« Maintenant, c'est l'heure du repas. » Elliot fit un grand sourire aux trois fauves qui se trouvaient devant lui. Trois magnifiques tigres du Bengale qui attendaient patiemment leurs morceaux de viandes en se léchant les babines. Après l'effort, le réconfort, non ? Les animaux n'étaient pas stupides. Ils savaient exactement à quel moment le repas était servi et Elliot pouvait le ressentir dans leur façon de se comporter. Il en avait pris l'habitude depuis ce long mois passé à s'entrainer avec eux. Chaque gestes avaient de l'importance. Par exemple, l'un des trois tigres se montraient plus impatient que d'autres et avait refusé de travailler plus longtemps. Puis, maintenant que son nouveau maître rangeait les accessoires, l'animal était revenu près de lui pour s'asseoir entre les deux autres, comme si de rien était. C'était d'ailleurs le tigre favori d'Elliot, car il n'en faisait qu'à sa tête et qu'il était attachant malgré tout. Être dans un cirque ne devait pas être une partie de plaisir pour ces mammifères hyperactifs, mais les ramener à leur état naturel n'était pas non plus la meilleure des solutions. Plutôt que de les enfermer dans des cages à l'intérieur d'un zoo, le cirque les avaient recueilli pour qu'ils ne soient pas seuls et qu'ils puissent se détendre à travers des exercices bien précis. Et sincèrement, Elliot aimait leur tenir compagnie.

Sauf que pour aller chercher le repas, le jeune homme devait les quitter un instant. Grâce à son télé-contrôle animal, Elliot put les approcher pour les caresser chacun leur tour sans risquer de se faire attraper le bras. Le mutant ne les contrôlait pas pour qu'ils deviennent des marionnettes mais canalisait leurs instincts pour qu'ils restent tranquille et qu'ils ne le prennent pas pour un jouet. Les tigres dont-ils s'occupaient avaient pris l'habitude de la présence du jeune homme et savaient qu'il ne leur voulait aucun mal. Ils avaient donc accordé leur confiance à Elliot mais un accident pouvait vite arriver. Mieux valait-il que le jeune garçon ne tente pas de les approcher de trop près sans les maîtriser avec sa mutation, quelque soit l'estime qu'il leur portait.

Après avoir récupéré de quoi nourrir les fauves, Elliot repartit vers le chapiteau principal. En levant les yeux, il fut surpris de constater que quelqu'un se trouvait dans l'antre des tigres et était certain qu'il ne s'agissait d'aucun membre du cirque. Qui avait été assez stupide pour venir s'enfermer avec des tigres ? Surtout que le petit préféré du jeune homme s'avançait dangereusement de l'inconnu, prêt à lui bondir dessus à n'importe quel moment. « Ajay ! » Le tigre porta rapidement son attention sur Elliot, qui pénétrait dans l'antre sans fermer derrière lui. Ses yeux ne quittèrent pas ceux de l'animal à qui il donnait un ordre sans prononcer un seul mot. Les deux autres tigres ne bougeaient pas. Elliot les contrôlait déjà pour éviter le pire et rapidement, il leur lança un morceau de viande à chacun pour les occuper ailleurs, le temps de faire sortir l'intrus qui ne semblait pas vraiment en bon état. En se penchant vers l'inconnu, Elliot ne sut comment s'y prendre. Ce type avait l'air fatigué et malade. Savait-il au moins où il se trouvait en ce moment même ? « Qu'est-ce qu'il vous a pris d'entrer ici ? » Le jeune homme était peut-être timide, mais dans des moments comme celui-ci, il ne se privait pas de réagir. Cependant, l'homme au sol semblait au plus mal et il ne pouvait pas le sermonner plus longtemps. « Je dois vous faire sortir, venez. » Elliot souleva l'inconnu du sol et le fit rapidement sortir pendant que les tigres dégustaient leur repas. Une fois qu'ils furent hors de l'antre, le jeune homme se dirigea vers la caravane qui lui avait été attribuée pour pouvoir faire asseoir l'étranger. « Vous n'avez vraiment pas l'air bien... » Elliot ne savait pas vraiment comment s'y prendre. Il ne connaissait pas cet homme et ne savait pas pourquoi il était dans cet état, ni pourquoi il s'était enfermé avec les tigres. Un dépressif suicidaire ? « Je peux vous aider, mais il va falloir m'expliquer pourquoi vous étiez enfermé avec les fauves. »

