♣ Imprévisibles et destructrices. Telles étaient les colères de ses parents.
Kane avait depuis longtemps compris que rien ne pouvait les arrêter lorsqu'ils étaient lancés, et ce n'était pourtant pas faute d'essayer.

Il s'accrochait de tout son poids au bras de son père. Celui-ci pointait vers sa femme un index accusateur, prononçait des paroles dures. Le ton montait. Les paroles devenaient cris, puis hurlements. La colère froide faisait place à la rage, à l'explosion. Cela faisait trois fois qu'il leur criait d'arrêter. Comme si vraiment ils allaient l'écouter ... Il avait beau essayer de s'interposer, il finissait toujours par fuir dès les premiers fracas. Une autre assiette bonne pour les poubelles...

Ce n'est qu'à ce moment qu'il abandonnait. Qu'il battait en retraite, tremblant de tous ses membres, retenant avec peine les violents sanglots qui menaçaient de lui échapper. Ses parents ne voyaient jamais rien. Ils semblaient dans leur monde, oubliant l'espace d'un instant qu'ils avaient des enfants, des enfants qui n'en pouvaient plus de les entendre se disputer, qui n'en pouvaient plus de voir les dégâts qui s'ensuivaient. Ils étaient insensible à la détresse de leur progéniture...

Lorsque Kane retrouvait un semblant de contrôle, il traînait ses pieds nus jusqu'à la chambre qu'il partageait avec son frère. Il ne manquait jamais de trouver Shane sur son lit, le plus souvent en larmes. Alors il bombait le torse, s'approchait et passait ses bras autour du petit corps de son jumeau de la façon la plus rassurante possible. Il le serrait, fort fort fort, essayait de calmer ses pleurs silencieuses, lui essuyait les joues tout doucement, un peu maladroitement, avec sa main. Il se montrait fort, pour redonner du courage à Shane. Il le fallait absolument, pour ne pas que son frère s'effondre, pour ne pas qu'ils s'effondrent tous les deux. Il ne démontrait pas à quel point il avait mal, à quel point il avait envie de pleurer et hurler et à quel point il souhaitait que tout cela s'arrête ... Jamais Kane n'osait ouvrir la bouche, dans ces moments-là. Le plus qu'il pouvait faire, c'était murmurer des "Shhh" d'un ton tremblant, la grosse boule dans sa gorge aurait trahis sa peine s'il avait dit quoi que ce soit ...  Alors il appuyait son menton sur les cheveux de son frère et le gardait pressé contre lui... Son regard perdu dans le vide, regardant sans voir ... et ce n'est qu'à ce moment que ses yeux s'emplissaient de larmes, qui jamais ne coulaient ... Car pour son frère, il fallait se retenir ... Il le fallait ...