction la porte extérieure avant qu’on ne l’atteigne. On aurait plutôt dit un lapin de course tant il semblait plein d’énergie, soudainement. Et à vrai dire, il ne s’attendait pas spécialement à ce que le type derrière lui ne le suive ou ne fasse quoi que ce soit, en fait, pour empêcher le troupeau de brebis affamé de son nom de se précipité sur le pauvre malade qu’il était. Ce n’était peut-être qu’une façon pour lui de détourner l’attention, mais une fois dehors, il se précipita sur le côté du bâtiment comme s’il attendait de voir passer le trafic des surprises. Ou simplement de voir le boxeur se pointer le bout du nez sous sa proposition…

Spoiler:

Il pouvait se montrer aussi indiscret qu’il le souhaitait, Shawn répondrait quand même à toutes ses questions. A moins qu’elles ne soient vraiment trop personnelles ou touchent un sujet un peu sensible, il n’était pas vraiment du genre pudique sur sa personne. Ca ne le perturbait pas plus que ça de se retrouver à discuter avec un parfait inconnu. Bien que là le terme ne conviennent pas tout à fait à l’animateur, mais c’était tout comme. En plus de cela, il était bien trop franc et spontané pour songer une seconde que la question pouvait être étrange avant d’y répondre. Atrhur Sterzbaum l’observa alors par-dessus ses lunettes, permettant à Shawn de croiser son regard quelques secondes, effaçant ainsi le moindre petit doute qui aurait pu rester quand à l’identité de cet homme qui le précédait dans la file et dont le tour arrivait enfin.

Son envie de lui demander un autographe profita que l’homme se détournait pour revenir à la charge, mais le mutant hésita. Les immenses lunettes noires aux verres fumées, ce manteau indéniablement et, il fallait un peu l’admettre, ridiculement trop grand envoyait un message assez clair. La vedette désirait faire ses achats tranquillement, sans être reconnu ou abordé par des nuées de fans désireux tout comme Shawn d’obtenir les grâces de l’animateur. Il musela donc son envie et continua d’attendre dans la file comme si de rien n’était. Peut être que s’il réglait ses achats assez vite, il pourrait une fois dehors, essayer de retrouver l’homme et obtenir la preuve qu’il l’avait bien rencontré, sans risque de braquer toute l’attention sur celui qui le divertissait via ses émissions. Sauf qu’il n’était désormais plus le seul à l’avoir reconnu, le gloussement idiot de la caissière en attestait. Son frère aurait été avec lui qu’il en aurait râlé et ne ce serait pas gêné pour faire une remarque cynique. Sauf que son petit frère n’était pas là et que Shawn n’avait aucun mal à assumer le fait qu’il était un grand fan de l’animateur. Etre fan ne voulait pas forcément dire être groupie. On pouvait très bien admirer quelqu’un sans pour autant adopter ce genre de comportement.

Il n’eut aucunement le temps de répondre à la question, le nom de la vedette retentissant dans la pharmacie, le faisant sursauter, comme si par ses pensées Shawn venait de déclencher une alarme qui attirerait sous peu tous les curieux présent alentours. Bouche grande ouverte prête à répondre, il la referma pour finalement la rouvrir quand Arthur Sterzbaum lui proposa de le suivre, filant comme une flèche, l’obligeant à nouveau à la refermer. Il était ridicule à remuer les lèvres comme un poisson asthmatique, sauf qu’une chance pareille on ne la refusait pas et on passait encore moins à côté. Il fit un léger sourire à la caissière et sortit après l’animateur comme s’il suivait un ami, reposant sa boite de pansement et sa pommade au passage, ne gardant à la main que son sachet de muffins. Dehors il plissa quelque peu les yeux sous la lumière du soleil, tournant la tête de droite et de gauche pour tenter de repérer la vedette télé, qu’il retrouva plus ou moins caché dans l’ombre du bâtiment. Il était toujours hésitant sur ce qu’il convenait le mieux pour désamorcer la situation. Faire demi-tour et essayer d’entrainer les autres groupies à sa suite ? Le rejoindre et tenter de s’éloigner avec lui ? Plutôt que l’âme charitable, ce fut le fan en lui qui remporta la bataille. Son envie de demander un autographe c’était néanmoins nettement refroidit, mais la possibilité de discuter plus avec Arthur Sterzbaum était elle beaucoup trop tentante.

« Je pense que vous devriez vous éloigner nettement plus de cette pharmacie si vous voulez vraiment rester tranquille. Quant à la gym, c’est difficile à dire avec votre manteau, je vous en reparlerai peut-être si on est obligé de fuir en courant pour échapper à vos autres fan. »

Il espérait de tout cœur que l’animateur continu à bien vouloir de sa présence, même s’il s’était inclus dans le lot des fans inconditionnels. Néanmoins, il ne faisait pas parti de ses fans près à tout, il gardait une certaine mesure et si Arthur Sterzbaum se décidait à fuir sans lui, il se consolerait en se disant qu’il avait eu la chance de le voir en chair et en os et même de discuter un peu avec lui.

Spoiler:

S’éloigner. Certes. Il eut un petit air rassurant, malgré la fuite momentanée, ses expressions ne démontrant qu’une certaine aisance, contre toute attente. L’habitude, sans doute, le poussait à ne pas trop s’en faire pour tout ce remue-ménage qui faisait partie de sa vie courante, comme une routine qui ne l’ennuyait vraiment qu’à moitié, comme une tache ménagère dont il n’avait pas toujours envie de s’enquérir. Et ce n’était pas qu’il détestait les gens, bien au contraire, mais comme n’importe qui d’autre, il lui arrivait de seulement mener une petite vie tranquille, ne serait-ce qu’une journée, à ne pas se faire harceler dès qu’il mettait les pieds dans une boutique, une épicerie, un restaurant ou un salon de coiffure. À croire qu’être animateur rendait plus populaire qu’être acteur ou encore comédien. Simplement parce qu’il n’y avait pas une seule journée, ou si peu, où son visage n’apparaissait pas quelque part et où sa voix ne résonnait pas d’une façon ou d’une autre. Parce qu’il était prolifique dans le domaine des communications, on ne pouvait pas le rater. Il fallait être totalement inculte ou simplement insouciant des actualités pour ne pas capter son petit air familier.

Il secoua finalement négativement la tête et se redressa. Malgré ses allures un peu enrhumé et le ridicule de son accoutrement (du moins quand on avait l’habitude de le voir vêtu tout à fait autrement) il y avait toujours chez lui ce charisme et cette fierté d’être qui faisait qu’on ne le jugeait pas pour ce qu’il portait, mais bien pour ce qu’il faisait. Il s’étira un instant sur le bout des pieds, parce qu’il était tout de même pas le plus grand des hommes, et regarda par-dessus l’épaule du blond avant de se repositionner devant lui, faisant mine de rien.

