Peut-être parce que cela correspond à la situation, je ne remarque pas qu'il pleut. Il pleut à verse, un épais rideau d'argent tissé qui vient marteler la terre durcie par l'automne. J'étais à l'abri sous le parapluie avec mon meilleur ami Chris, dans un univers protégé m'offrant un mince rempart contre la réalité. Je suis à sa droite. Je suis toujours à la droite de Chris, et je me demande souvent si c'était déjà ainsi quand nous étions petits.

J'ignore depuis combien de temps nous sommes là, devant ce tas de terre où repose les corps de mes parents. Mais mes pieds refusent de bouger, refusent de m'emmener loin de ma mère, qui repose, ensevelie et en miette, dans la terre. Sous la pluie battante, je me rappelle que cela fait déjà un an que mes parents sont décédés. Je n'arrive toujours pas à y croire, comme s'il s'agissait d'un cauchemar qui ne s'arrêterait jamais. Pourtant, il s'agissait bien de la réalité. Je suis triste, en colère et j'ai l'impression d'avoir été abandonnée. Je n'ai que 19 ans et cela fait déjà un an que je suis seule, seule, sans savoir ce que me réserve l'avenir. J'ai dû apprendre à me débrouiller toute seule du jour au lendemain, personne pour me dire comment agir, quoi faire. Mes parents voulaient que j'aille à l'université, mais aujourd'hui tout me parait si insipide. Ils ne sont plus là et il aurait fallu que je reprenne ma vie comme si de rien était ? Impossible, j'ai pourtant essayé, mais je n'y suis pas arrivé.

Et ça fait déjà un an, pourtant j’ai l’impression que ça remonte à hier que l’on m’apprenait que mes parents ont été assassinés. Mes émotions me submergent et je ne peux empêcher mes larmes de couler, je me sens vide, si vide. Soudainement, je pense à Charly (ma sœur) qui se trouve je ne sais où. Elle aurait été la plus apte à comprendre ce que je ressentais en ce moment. Et pourtant elle n’était pas là. Chris prend ma petite main gantée dans et le soulagement m’envahit en sentant la pression énergique de ses doigts. Il s’approche pour que je l’entende. « Je resterai avec toi aussi longtemps que tu le souhaites, Andy.» Je ne peux qu’acquiescer, le regard fixé sur les larmes de pluie qui ruissellent sur la tombe de mes parents, je me demande comment mes parents réagiraient s’ils me voyaient comme ça, sans doute pas très bien.

Mes larmes ont à présent disparu, mais ma colère, elle, reste toujours présente. Je n'ai que dix-neuf ans, mais je suis à la limite de la crise de nerf. Mes parents ont été assassinés, ça je l'avais très bien compris, mais pourquoi ? La question qui m'empêchait de dormir paisiblement depuis un an. Un an que j'essayais de répondre à cette question, mais aujourd'hui je me retrouvais sans réponse valable. Même la police n'avait aucune piste concernant les causes de ce meurtre. Ce qui me posait vraiment un problème était de ne pas connaître les raisons, si on s'en était pris à mes parents il serait possible que ma sœur soit en danger, et peut-être que moi aussi par la même occasion. Bref, un semblant de méli-mélo qui allait finir par me rendre folle un jour...

Mais aujourd’hui je comptais bien reprendre ma vie en main.