Nerveux et maladroit, Elliot posait des questions sans réfléchir, alors que les faits étaient sous ses yeux. Ce n'est qu'après coup qu'il réalisait le ridicule de son comportement. Mais il n'avait pas le temps de s’attarder sur ce problème. Le plus important était d'emmener l'inconnu hors de la cage aux fauves et hors du chapiteau. Et c'est dans sa caravane que le jeune homme décida de le conduire. On aurait presque pu croire qu'il faisait tout pour le cacher et l'éloigner des autres membres du cirque. Mais peut-être était-ce le cas ? Elliot ne connaissait pas encore le reste de la troupe et ne pouvait prévoir leurs réactions. En agissant comme il le faisait, il s'assurait d'être seul responsable de cet homme qu'il avait trouvé dans son domaine, dans son antre aux fauves. Si quelqu'un devait obtenir des explications sur la présence de l'étranger dans la cage aux tigres, c'était bien lui. Elliot lui avait sauvé la mise après tout. Pourquoi mêler un autre membre à cette histoire ? Il n'avait pas envie de commettre une erreur et préférait n'alerter personne avant d'en savoir plus.

Une fois dans la caravane, Elliot fit de son mieux pour faire asseoir l'inconnu sur la couchette avec le plus de délicatesse possible. Puis, il lui posa une question. Une seule. Il voulait savoir pourquoi celui-ci s'était retrouvé dans l'antre des tigres. L'homme bafouilla alors quelques mots, qui firent comprendre à Elliot qu'il était en cavale et qu'il n'avait pas su pour les fauves. Peu convaincu, car il avait trouvé ce type enfermé volontairement dans une cage, le jeune garçon s'apprêtait à approfondir la discussion mais fut coupé dans son élan. L'étranger s'était endormi, recroquevillé. Ne pouvant rien faire d'autre que d'attendre, Elliot prit un plaid qui trainait dans un coin et couvrit l'homme, avant d'aller s'asseoir sur une chaise. Et il attendit patiemment que l'inconnu se réveille en lisant un bouquin historique.

Quelques heures s'étaient écoulées. Concentré dans sa lecture, Elliot fit un bond lorsque l'inconnu se réveilla en sursaut. Puis, il décida de quitter son livre en voyant l'homme paniquer. Ce dernier était d'ailleurs tellement perdu qu'il s'emmêla dans le plaid et tomba par terre. Impuissant face à la situation, Elliot se leva de sa chaise en observant la scène. Il ne pouvait pas tenter d'aider l'inconnu de peur de recevoir un mauvais coup, qui l'aurait forcément changé en une horrible créature prête à faire un tas de dégâts. C'est alors que le plaid traversa les pieds de l'étranger. Un mutant ? Il en avait tout l'air, à moins qu'Elliot commence à fatiguer ? Le jeune homme ne lâcha pas l'inconnu des yeux alors que ce dernier recommençait à paniquer, au point de finir contre les placards du coin cuisine de la caravane. Troublé par ce comportement pour le moins inhabituel, Elliot se sentit mal à l'aise. Il n'avait jamais provoqué cette réaction chez quiconque et se demandait pourquoi l'inconnu avait si peur de lui. Il eut même le réflexe d'observer brièvement son reflet sur la fenêtre pour s'assurer qu'il n'avait pas pris l'apparence de la créature, sans le savoir. Après tout, la mutation pouvait réserver beaucoup de surprises. Mais par chance, Elliot abordait son apparence humaine. Alors, ses yeux se posèrent à nouveau sur ceux de l'étranger, qu'il tenta d'approcher en douceur.

« Tout va bien... Je ne vais pas vous faire de mal. » Toujours aussi timide, le jeune garçon ne savait pas quels mots choisir pour tenter de calmer l'homme face à lui. Et quelque part, voir cet inconnu aussi effrayé le peinait. « Je vous ai sorti de l'antre des fauves, vous vous souvenez ? » Elliot préférait rappeler ce fait, au cas où. L'étranger venait à peine de se réveiller. Il n'avait peut-être pas encore le souvenir de ce qu'il s'était passé avant son profond sommeil. « Je m'appelle Elliot. » Bon, là il se sentait vraiment ridicule. Mais il ne savait pas comment gérer la situation. Jamais encore il n'avait eu à s'occuper de quelqu'un. Les animaux, il y parvenait aisément. En revanche, les hommes, c'était une toute autre histoire. « Je n'ai dit à personne que vous étiez ici. Vous n'avez rien à craindre...»