—Vous n’avez pas tort. Je pourrais aller faire un tour dans un petit café… Je crève de faim. Pas vous?

Il se gratta doucement la joue, réalisant soudainement ce qu’il était en train de dire. Il se contredisait, carrément. Il faisait mine de vouloir fuir le public à tout prix et disait qu’il voulait se replonger dans celui-ci en allait au premier petit café qu’il rencontrerait, juste comme s’il faisait exprès de vouloir attirer l’attention, bien que ce soit le cas, parfois. Il eut un drôle d’air comme s’il se fustigeait mentalement de la bêtise qu’il était en train de raconter, et ce, à un type qu’il ne connaissait même pas. Pas du tout, en fait. Ni son nom. Il savait seulement qu’il était sans doute aussi gourmand que ne l’était l’animateur lui-même après avoir noté le paquet dégageant une odeur de pâtisserie qu’il tenait entre ses mains.

—Ou peut-être devrais-je seulement aller me noyer dans ma solitude, dans mon appartement, avec un paquet de muffins qu’il me plairait de kidnapper, lâcha-t-il enfin sur ce ton taquin, mais qui avait pourtant l’air tout à fait sérieux. Arthur avait toujours eu cette bonne volonté avec les gens qu’il côtoyait, mais il avait surtout toujours eut beaucoup de chance de tomber sur les bonnes personnes au bon moment. Comme s’il les attirait inévitablement.

A quoi pouvait vraiment ressembler la journée d’une célébrité ? Etait-elle vraiment aussi magique et aussi captivante que ce que les pauvres fans tel que Shawn se l’imaginait ou était-elle parfois aussi épuisante que la journée du plus banal des hommes ? En tout cas le début d’esclandre de la pharmacie lui avait assuré une chose, il n’était et ne serait clairement jamais fait pour une vie pareille. Déjà parce qu’il aurait sans doute l’impression de se retrouver comme une bête curieuse, un étranger, éléphant piégée au milieu d’un magasin de porcelaine où il n’avait pas sa place. Ensuite parce qu’il était sans doute beaucoup trop gentil pour affronter et repousser une marrée humaine, foule en délire de sa personne et dont il ne mériterait certainement pas l’attention. En ça, il était vraiment encore plus admiratif de la vedette qu’il ne l’était déjà au moment où il avait franchi le seuil de la pharmacie. Et s’il avait proposé la fuite, c’était par souci de lui éviter plus de souci qu’il n’en avait déjà.

Pourtant l’animateur, ne semblait pas plus pressé que cela de s’échapper, poussant même jusqu’à l’envie de se confronter une fois de plus à tous ces anonymes vivant à New York, mais qu’il finit par expliquer par le simple fait qu’il était affamer. Face à la question visant à savoir si c’était son cas, il ne put alors que sourire. Demander à Shawn s’il avait fait c’était comme demander si la Terre tournait autour du soleil. Phrase véridique que lui avait un jour gentiment envoyé son frère. La preuve en était par son arrêt à la pâtisserie un peu plus tôt. Chose que l’animateur n’avait pas manqué de remarquer d’ailleurs et qui avait l’air de lui faire autant envie que lui.

« Vous savez, pas besoin de les kidnapper. J’ai fait bien assez de provision pour deux personnes. D’ailleurs comme il est très malpoli de se goinfrer seul dans son coin, allez-y servez vous. »

Ouvrant son sachet, il le tendit sous le nez de l’animateur afin que celui-ci en prenne autant qu’il le souhaitait. Shawn pouvait parfois se comparer à un ogre gourmand qui achetait souvent bien plus que ce qu’il ne pouvait avaler, à moins de réellement mourir de faim.

«Au fait je m'appel Shawn. Et pour votre café, peut être qu’en prendre un à emporter serait mieux si vous voulez vraiment passer une journée incognito. »

Ce présenter était la moindre des politesses, même si le célèbre présentateur finirait sans doute par oublier son nom, pour ne se rappeler de lui que comme un de ses nombreux fans. Quant au café, Shawn avait toute sorte de rituels, que ce soit pour les amis, les pâtisseries ou toutes autres choses de la vie courante. Un de ces rituels consistait néanmoins à s’arrêter à son coffee shop favori, y prendre un fabuleux café crème et aller le déguster dans un parc ou tout autre coin un tant soi peu verdoyant. En plus le climat en cette journée s’y prêtait assez. C’était un petit plaisir tout simple, qu’il aimait s’accorder et il eu soudainement un peu honte en se disant que peut-être une personne comme Arthur préférait les café de meilleure qualité, servi dans les établissements plus chic. Ainsi il devait vraiment passer pour un imbécile avec son idée de café à emporter à la noix.

Spoiler:

Une fois l’animateur servi, Shawn piocha à son tour une des douceurs maisons qu’il ramenait avec lui. Il pouvait arguer que c’était pour ne pas laisser la vedette manger tout seul, mais ne se voilant pas la face, c’était bel et bien par pure gourmandise. Il accepta d’un hochement de têtes les remerciements et salutations, voyant bien sa tentative interrompu pour se serrer la main en bonne et du forme. Il était toujours mal à l’aise face à sa proposition idiote surtout en voyant qu’elle était prise au sérieux, quand bien même il ne l’avait pas dit pour plaisanter. Histoire de garder contenance et de ne pas s’étendre plus sur le sujet, le mutant se contenta d’une simple phrase.

« Oui le temps file toujours trop vite quand on en à besoin. Mais vous devez avoir de sacrée journée quand même.»

En tout cas c’était vraiment agréable, il avait la chance de discuter avec une personne qu’il admirait beaucoup et qui, loin d’en être ennuyé, semblait au contraire assez ouvert et aimable pour lui donner la réplique. Son esprit n’arrivait néanmoins toujours pas à se faire totalement à l’idée qu’Arthur Sterzbaum pouvait être une personne comme les autres et fut donc surpris quand il accepta finalement l’offre de se faire offrir un café à emporter. Il en aurait presque sauté de joie et d’excitation, mais il n’était pas certain de continuer de faire bonne impression après cela. Non pas qu’il voulu à tout pris plaire à la star, mais c’était agréable de se retrouver à bavarder ainsi alors qu’on ne se connaissait pas une dizaine de minutes plus tôt. Et de l’avis de Shawn, la nourriture, la boisson et les plaisanteries étaient toujours le meilleur moyen de se faire de nouveaux amis !

C’est toujours un peu étonné que l’animateur accepte sa compagnie et sa conversation que le mutant l’entraina à sa suite jusqu’à un petit shop qu’il savait ne pas être trop loin. D’ailleurs vu son air malade, c’était une chance qu’il ne fasse pas gris et froid le jour où il allait tenter l’expérience de son premier café à emporter. A l’inverse, lui était plus qu’un habitué de ce genre de méthode avec les déjeuner qu’il prenait sur le pouce ses jours de boulot. C’était un peu la confrontation de deux univers, où chacun surprenait et faisait découvrir des nouveautés à l’autre. Au moment de passer commande, il se tourna vers sa « nouvelle » connaissance.

