♣ Je ne sais même plus comment je suis arrivé là. Et où je suis d’ailleurs ? Tout ce dont je me souviens, c’est de Shaw, sa proposition et notre plan, à Alex et à moi, et puis…La difficulté d’adaptation à la menace qu’a représenté la mutation d’Alex. Ah oui, et puis je me souviens de son regard. C’est la dernière chose que j’ai vu ; son regard terrifié de ce qu’il était en train de se passer. J’ai pourtant essayé de lui dire de ne pas s’inquiéter, que je m’adapterais. Car c’est ce que je fais ; je m’adapte. C’est ce que j’ai toujours fais. Cependant, pour la première fois de ma vie, je ne sais pas en quoi je me suis adapté…Je suis vivant, c’est tout ce que je sais. Je n’ai pas de corps, je ne vois ou ressent absolument pas le monde extérieur, je suis seul. Ce n’est pas comme si c’était vraiment quelque chose de nouveau pour moi, de me retrouver seul.

Depuis presque ma naissance j’ai dû apprendre à compter surtout sur moi-même. Mon père, je l’ai à peine connu, il a quitté ma mère peu après ma naissance en accusant cette dernière de l’avoir trompé. Soi-disant que je ne lui ressemblais pas du tout. C’est vrai que j’ai tout pris de ma mère physiquement. Je suis noir, sans aucune trace d’un métissage avec un Latino comme l’était mon père biologique. Depuis le départ ma mère a tenu un ressentiment envers moi pour cette raison : j’ai fait fuir mon père. C’était une chose totalement inconsciente et indépendante de ma part, mais le fait était là. Alors j’ai appris à vivre avec. Ou sans plutôt. Sans que ce soit l’amour parfait entre une mère et son fils, la vie avec ma mère fut calme. J’allais à l’école, où j’étais stigmatisé à cause de ma couleur de peau. La ségrégation faisait encore rage et malgré tout, je n’étais pas le bienvenu dans beaucoup d’endroits.

Puis ce fut l’abandon total. Diagnostiqué comme surdoué à huit ans après avoir passé des tests de QI, je fus envoyé à la Baltimore Academy. Là, pas de ségrégation officielle, mais les élèves me faisaient bien sentir que je n’étais pas comme eux et que je ne le serais jamais, quand bien même mon niveau équivalait les leur. J’y suis resté 9 ans dans cette école. Concrètement, j’aurais pu aller plus loin et obtenir un diplôme. Sauf que j’avais découvert ma mutation à 15 ans, deux ans avant mon départ. Comme je vous le disais, les élèves n’hésitaient pas à me stigmatiser, à me dévaloriser, en gros, j’étais la tête qui ne leur revenait pas. A tel point qu’ils ont finis par m’enfoncer la tête dans les toilettes des garçons un jour. J’ai cru qu’ils allaient me tuer, sincèrement. Mes poumons brûlaient du manque d’oxygène et ma vision s’assombrissait alors que les minutes passaient. Puis l’air revint, d’un coup, et je cru qu’ils m’avaient relâchés. Mais non. Je respirais sous l’eau. Quand les autres l’ont remarqué, ils ont très vite déguerpit et je n’avais plus à me soucier de leur brimades. Je leur faisais peur. Je ne pouvais que les comprendre, ayant peur de ce qu’était ce phénomène. J’allais chercher soutiens chez ma mère…Grosse erreur, aussitôt qu’elle le sut elle a refusé catégoriquement que je revienne chez elle pour les congés. J’ai tenté de tenir, d’avoir mon diplôme, mais le fait que ma mère me rejette de cette façon a eu des conséquences lourdes sur mon moral et j’ai fini par tout claquer, non sans un coup de poing bien placé à l’un de ceux qui m’avaient pris pour cible durant ces neuf longues années.

J’étais seul. Complètement seul. Et sans le sou. J’ai cependant réussi à survivre comme je le pouvais grâce à des petits boulots ingrats mais qui permettaient de me nourrir et de mettre un toit au-dessus de ma tête. C’est durant mon dernier job, chauffeur de taxi pour la petite anecdote, que j’ai rencontré ceux qui allaient m’offrir la chose la plus proche d’une famille que je n’ai jamais eue. Charles Xavier et Erik Lensherr. Deux mutants, doués visiblement et qui recrutaient de jeunes mutants comme moi, un peu paumés. On était tous si différents les uns des autres, des passés et des familles à l’opposés parfois, mais une chose nous rassemblait : notre mutation. Je me suis très vite senti à l’aise avec ces gens, comme si je faisais partie d’une famille. C’est pour ça que j’ai tout fait pour les protéger. Je ne voulais pas qu’il leur arrive quoi que ce soit. Sean, Raven, Hank, Angel…Alex. Probablement celui dont j’étais le plus proche, à cause de nos passés semblables en cela que nous étions deux solitaires. Lui par peur de sa mutation, moi par les codes de la société.

Pourtant, je les ai perdus eux aussi. Aurais-je la chance de les revoir un jour… ?