Jonathan. Cet homme s'appelait Jonathan. Il pouvait passer à travers la matière et avait dû fuir. C'est tout ce que savait Elliot sur son compte. Devait-il lui poser d'autres questions ? Il n'en était pas sûr. Il ne voulait pas le mettre mal à l'aise. Pourtant, il n'allait pas le laisser partir dans cet état. À moins que l'autre décide de s'en aller, bien évidemment. Elliot n'était pas en train de le séquestrer. Il le tenait ici, en sécurité, le temps de... de quoi au juste ? Que Jonathan se sente mieux ? Pourquoi s'occupait-il de lui ? Maintenant qu'il avait vu sa mutation à l’œuvre, Elliot deviné qu'il s'était retrouvé dans l'enclos des tigres en passant au travers de la toile du chapiteau. Il n'avait, normalement, plus à s'en faire pour cette histoire. L'homme n'était donc visiblement pas suicidaire. Il avait fuit et s'était réfugié ici. Il pouvait être n'importe qui. Même un criminel. Mais Elliot ne craignait rien. Avec sa mutation, une blessure et l'autre ne pourrait plus l'atteindre.

Lorsque Jonathan présenta sa main au jeune garçon, celui-ci l'observa un moment, sans faire un seul geste. « Je...» Elliot fixait cette main et recula d'un pas en secouant légèrement la tête. « Je ne peux pas.» Son comportement pouvait paraître bizarre, mais il ne voulait pas brûler l'inconnu juste pour une poignée de main. Alors, il changea vite de sujet, comme si de rien était. « J'imagine que... vous êtes entré dans la cage de la même façon que vous vous êtes libéré du plaid.» Ce n'était pas une question, puisque Elliot avait la réponse. Et il n'allait pas parler de cette histoire de cage aux tigres trop longtemps. Machinalement, il prit une petite serviette qui se trouvait près de l'évier et alluma l'eau - froide - pour humidifier le linge, qu'il présenta à Jonathan en veillant bien à ne pas le toucher. « Tenez, pour votre fièvre. C'est tout ce que je peux proposer. Sauf si vous préférez partir.» Elliot proposait cette alternative, bien que l'homme semblait avoir cherché à se cacher - sinon, il ne se serait pas retrouvé ici. « Si vous avez faim, je peux aller chercher quelque chose.» Lui demanderait-il pourquoi il fuyait ? Non. Pas pour le moment. Comme avec les animaux, Elliot attendait qu'une certaine "confiance" s'installe pour voir si la conversation irait au delà de simples banalités. Et il était prêt à aider cet homme, si ça en valait la peine. Puisqu'il était un mutant, les options pour expliquer sa fuite n'étaient pas très larges. Elliot ne connaissait presque rien aux différents groupes de mutants qui s'agrandissaient chaque jour, mais il savait que certains humains ne devaient pas apprécier le fait de se retrouver face à un être différent.

Souhaitant noyer le poisson avec cette histoire de salutations, Elliot changea rapidement de sujet en se reculant un peu, pour garder une bonne distance entre l'inconnu et lui. Et comme il l'avait finalement deviné, la mutation de Jonathan l'avait malencontreusement amené à échouer dans la cage aux tigres. Elliot n'insista pas sur cette affaire, qui était désormais réglée, et proposa d'aller chercher de la nourriture, au cas où. Mais l'inconnu ne semblait pas avoir faim. Il semblait même dégoûté à l'idée d'avaler quelque chose. Elliot prit en compte son refus et cherchait de nouvelles questions dans sa tête, tout en observant Jonathan qui s'était levé pour visiter la caravane.

Il n'y avait pas grand chose à voir dans ce petit espace, hormis les affaires personnelles que le jeune homme avait amené pour se sentir ici comme chez lui. Des magazines, de vieux journaux, des bouquins qu'il chérissait et qu'il relisait sans se lasser, des babioles qui lui tenaient à cœur - comme la boule à neige dans laquelle se trouvait un tigre miniature que sa mère lui avait fait cadeau et qu'il emmenait partout avec lui. Bref, vraiment le strict minimum qui ne demandait pas beaucoup d'attention et qui ne transformait pas tant le lieu. Et Elliot suivait attentivement tous les regards que Jonathan portait sur son petit espace, sans se douter un seul instant de ce que ce dernier avait en tête. Alors, lorsque l'inconnu lui saisit les poignets, Elliot eut un sursaut de surprise, un mouvement de recul.

Tirant ses poignets en arrière dans l'espoir de s'extraire de l'emprise de l'autre, le jeune homme dévisageait Jonathan, se demandant bien ce qu'il lui passait par la tête. Après tout, il ne le connaissait pas. Il restait craintif. « Lâchez-moi...» La voix d'Elliot n'était pas assez autoritaire. Il demeurait timide malgré la situation et ne savait comment réagir autrement qu'en se laissant faire. Oui, il se laissait faire et ne protesta plus, laissant Jonathan observer ses mains comme une bête curieuse. Mais il ne fallait pas que la situation dégénère. Elliot essayait de maintenir son calme et évitait la contrariété. Il ne pouvait pas se permettre de se transformer, sauf en cas d'extrême urgence.