« Qu’est ce que je vous offre ? »

Malgré la discussion amicale sur le chemin, il était encore trop intimidé pour oser le tutoiement, chose qu’il aurait déjà faite avec une personne qu’il ne voyait pas tous les jours à la télé. Et il était encore trop refroidi par l’épisode de la pharmacie pour tenter tout de suite de redemander un autographe. Quand à ce qu’ils pouvaient faire après, Shawn s’en remettait au bon vouloir de l’animateur. Il pouvait aller dans un parc que le mutant savait ne pas être trop loin, continuer de marcher ou même s’installer quelque part si il craignait de s’enrhumer plus.

« Au fait pour cette histoire de sport je m’excuse, c’est juste que la question m’a surpris. »

En dehors de son rhume, il avait plutôt l’air en très bonne forme et même si ce n’était pas ce que Shawn avait voulu dire, ce faire entendre qu’on à besoin d’exercice n’était pas vraiment sympathique.

Arthur n’était pas de nature très gourmande. Il avait surtout tendance à prendre ce qui trainait et à sauter tous les repas de la journée pour se rendre compte en fin de soirée qu’il mourait de faim et qu’il était trop tard pour prendre quelque chose qui avait un minimum de bon sens. Le médecin qui le suivait ne manquait d’ailleurs jamais de le lui reprocher. Un de ces jours, sa santé écoperait méchamment de tout ce qu’il faisait vivre à son corps au quotidien, que mener ce genre de vie exténuante, ce n’était vraiment pas très bon et qu’il devrait mieux se nourrir et se reposer s’il ne voulait pas crever à quarante ans. Il s’était contenter de hausser les épaules à ces commentaires et de rire un coup en insinuait qu’il se reposerait une fois mort et que c’était très bien ainsi. Mais en ce jour, il devait avouer que ça lui plaisait de ne pas se sentir dans le besoin de courir partout dès qu’on l’appelait ni d’être constamment brancher aux caméras, aux yeux, aux oreilles. Mais oui, Arthur avait cette vie de fou qu’on ne s’imagine pas. Cette vie en éveille qu’un fanatique ne peut deviner derrière les parures. Que seul lui connaissait. Derrière tout ce monde fantastique, il ne restait que l’épuisement, la vie en mouvement, l’impossibilité de réellement trouver un temps de repos puisque des millions de pensées assaillaient son esprit quotidiennement. Il n’y échappait pas. Il n’avait encore jamais céder au besoin de se redonner de l’énergie par produit chimique, comme beaucoup auront fait et feront sans doute dans l’avenir. Il avait d’ailleurs toujours trouvé dommage d’en venir jusque là et s’était promis de tout arrêter s’il se voyait craquer définitivement. Mais tout allait toujours aussi bien, n’est-ce pas? Pourquoi s’en faire pour quelque chose qui ne s’était pas encore produit? Peut-être qu’il y avait des questions à se poser devant la quantité un peu exagérer de petites boites qu’il avait pris seulement pour soigner un banal petit rhume.

Il se laissa pour ainsi dire volontiers entrainer dans ce qu’il aurait décrit comme étant une petite folle, un écart à son quotidien. Et c’était bien, léger, plaisant et rassurant pour ses nerfs qui avaient parois l’impression d’éclater. L’endroit ne lui était évidemment pas conne de prime abord, bien qu’il se souvienne être déjà passé à côté à quelques reprises. Mais les sourires simples lui plaisaient plus que les sourires pour faire bonne figure et il décida que ça allait lui plaire, autant que ça semblait faire plaisir à Shawn, en fait.

—M’offrir, vraiment? Pourquoi pas… Je ne prends que du thé. Le café ça me rend accro et nerveux. Faut que je l’arrête, déclara-t-il comme une révélation sur ce petit rire amusé qu’il n’hésita pas à lâcher.

Mais l’animateur avait bien noté l’espèce de léger malaise, même s’il n’était rien, et auquel il avait pourtant l’habitude de la confrontation. Parce qu’on cherchait à faire connaissance avec lui, mais qu’on n’osait pas forcément. C’était une réaction intriguant, à son avis. Une réaction qui rendait les gens aussi attachant que des oursons. Un ourson? En observant celui qui l’accompagnait, oui, il aurait pu le décrire comme un ourson.

—Hoo non, pas d’excuse. Je manque un peu de forme tout de même. T’en fais pas.

Et il avait lui-même, volontairement ou pas, lâché ce vous de politesse toute simple.

Il acquiesça à la question et se tourna vers l’employé pour passer commande. Parce que oui ça lui faisait plaisir de pouvoir inviter sa nouvelle connaissance, même pour ne lui offrir qu’une simple boisson chaude. Il devait être habitué à ce que ses fans lui offrent tout un tas de choses, en gages de leur admiration ou simplement pour se faire remarquer et un simple gobelet de café ne devait pas représenter grand-chose en comparaison. Sauf que contrairement à toutes ses stars à la vie excentriques et aux caprices tordues, lui semblait encore apprécier les choses simple et Shawn doutait que beaucoup de citoyens osent l’aborder pour ne lui offrir qu’un simple café. Lui-même n’était pas encore complètement à l’aise, même en se disant que son invitation avait le mérite d’être original.

Si l’animateur avait pris la bonne résolution d’arrêter le café, ce n’était pas le cas du jeune mutant, qui en avalait régulièrement que ce soit pour tenir la journée ou simplement par plaisir. Seulement aujourd’hui, sa journée n’avait été ni fatigante, ni stressante, si on mettait de côté le petit passage à la pharmacie. Alors en soutient à Arthur, il décida de prendre un chocolat plutôt que son habituel café crème. Il allait leur falloir patienter un peu, mais ça n’allait pas être très long, surtout s’ils continuaient de discuter. Petit à petit, son malaise laissait la place à sa curiosité, prenant le dessus pour lui permettre de profiter de la chance qui lui était offerte. Il était désormais plus naturel, se comportant tel qu’il l’aurait fait avec un ami plutôt qu’une célébrité du petit écran. Le fait que l’animateur se mette à le tutoyer avait ainsi beaucoup aidé à ce qu’il se détende complètement et il continua donc la conversation, se permettant à son tour de tutoyer le jeune homme qui ne devait pas être beaucoup plus âgé que lui. Et ce n’était pas désagréable du tout il fallait le reconnaitre, il lui suffisait simplement de garder dans un petit coin de sa tête cette idée d’autographe pour le moment où chacun retournerait à ses occupations. Il sourit amicalement, mais tenait néanmoins à rassurer Arthur sur son état de santé apparent.

« Je ne suis pas expert, mais pour quelqu’un qui doit avoir des journées de folies je te trouve quand même en plutôt bonne forme…si on enlève l’air enrhumé. »

La scène de l’animateur éternuant et échappant tous ses médicaments n’était pas si loin. C’était étonnant d’ailleurs de le rencontrer dans ce genre d’endroit avec l’armada de médecin et de personnel qui devait s’occuper de lui. Leur commande enfin, prête, Shawn s’empara des deux gobelets et tandis celui rempli de thé à la vedette. Compatissant à son état de santé, il préféra demander son avis à sa nouvelle connaissance avant de le trainer à sa suite dans un endroit où il n’apprécierait peut-être pas forcément se trouver.

« Et maintenant, tu préfères t’asseoir dans un coin tranquille ou continuer de marcher à droite à gauche en évitant les fans ? »

Ca lui faisait toujours un peu bizarre de voir Arthur Sterzbaum le suivre dans ses activités quotidiennes et lui parler, mais il devait reconnaitre que la surprise de trouver au fond une personne normale était des plus agréables. Il espérait donc à son tour le surprendre agréablement avec cette nouvelle expérience qu’il s’entendait à lui faire découvrir.

Il se leva une fois de plus sur le bout des orteils question de regarder par-dessus l’épaule du boxeur, et lâcher un sourire benêt au caissier qui ne semblait d’ailleurs n’y avoir vu que du feu. Il recula d’un pas ou deux, percuta discrètement la personne derrière lui avant de s’excuser maladroitement et se décaler sur le côté, doucement, laissant place aussi sagement que possible pouvait se faire. Ce n’était pas vraiment dans ses habitudes de se laisser offrir quelque chose et il dû bien avouer se sentir un brin mal à l’aise. Il eu donc un haussement des épaules en entendant de nouveau la voix de Shawn se répercuter à son oreille et il fit deux pas en avant pour revenir à s hauteur, question de ne pas voir l’air de celui qui se tient à carreaux. Il glissa ses mains dans le fond de ses poches et pris cet air décontracté habituel, s’appuyant au comptoir, l’air aussi enrhumé qu’au début de la journée. Journée longue, sans doute, dont il sera très probablement ravis de voir la fin, mais dont il savourait tout de même le petit moment inattendu. Il eut un rire franc, coupé par cette légère toux qui était la sienne.

—En forme? J’aimerais qu’on m’en dise autant. On me dit continuellement que j’en fais beaucoup trop que si je ne deviens pas dingue avant la fin de ma vie, c’est tout le reste qui va lâcher. Mais je n’y crois pas… Ça ne me dérange pas. Je suis à l’aise avec la vie que je mène. Je n’ai pas de chat, pas de femme, pas d’enfants. Je n’ai que moi et le boulot, alors…

Il se déroba finalement du comptoir pour saisir d’une main de verre qu’il sentit brulant sous ses doigts, mais dont il jouissait déjà et de la saveur et du bien être que cela procurerait à ses sinus congestionnés du moment. Il eu un petit mouvement de la tête, de gauche puis de droite comme s’il observait ce qui l’entourait de dessous cette terriblement laide paire de lunettes qu’il se promit de ne plus jamais porter en public. Il imaginait déjà les photos qui sortiraient demain dans les magasines pour cette histoire de pharmacie. «Est-il gravement malade?», «Héroïne? Coke? Marijuana?» Pas de drogue. Pas de maladie mortelle. Mais il connaissait ce monde d’exagérations et de rumeurs. Et il n’y échappait pas. Il avait pris pour habitude de ne pas trop s’en préoccuper, et c’était très bien ainsi.

—Marcher, c’est bien! Je n’aime pas particulièrement rester en place très longtemps…

Oui, en effet, c’était sans doute pour cette raison qu’il était partout à la fois et qu’on entendait si souvent parler de lui. Parce qu’il était incapable de se contenter du moindre effort et qu’il donnait toujours son maximum, quitte à s’épuiser, quitte à dormir plus de vingt-quatre heures durant (ce qui ne s’était jamais produit, tout de même.) Marcher, donc. Il poussa lui-même la porte vitrée qui tinta et laissa passer son nouveau camarade, pote de marche, ami de thé, copain de pharmacie et buffet à volonté ambulant.

Connaissant un peu l’endroit, Shawn savait qu’il y avait peu de chance qu’ils se retrouvent à devoir faire la queue de façon interminable ou coincés parce que le lieu était bondé. Ou du moins pas en plein milieu de la journée. C’était d’ailleurs pour ça qu’il avait proposé l’endroit à Arthur, qui essayait de passer une journée incognito comme il l’avait compris. Sauf qu’avec sa malchance, il n’était jamais à l’abri de rien et priait donc de tout cœur pour que personne parmi les clients ou les employés ne les remarques. Non pas qu’il doutât que l’animateur ai répondu à ses fans en se retrouvant dévoilé, mais lui s’en serait voulu de l’avoir attiré là-dedans au lieu de le laisser retourner chez lui. Et il ne serait pas assez soulagé pour continuer la conversation avant d’être sorti sans encombre.

Chacun son gobelet en main, le sac de muffin dans l’autre pour Shawn, ils quittèrent finalement le café dans un tintement de porte. Si des restes de grisaille persistaient encore dans le ciel, le temps semblait quand même parti pour être clément jusqu’à la fin de la journée, s’accordant à faciliter le programmes prévu par les deux garçons. Alors qu’ils commençaient à marcher, Shawn leva son regard vers le ciel quelque instant, songeur quant à comment il pourrait poursuivre la conversation, avant d’avaler la première gorgée de son chocolat.

« Personnellement j’adore me promener dans les parcs, que ce soit pour boire mon café ou simplement prendre l’air. D’ailleurs il y en a un pas très loin si ça te tentes ? »

Il ne s’en était pas rendu compte immédiatement en sortant, mais ils avaient en fait inconsciemment déjà pris la direction du coin de verdure. Shawn adorait les parcs pour leur ambiance calme et reposante. Les arbres et la verdure lui permettait de retrouver le côté « grand espace » qu’il avait abandonné et un peu perdu en débarquant dans une ville aussi grande, animée et fourmillante que New-York. C’était en somme un endroit de liberté où il restait à loisir quand il le pouvait, dessinant, dormant parfois ou simplement se promenant selon l’envie. Au fond Shawn était un garçon simple, qui ne se compliquait pas la vie, grand enfant un peu naïf peut-être mais qui assumait complètement.

« Si tu es heureux comme ça je ne vois pas où est le problème. Certain sont à fond sur le boulot, d’autre à fond dans leur vie personnelle. De toute façon il en faut pour tous les goûts. En tout cas je suis très admiratif de ce que tu fais même si je dois avouer que moi je ne pourrai sans doute pas.»