Pourquoi ? Cette question fit lever les yeux du jeune homme, qui fixait désormais les prunelles de Jonathan sans ciller. Que voulait-il dire par là ? Pourquoi quoi ? Elliot ne bougea pas lorsque ses poignets furent libérés et il attendit la suite qui ne tarda pas à arriver. L'inconnu voulait savoir pourquoi il l'aidait, pourquoi il le protéger, sans rien savoir de lui et sans même oser une poignée de main. Là, le jeune homme baissa les yeux et planqua instinctivement ses mains dans son dos, pour éviter que Jonathan ne reprenne ses poignets. « Vous passez à travers les objets et ça ne me surprend pas. Que croyez-vous que je suis dans ce cas ? » Elliot leva à nouveau les yeux et se recula contre un meuble, pour maintenir cette fameuse distance qu'il voulait garder entre lui et l'inconnu. « Une poignée de main pourrait vous brûler au dernier degrés. » Sa phrase se termina par un soupir. Elliot n'était pas franchement ravi de cette condition mais devait s'y faire, pour le bien de tous.

« Vous êtes plutôt bien tombé, ici. » Devait-il dénoncer le reste des membres du cirque ? Il vaudrait mieux. Peut-être même que Alan pourrait aider le fugitif, selon les conditions de sa fuite. « Le cirque est entièrement composé de mutants. J'en suis un. Tout comme vous. » Curieux, Elliot prit son courage à deux mains pour oser poser quelques questions à Jonathan. Après tout, il avait ouvert l'interrogatoire, alors, il était logique de continuer sur cette lancée. « Et vous. Pourquoi fuir ? Pourquoi êtes-vous dans cet état ? »

Pour la première fois de sa vie, Elliot devait faire face à une situation qui lui était totalement inconnue. Souvent guidé par sa mère ou par ses proches amis, le jeune homme n'avait encore jamais été confronté à un inconnu, qui heureusement, ne se montrait pas agressif envers lui. Elliot devait s'en occuper pour l'aider à aller mieux tout en cherchant des réponses à ses questions. Quelques heures plus tôt, Jonathan avait parlé de fuite. Mais qui le suivait ? La CIA. Le nom à lui seul eut le don de faire frémir le jeune homme qui ne s'attendait pas à une telle révélation. Les agents du gouvernement étaient au courant pour l'existence des mutants ou Jonathan était-il recherché pour d'autres raisons ? Elliot ne parvenait pas à regarder ailleurs qu'en direction de l'inconnu, à la fois curieux et effrayé par son histoire. Il fut d'ailleurs un peu trop hésitant sur la date à donner et bafouilla plusieurs fois en délivrant sa courte réponse.

Cinq ans ? Durant cinq ans, cet homme avait été emprisonné entre les murs des établissements de la CIA ? Elliot ne parvenait pas à comprendre les motivations de l'agence, jusqu'à ce que Jonathan donne plus de détails. Ils avaient fait des tests et avaient bloqué le pouvoir du mutant sans que ce dernier ne sache pourquoi. Et ce fut exactement la question qui vînt à l'esprit d'Elliot à cet instant. Pourquoi ? La CIA avait-elle peur des mutants ? Dans un sens, ce ne serait pas vraiment étonnant. Certaines mutations ne pouvaient pas être gérables et quelques personnes se servaient de leurs capacités à des fins personnelles ou pour commettre des crimes. Mais Jonathan, était-il un criminel ? Il n'en avait pas franchement l'air. D'accord, Elliot ne le connaissait pas et pouvait toujours se donner le bénéfice du doute, mais si l'inconnu avait été un homme dangereux, il aurait certainement agi différemment depuis son réveil. Et il ne se serait pas énervé, comme il venait de le faire, en terminant son récit.