Un sourire étira ses traits, il préférait réserver ses pitreries et tout le reste à un petit comité. Et puis Arthur était un peu tout le contraire de Shawn, il savait ce qu’il voulait, avait trouvé sa voie et s’y consacrait corps et âme. De quoi être admiratif et un peu envieux quand comme Shawn on avait tout abandonné de ses projets, pour se retrouver à errer de droite et de gauche en essayant de donner un meilleur sens à son existence. Et si certaine chose comme l’Institut était un bon début, il ne trouvait pas ça complètement suffisant. Il avait besoin de plus.

« C’est d’ailleurs très gentil d’accepter que je te suives comme ça, c’est même un peu inattendu. »


Si la conversation était déjà plus naturelle qu’au départ, Shawn n’osait pas encore raconter ouvertement sa vie de peur de sortir peut-être une bêtise, préférant donc s’en tenir à celle de la vedette. Mais ne voulant pas qu’il se sente harcelé non plus, il lui tendit une nouvelle fois le sachet de muffin, permettant ainsi d’assouvir la gourmandise de chacun, tout en continuant leur chemin.

L’air extérieure parue momentanément lui déboucher les narines, comme quoi l’air sec du petit café rapide ne lui faisait que plus ou moins. Heureusement pour lui, d’ailleurs, on ne lui sauta pas dessus, comme il s’y était attendu. Peut-être enrhumé et vêtu comme il l’était on se disait «C’est pas possible, c’est pas lui» alors on l’ignorait comme s’il n’était qu’un sosie minable à qui il ne valait pas trop de s’intéresser. Il lui décrocha un sourire amical, opinant doucement de la tête en serrant son gobelet entre ses doigts comme s’il espérant en aspirer toute la chaleur, question de ne pas se rendre lui-même encore plus malade qu’il ne l’était déjà. Ça ne pouvait pas être pire, de toute façon. Réponse silencieuse, qui ne lui ressemblait sans doute pas lorsqu’on le connaissait bien. Il n’était pas bavard que sur grand écran, il l’était aussi dans la vie de tous les jours, au plus grand damne des ses proches. Il fixait devant lui le coin de verdure qui s’offrait sous ses yeux, un instant, avant de cligner des paupières, de secouer sa main gauche pour constater qu’elle serrait toujours les boites et qu’il avait dû en échapper une ou deux au passage. Il se décida finalement de tenter de les fourrer ans les poches du grand blouson qu’il n’avait pas encore décidé d’abandonner. De toute façon, le temps lui semblait un peu trop frais à son goût pour qu’il ne l’enlève, et ça lui permettait d’être un peu plus tranquille.

Il eut finalement un léger haussement des épaules. Dire qu’il aimait se balader dans les parcs de temps en temps? C’était un de ces petits plaisirs faciles de la vie dont il oubliait parfois la saveur, dont il oubliait même l’existence. Et les gens ne semblaient pas toujours se rendre compte le nombre de choses qu’il mettait continuellement de côté pour faire bonne figure ou ne serait-ce que pour faire plaisir à un public qui le critiquait pourtant, occasionnellement. Alors non, il ne savait pas si c’était quelque chose qu’il appréciait réellement ou si ça lui paraissait simplement quelque chose d’un peu trop ennuyeux. Mais ce n’était certainement pas une activité des plus désagréables, pourquoi s’en plaindre? Il suivait donc volontiers son guide du moment, comme s’ils avaient été potes, comme s’ils avaient été autre chose que de simples connaissances. Mais Arthur était ainsi fait : il était si ouvert, livre ouvert, bavard et sociable qu’on ne pouvait pas non plus faire entièrement comme si on l’ignorait. Il avait toujours été cette figure, ce centre de l’attention que l’on jalousait parfois un peu trop.

Il s’égara un instant à l’écouter parler de ce qui pouvait être bien ou ce qui pouvait ne pas l’être. Il l’écouta, entre les lignes, lui dire qu’il n’avait sans doute rien à faire des autres opinions. C’était sa vie, après tout. Et s’il aimait courir comme un dingue toute la journée, c’était son problème, n’est-ce pas? Il but une gorgée brulante qui sembla le soulager.

—Être heureux, est-ce vraiment la question? Je me suis toujours dirigé là parce que j’avais l’impression que c’était la seule chose que je parvenais à faire. Tu vois, je ne serais as foutu d’être garagiste, pompiste ou secrétaire pour toutes les raisons qui font en sortes que je suis debout, sur scène et sur grand écran : je ne peux pas rester à ne rien faire et j’aime faire mon show, même si je parle seul pendant plus d’une heure devant des caméras et un auditoire hypnotisé.

C’était sa façon de voir les choses, après tout, et ça lui plaisait de les partager. Il avouait ne pas être tout à fait heureux, peut-être, mais simplement parce qu’il ne connaissait que cette vie là, ayant choisit de mettre de côté tout autre chose, n’ayant que lui de toute manière. Ce n’était pas comme s’il avait mieux à faire de toute façon, et ça ne lui déplaisait pas. Lorsqu’il en aura marre, il s’arrêtera. Mais pour l’instant, il se complaisait à faire éclater de rire autant qu’à faire pleurer un public sur commande, comme s’il en avait été le maitre et eux, les marionnettes. Il se tourna complètement vers Shawn, lui décrochant ce sourire d‘une sincérité destructrices pour celles qui souhaitaient voler son cœur. Si ça faisait plaisir à Shawn, ça lui faisait plaisir à lui aussi, même s’ils ne savaient strictement rien l’un de l’autre, bien que l’autre en connaissait sans doute davantage sur l’animateur que ce dernier sur son guide. Il s’apprêta d’ailleurs à lui dire de ne pas le remercier… mais son regard changea de direction… Il hurla un «Attention!» un peu brusque et, sans trop comprendre pourquoi, clignant des yeux, comme prêt à subir un impacte, il se retrouva de côté. Il entendit toutefois la chaine du vélo tourner dans le vide, les cris, le métal raclant le trottoir, les injures et les grognements douloureux.

—Ho mon dieu! Est-ce que ça va?

Il n’était d’ailleurs pas certain s’il devait poser la question à Shawn uniquement qui s’était pris le vélo en pleine poire ou au cycliste affalé par terre. La question s’adressait aux deux, peut-être. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il n'avait plus son gobelet de té entre les mains, qui avait fait un mini vol plané entre temps.

Il continuait de bavarder avec Arthur, pas vraiment attentif à ce qui ce passait autour d’eux, jusqu’à ce que le cri d’alerte de l’animateur ne lui fasse tourner la tête. Un cycliste, c’était un cycliste aussi inattentif que lui qui avait attiré l’attention de la vedette, ça et le fait qu’il leur fonçait droit dessus. Et Shawn pour toute réaction n’eu que l’idée de pousser Arthur hors de la trajectoire, se contentant pour sa part de se dissoudre aussi brièvement et discrètement que possible. Enfin ça c’était le scénario écrit pour que tout se passe bien. A la place Shawn se retrouva forcé de faire un "bisou" au vélo, l’impact le faisant tomber au sol tandis que son gobelet lui décrivait un magnifique soleil avant de se renverser un peu partout sur son jean. Dire que la journée avait si bien commencé.

Grommelant son mécontentement, il chercha à reprendre ses esprits pour comprendre ce qui avait bien pu se passer. Le cycliste aurait dû le traverser complètement pas le percuter de plein fouet. C’était à n’y plus rien comprendre. Au moins il avait réussi à éviter le pire à celui qu’il voyait aujourd’hui plus comme un ami, que comme une vedette rencontré par hasard. Il ne savait pas si cette impression durerait une fois chacun repartit de son côté mais il comptait bien profiter encore un peu de l’occasion. Se relevant, ses muscles le tirant quelque peu, Shawn se dirigea vers le cycliste encore à terre pour lui apporter son aide. Parce qu’il n’était pas rancunier sans une très bonne raison. Parce qu’un accident sa pouvait arriver à tout le monde, l’inattention aussi. Souvent lui le premier en fait.

Tendant une main amicale, il aida l’autre "victime" à se remettre sur pied. L’homme ne semblait pas avoir plus de dégâts que lui et en ressortirait surement avec quelques bleus. Une chance que Shawn n’ai pas choisi de se solidifier, sinon le pauvre cycliste aurait pu se briser quelques os. Enfin pour ça il aurait fallu que sa mutation s’active normalement. Il était d’ailleurs toujours perplexe à ce sujet. Il lui été déjà arrivé que sa mutation se manifeste alors qu’il ne le souhaitait pas, mais c’était la première fois qu’un phénomène inverse se produisait. Et là où c’était encore plus étrange c’était que Shawn avait désormais un bien meilleur contrôle de son pouvoir et que ce genre de déraillement ne se produisait qu’en cas de stress ou d’émotions trop intenses.

Une fois sa bonne action faite, Shawn releva la tête afin de voir comment se portait l’animateur, s’il ne l’avait pas poussé un peu trop brusquement ? Il avait l’air de bien se porter d’ailleurs et semblait plutôt s’inquiéter de l’état des deux accidentés. Affichant son plus beau sourire, le mutant tenta de le rassurer.

« Et bien pour résumer je dirai que le vélo est un peu abimé, on va avoir droit à de joli bleus, j’ai du chocolat plein mes vêtements et ton thé est fichu… heureusement il nous reste des muffins ! »

Ramassant le sachet de pâtisserie qui avait survécu il ne savait comment, Shawn le tendit fièrement à bout de bras. S’il était capable de plaisanter c’est que tout n’allait pas si mal en effet. La seule chose qui le tourmentait à vrai dire c’est qu’il ne comprenait pas pourquoi son pouvoir n’avait pas fonctionné. Oubliant un instant Arthur et le cycliste, il se concentra afin d’augmenter sa densité. Mais là encore rien, pas le moindre changement, ni même petite sensation dont il avait l’habitude. A croire que sa mutation s’était mise en veille aussi bien dans un sens que dans l’autre. Ce pouvait-il qu’un autre mutant se trouve dans les parages ? Un mutant pouvant bloquer les autres ? En ce cas les deux personnes les mieux placés restaient l’animateur et le cycliste qui l’avait percuté.

Son regard faisait l’aller retour de la vedette à l’homme au vélo avant de s’arrêter sur Arthur, essayant de s’imaginer que lui aussi soit un mutant. Arthur Sterzbaum, à qui il rêvait de demander un autographe, mutant ? Ce serait sans doute la plus grosse de toutes les surprises qu’avait pu connaitre Shawn aujourd’hui. Mais avant ça il devait d’abord en être sûr.

Il avait momentanément fermé les yeux en se sentant repoussé, hoquetant un drôle de bruit qui n’était rien de plus qu’une surprise frappante. Il avait frénétiquement frotté ses mains contre son pantalon, sentant l’odeur du thé sur ses doigts, constatant qu’il en avait renversé un peu partout avant que ce dernier ne fasse aussi un vol plané à travers ciel. En revenant vers les deux hommes étalés à même le sol, se frayant tout de même un chemin entre les quelques personnes qui s’étaient arrêtés, qui avait assisté à la scène et qui étaient tout simplement aussi curieux qu’un amateur de sensations fortes. Il plaça une main devant sa bouche et étouffa un rire en constatant qu’il y avait eu bien plus de peur que de mal. Sans doute aurait-il aimé se rendre davantage utile, mais son rire retenu l’empêcha de réagir plus qu’il ne le fallait et ce fut Shawn qui bougea le premier pour s’assurer que le cycliste n’avait rien de casser. Évidemment, la situation aurait été beaucoup moins drôle si ça avait été le cas. Mais bon. Mieux valait-il en rire que pleurer. Et sans doute riait-il davantage du au fait que le chocolat chaud du brun s’était étalé sur son pantalon que riant de la chute catastrophique elle-même. Il l’observa donc se relever, reprenant tant bien que mal un air tout à fait sérieux, un brin inquiet malgré tout que le brun se soit casser quelque chose sans qu’il ne s’en rendre compte. Heureusement, ce ne fut pas le cas.

Son sourire se renouvela en l’écoutant parler et s’étira davantage encore en le voyant se précipiter rapidement vers le sac contenant les muffins, muffins qui avaient miraculeusement survécus, d’ailleurs. Il avait tendu les mains vers le sac de muffins qu’il récupéra, l’ouvrant pour fixer son regard à l’intérieur, souriant de plus belle en constatant qu’en effet, les pâtisseries n’avaient pas souffert de leur chute tout aussi spectaculaire que ne l’avait été celle de leur propriétaire. Il renifla, se frotta le nez une seconde et tendit de nouveau le sac de muffins à Shawn qui l’observait d’ailleurs un peu drôlement. Il fit une drôle de moue curieuse et songea que ce n’était peut-être que l’effet de la chute qui rongeait encore les pensées du brun.

—Tu es sûr que ça va? Tu as peut-être une commotion? Lui avait un casque, pas toi. Tu ne t’es pas cogné la tête, au moins?

Son sourire s’était volatilisé pour laisser place à cet air un peu anxieux, ou plutôt inquiet, malgré le calme qui perçait à travers sa voix. Vrai. Se serait bien le comble si l’homme s’effondrait quelques minutes plus tard en pleine rue parce qu’il ne s’était pas immédiatement rendu compte de ses blessures. Et se rendant compte de son insistance, il se tut, imaginant ses producteurs à sa place… Les gens avaient toujours eut tendance à lui reprocher qu’il ne prenait pas suffisamment soin de sa santé et il rétorquait toujours qu’il s’arrêterait lorsqu’il n’en pourrait plus, pas avant, alors autant vivre ce qu’il avait à vivre au maximum, n’est-ce pas? C’était bien connu qu’un animateur ne restait pas forcément au top de la popularité éternellement. Il n’était pas une rock star, non plus. Et dans quelques années, peut-être aura-t-on déjà oublié son nom.