Plus que jamais effrayé par toutes les histoires qu'il entendait au sujet des humains et surtout par l'affirmation de ses craintes, Elliot baissa les yeux et crispa ses doigts contre le meuble derrière lui, anxieux. Comment pourrait-il évoluer dans un monde comme celui-ci si un homme à la mutation non apparente avait été enfermé pendant cinq ans uniquement parce qu'il pouvait traverser les murs ? Que se passerait-il pour Elliot si quelqu'un venait à le voir sous son autre forme ? Le jeune homme manqua d'air un instant puis se reprit, en poussant un profond soupir. « J'imagine que vous n'êtes plus en sécurité maintenant que vous avez fui. » Ce n'était pas une question, plus une affirmation. Elliot avait devant lui un fugitif. Et maintenant ? Devait-il le laisser partir ou l'aider à se mettre en sécurité ? Le jeune homme était totalement perdu mais tenta quand même de parler. « Vous allez faire quoi maintenant ? S'ils vous retrouvent... » Elliot ne continua pas sa phrase. La suite était évidente. Effrayante. « Si je peux vous aidez... » N'en revenant pas lui-même de se proposer, le jeune homme leva les yeux vers Jonathan. Qu'il était stupide. Que pouvait-il faire contre la CIA ? Rien du tout. Il n'était qu'un jeune adulte, qu'un étudiant. Même si sa mutation pouvait repousser certains ennemis, qui sait ce dont la CIA était capable ? Et pourquoi aiderait-il un homme qu'il ne connaissait pas et envers qui il n'avait aucune obligation ? Il l'avait trouvé et après ? Elliot ne connaissait pas les motivations qui le poussaient à agir ainsi mais était tout de même prêt à prendre des responsabilités si nécessaire. La vie d'un homme était peut-être en jeu et s'il pouvait faire une bonne action, alors...

C'était peut-être un sentiment stupide, mais Elliot était ravi de pouvoir aider quelqu'un, même si la situation ne prêtait pas à un sourire. Son visage restait neutre, mais au fond de lui, le garçon se sentait bien. Il pouvait se rendre utile. Il pouvait échanger les rôles. On ne l'aidait plus, c'est lui qui aidait. Même s'il n'avait pas fait grand chose jusqu'à présent, Elliot se promettait de faire tout son possible pour protéger Jonathan. Il n'allait peut-être pas l'aider toute sa vie, mais puisqu'il avait fini ici, au cirque, c'était la moindre des choses à faire. Elliot avait naturellement proposé d'aider sans savoir ce qu'on allait lui demander. Il ne pourrait pas se battre contre des agents de la CIA - sauf peut-être s'il n'avait pas le choix - et ne pourrait pas non plus les empêcher de poursuivre leur fugitif. Pour l'heure, il pouvait donner quelques vivres à l'inconnu, l'aider à se loger, à reprendre des forces et surtout à démarrer une nouvelle vie. Car, même s'il ne le connaissait pas, Elliot se doutait bien que tant d'années enfermé dans une cellule n'avait pas aider Jonathan à mener une vie normale. Il avait certainement perdu beaucoup de choses de son passé et devait en reconstruire pour avancer. Elliot était donc prêt à faire partie de cette étape, avant de laisser la suite des événements faire leur chemin.

Le service que lui proposa Jonathan fut des plus simples. Il voulait que le jeune homme se rende dans une librairie. Bien, il pouvait faire. Elliot se sentait déjà prêt à partir accomplir la demande de l'inconnu qui notait toutes les informations nécessaires sur un marque page. Le nom de la librairie disait vaguement quelque chose à Elliot, jusqu'à ce qu'il se souvienne être passé de nombreuses fois devant lorsqu'il était plus jeune, sans jamais entrer à l'intérieur. « Bien, je le fe... » la phrase d'Elliot fut couper. Jonathan était en train de l'étreindre, à sa grande surprise. Que faire dans ces moments-là ? Le jeune garçon était totalement perdu et laissait ses mains loin de l'inconnu pour éviter le pire. En tout cas, Jonathan n'avait pas peur de ses drôles de "capacités" et semblait vraiment avoir besoin de quelqu'un, d'une présence. Après tout, il avait été coupé du monde et des hommes sociables pendant de longues années...

Jonathan demandait à Elliot un instant, que le jeune homme accorda malgré son étonnement. C'était bien la première fois qu'il recevait l'étreinte d'une personne autre que sa mère. Cependant, lorsqu'il sentit une petite gêne s'installer, Elliot se recula doucement en observant le papier où était noté l'adresse, totalement déboussolé. Son esprit n'était pas très clair. Il ne comprenait pas encore tout ce qu'il ressentait à cet instant et préféra se concentrer sur la demande de Jonathan. « Vous pouvez lire, écrire, faire ce que vous voulez. J'en aurai pas pour très longtemps. Mais, surtout... si vous décidez de partir, laissez quand même une note. Je suis du genre rapidement inquiet et même si je ne vous connais pas, vous êtes entré ici, dans ce cirque et... bref, ne vous enfuyez pas sans prévenir. » Elliot se sentait extrêmement gêné de donner cette recommandation et n'en revenait pas lui-même d'oser demander à un parfait inconnu de laisser une note s'il s'en allait. Puis, sans attendre, il sortit rapidement de la caravane, direction la librairie.