Plus de peur que de mal c’était le cas de le dire, que ce soit pour lui ou pour le cycliste. Tous les deux à nouveaux sur pied, Shawn avait profité qu’Arthur s’assure de la survie des pâtisseries pour laisser repartir l’homme et son vélo, le tout après un dernier sourire, quelques excuses et une poignée de main. C’est vrai que pour vérifier qui de lui ou d’Arthur parvenait à bloquer ses pouvoirs, le laisser partir n’était pas vraiment la meilleure chose à faire, mais il ne voyait pas vraiment comment il pourrait le retenir. De même il ne se voyait pas jouer les pots de colle en insistant pour s’assurer que tout allait bien car à coup sur il finirait par se faire jeter. Et si jamais c’était bien ce cycliste le responsable, tant pis, ça ne serait qu’une occasion de raté, une occasion qui avec de la chance se reproduirai peut-être un jour. Sauf bien évidemment si l’animateur se révélait être le responsable, ce qu’il était assez pressé de découvrir.

Ecartant les quelques passants qui s’étaient rassemblés suite à l’accident, il retrouva le présentateur télé, récupérant au passage le sac de muffins dans lequel il piocha rapidement. C’est que ça creuse tant d’émotions. Il ne pouvait s’empêcher de continuer de lui lancer ce regard mi-curieux mi-songeur, se demandant ce qu’il ferait si jamais Arthur se révélait bien être comme lui. A coup sûr Shawn ne pourrait s’empêcher d’aborder le sujet à un moment, l’idée que peut être son nouvel ami ne savait rien sur le sujet ne lui traversant nullement l’esprit. Mais pas de précipitation il fallait être bien sûr de soi avant. Offrant un sourire rassurant à l’animateur inquiet, il enchaina rapidement.

« Non c’est bon ne t’inquiète pas, ma tête n’a pas cogné le sol. On devrait peut-être plutôt repartir maintenant, qui sait si quelqu’un te reconnaissait de nouveau. »

Un nouveau sourire, plus amusé cette fois, en souvenir de la petite mésaventure de la pharmacie. Il aurait bien rajouté son éternel « je suis plus solide qu’il n’y parait » pour le rassurer complètement mais pour le coup ça aurait été assez faux. D’ailleurs contrairement à ce qu’on pouvait croire en le voyant il ne prenait pas ça à la légère et malgré la quasi invulnérabilité que sa mutation lui procurait parfois, il était conscient de ses limites. Ca pouvait paraitre idiot présenté comme ça, mais avec sa maladresse, Shawn se blessait tellement souvent qu’il était bien loin de se croire invulnérable, mais quand il assurait se sentir bien c’est que c’était le cas. D’ailleurs il reconnaissait volontiers que la collision avec le vélo n’avait pas été tendre et qu’il aurait assurément de joli bleu, mais il tenait debout et pouvait marcher alors c’était le principal. Et non ça n’avait rien à voir avec le fait qu’il souhaitait vérifier cette hypothèse de mutation.

D’ailleurs question de taille, comment vérifier son hypothèse sans attirer toute l’attention si jamais elle se révélait totalement fausse. Reprenant la route en entrainant l’animateur à sa suite, il restait songeur attendant l’illumination. Ils avaient quand même fini par arriver au petit lieu de verdure que Shawn avait proposé au départ et c’était rapidement installé sur un banc pour finir de dévorer le sac rempli de muffins. Continuant la discussion en toute innocence, il avait bien entendu profité de cette petite pause pour retenter l’expérience de ses pouvoirs et vérifier s’il était bien capable de passer au travers du dossier du banc, mais une fois encore rien. Il avait renouvelé le tout encore deux ou trois fois pour être bien certain de lui et désormais un large sourire triomphant ornait son visage de gamin. Arthur Sterzbaum, l’animateur dont il été plus que fan se trouvait être comme lui un mutant. La surprise était de taille, mais du coup il mourrait d’envie d’en discuter un peu avec ce dernier. Parce que c’était tellement inattendu et qu’il commençait plus à le voir comme un bon ami possible que comme une vedette inaccessible.

« Je m’excuse de te demander ça, mais est que tu ne … »

Il fut malheureusement interrompu dans sa phrase par le passage rapide mais assez bruyant d’un petit groupe d’enfant en train de jouer. Il s’était bien sûr apprêté à aborder le sujet mutant avec l’animateur, mais il voyait désormais une faille dans sa logique que sa hâte précédente n’avait pas décelé. Il ne pouvait sans doute pas se permettre de sortir ça comme si c’était le sujet le plus naturel du monde non. Car oui après tout si Arthur était un mutant, peut-être ne le savait-il pas pour autant et même si Shawn pouvait être spécialiste de ce genre de boulette, il préférait les éviter le plus possible.

« … pourrais pas me signer un autographe ?! »

Vu qu’il était lancé, il devait bien terminer sa phrase, même si ça n’avait pas du tout été sa question de départ et que ça avait bien du s’entendre ou même se sentir. Il se sentait un peu penaud sur le coup, n’ayant pas prévu au départ de demander un autographe de cette manière.

Il n’avait. Quelques bleus, sans doute. Quelques ecchymoses et probablement aura-t-il, quelques courbatures demain matin. Mais sinon, il n’avait rien, disait-il, ne serait-ce que pour rassurer les inquiétudes de l’animateur. S’il ne le connaissait pas très bien, il était de nature à s’inquiéter facilement pour les autres. Surtout lorsqu’il avait l’impression qu’une toute nouvelle relation se formait. Pas comme au boulot, pas comme avec n’importe qui. Juste une bonne relation, entre connaissance et amitié, peut-être. Et Arthur lui sourit finalement, pour toute réponse à ces commentaires qui ne servait qu’à calmer l’inquiétude du moment, le moment passé. Il l’avait laissé reprendre ce qui lui revenait de droit, soit son sac de muffins, et s’assura que ses petites boites trainaient toujours au fin fond de ses propres poches. Finalement rassuré, il se débarrassa de ses lunettes qui l’agaçaient franchement, maintenant, et les glissa dans une des poches sans fond de la veste un peu trop grande pour lui. Il opina finalement de la tête, à l’idée de ne pas rester éternellement sur place.

Il se laissa donc attirer bien volontiers, grignotant le muffin qu’il avait volé au passage. Sans trop réaliser que cette pâtisserie faisait partie de son lot quotidien. Muffin café… Enfin, il avait abandonné le café après ses premières réactions d’intolérance et s’était plutôt tourné vers la thé ou du moins la tisane, par peur d’en provoquer une autre à force de thé vert revigorant. Il n’était pas mécontent de s’éloigner si rapidement de la foule, même s’ils n’étaient pas au pas de course et qu’ils semblaient guère empressé d’atteindre le petit coin d’herbe verte où Shawn tenait tant à l’amener, ne serait-ce que pour lui faire partager un peu de cette petite vie qui était la sienne et qu’il ne connaissait pas, lui offrant simplement l’occasion d’en apprendre davantage sur le personnage gourmand qu’il était. Et lorsqu’ils arrivèrent enfin, il ralentie le pas, ne serait-ce que pour laisser Shawn s’installer avant lui, profitant, dans une seconde de perdition songeuse, de ce petit instant où il cru ne plus entendre les klaxons agressant de la ville. Il aurait aimé la campagne. La campagne et ses odeurs de fumiers, de fleur, d’herbe fraichement coupée. Mais à New-York, ce n’était pas évident, et même s’il avait les moyen de se prendre un petit lot dans ce monde vert, il avait choisit la grande ville pour demeurer aussi près que possible de son boulot. Le jour où il ne serait plus animateur, sans doute se pencherait-il pour cette solution de tranquillité toute nouvelle pour lui qui avait tant l’habitude de courir d’un bout à l’autre des différents plateaux.

Il sourit, tout simplement, une fois de plus avant de se décider à s’installer à son tour sur le banc un peu frais d’abord au premier contact dû, sans doute, à l’ombre imposée par le grand arbre pourtant un peu plus loin de l’endroit où il se trouvait. Et il devait s’avouer qu’il était bien, là, tout de suite. Puis la voix du gourmand le tira brusquement de ses pensées quelque peut rêveuse et il lui accorda l’attention due. Il n’était jamais celui qui ignorait les autres. Du moins jamais volontairement. Et il était d’une patience infinie envers les plus empressés et extravertis. Il le sentit toutefois hésité une seconde, une toute petite seconde… et continuer sur sa lancée. Arthur pris sans doute involontairement un air tout à fait surpris, mais se rattrapa rapidement de ce grand rire brusque et instantané, oubliant un peu son rhume. Il eut ce petit rire spontané qui le caractérisait (on en parlait régulièrement en plaisantant) dans lequel il faisait automatiquement des petits bruits de cochons ou de dindes en train de se faire étrangler, c’était au choix de la description.

—Tu aurais pu le demander à n’importe quel moment, tu sais, lâcha-t-il après s’être calmé. Il fouilla rapidement dans ses poches voir s’il n’avait pas ce qu’il fallait. Il avait bien un stylo, en fait il en trainait continuellement sur lui par habitude, mais il n’avait aucune surface pour signer, du moins.

—Hey bien, il y a toujours le sac de muffins, mais je crains que ce ne soit pas très approprié…

Oui il avait prévu de demander un autographe à l’animateur depuis qu’il l’avait reconnu  dans la petite pharmacie avant de comprendre que ce n’était sans doute pas le meilleur jour. Arthur semblait vouloir passer une journée sereine et anonyme et Shawn n’était pas assez fanatique pour ne pas respecter ça. Il se sentait donc un peu penaud d’avoir finalement prononcé les mots qui lui faisait tant envie depuis leur rencontre et aurait sans doute pu rougir de la situation d’autant plus quand il songeait à la véritable question qu’il avait souhaité poser. Il est vrai qu’il aurait quand même certainement demandé sa signature au mutant, mais aurait sans doute attendu la toute dernière minute pour le faire. Parce qu’il souhaitait réellement profiter de l’occasion de connaitre et de profiter de ce moment sans laisser penser qu’il était juste intéressé alors que c’était totalement faux.

De même il s’était finalement résigné à aborder le sujet mutant avec Arthur, c’était peut être un peu trop osé pour une première rencontre alors qu’ils se connaissaient tout juste  et commençaient à peine à sympathiser. Ce n’était sans doute pas à un sujet à aborder à la légère, chose qu’il avait parfois un peu tendance à oublier, usant de sa mutation sans toujours véritablement réfléchir ou faire attention aux conséquences. Heureusement l’univers ne semblait pas totalement s’acharner sur lui et peut être qu’il y avait toujours un peu de chance dans ses malheurs qui sait. C’est juste que partager une telle chose avec une personne qu’il admirait tel Arthur ça l’avait tout de suite enthousiasmé. Peut être plus tard, dans un endroit tranquille, quand ils se reverraient, parce que malgré l’emploi du temps de l’animateur et son statut, il l’aimait bien et avait bien envie de le revoir. Comme toute connaissance même nouvelle, comme un ami peut-être.

Le petit rire d’Arthur augmenta un instant sa gêne, mais Shawn retrouva rapidement son sourire comme souvent quand il s’agissait de rire de sa personne. Après tout ce n’était peut être pas aussi dramatique que son esprit toujours inquiet voulait bien le lui faire croire. Il trouva amusant le son du rire de l’animateur, mais ça n’avait rien de moqueur, lui-même faisant parfois de drôle de bruit qui ressemblait à on ne savait trop quoi puisque ça n’avait aucun autre équivalent connu. Son sourire un peu gêné revint quelque seconde néanmoins en le voyant déjà fouiller les poches de sa veste de camouflage.

« Merci ! Beaucoup ! Mais je ne voulais pas trop t’imposer ça alors que tu semblais ne vouloir rien d’autre qu’une journée tranquille comme toute personne normale. »

Il posa son regard sur le sac de muffins désormais vide, les douceurs bien vite englouti par les deux gourmands. Ca ne le gênait pas vraiment qu’il signe dessus, ça restait un support comme un autre et puis il pouvait toujours se venter qu’Arthur Sterzbaum avait partagé un sac de muffin avec lui, mais c’était assez gamin. Plongeant finalement la main dans la poche de son blouson, il en tira le petit carnet blanc dans lequel il notait un peu tout comme des idées, des rendez-vous important, de simple note de rappel ou même gribouillait pour le plaisir. L’ouvrant sur une page blanche, il le tendit à l’animateur pour qu’il puisse y laisser glisser son stylo. Comme quoi les stars étaient toujours bien équipés.

« Tiens ça devrait être mieux je pense. Je m’excuse quand même de t’imposer ça mais je suis vraiment un grand fan. »

C’était dit, mais ça n’enlevait rien au fait qu’il avait apprécié de pouvoir réellement connaitre l’homme qui se cachait derrière celui de l’écran, bien qu’ils ne soient pas si différent à ses yeux. Jamais il n’avait imaginé une telle rencontre possible et encore moins un possible rapprochement mais ça c’était fait pour sa plus grande joie. La petite question de la mutation il la remettait à plus tard désormais, ça pouvait parfaitement attendre et Shawn n’avait désormais qu’à profiter de ce moment pour continuer de discuter encore jusqu’à ce que leur route se sépare en fin de journée.



HJ: Sujet terminé