Mallory ouvrit les yeux. Difficilement. Comme d'habitude, Mallory avait entendu ses plantes rouspéter parce que les volets étaient toujours fermés. Dans un petit râle, il se leva. Il frotta ses yeux et erra quelques secondes dans le noir de sa chambre. Les mains du jeune homme caressèrent le mur, à la recherche de l'interrupteur. Un petit son mécanique se fit entendre et l'ampoule s'alluma.

« Pourquoiiiii ... » soupira t-il en clignant des yeux.

Mallory aurait préféré rester au lit. Mais les plantes voulaient leur dose de soleil. Et comme à son habitude il alla ouvrir ses volets. Le vent frais du matin entra dans la pièce et le jeune homme poussa un petit cri. Il dormait toutes les nuits en caleçon. Et il détestait particulièrement sentir l'air froid croquer chaque parcelle de sa peau.

« Voilà, tous les volets sont ouverts. Contentes ? »

Puis il s'approcha de l'arrosoir poser sur une petite étagère du salon. Il le saisit, le remplit et continua son rituel matinal. Après avoir arrosé chaque plante de l'appartement, il s'en alla dans la cuisine, alluma la cafetière et mis quelques tartines de pain dans le toaster. Il se gratta les cheveux, bailla et après quelques minutes d'attentes, il versa son café et étala de la confiture sur le pain. Il déplaça son petit-déjeuner dans le salon et alluma la radio. Comme tous les matins, il écoutait les nouvelles en mangeant et en débattant avec ses plantes. Puis, après avoir fini son café, il se dirigea à la douche.

Aujourd'hui était un jour aussi banal que le trajet du métro. Linéaire, strict et ordonné. Mallory détestait ça. Il aimait quand les choses bougeaient. C'était probablement pourquoi il avait choisi une vie d'artiste. Mais il y avait toujours des jours comme ça. Banal et ennuyant.

Après avoir erré toute la matinée à chercher quelque chose à faire, il décida de sortir manger en ville. Au moins, il verrait l'extérieur. Il adorait le bruit de la ville. Il s'assit sur un bac et mangea son repas. Puis il sortit un petit carnet remplis de notes illisibles. Ce que Mallory adorait faire quand il n'avait aucunes occupations dans la journée, c'était de s'asseoir sur un banc et de commencer à imaginer la vie des passants. Qui étaient-ils ? Que faisaient-ils là ?

Alors, pendant deux bonnes heures, il écrivit. Ensuite, il alla se promener. La journée avança plus vite que Mallory ne l'eut cru -même si elle lui parut longue et interminable- et alors que la nuit tombait, il décida de s'arrêter dans un bar. Il avait bien envie d'un verre de bon vin. Quelque chose pour le désaltérer. Il entra donc dans le bar le plus proche et s'assit au comptoir. Le barman arriva rapidement et lui demanda ce qu'il désirait. Mallory dit avec un grand sourire

« Un verre de rouge. Peu importe lequel tant qu'il est bon. »

Le barman partit donc servir le verre que Mallory savoura. Il n'était pas si mauvais. Ce n'était sûrement pas le meilleur qu'il eut l'occasion de goûter mais bon, il fallait s'y attendre. Une petite voix se fit entendre dans la tête du jeune homme. Quelqu'un mourrait de soif. Définitivement la plante qui trônait derrière, seule et particulièrement desséchée. Quand le barman revint vers Mallory, le jeune homme se permit de lui dire d'un ton particulièrement sec

« Je crois que votre plante à soif. En fait, j'en suis même sûr. Si vous n'êtes pas capable de vous en occuper, pourquoi en avoir une ? »

Le barman le regarda. Si Mallory était toujours souriant et sympathique, il pouvait rapidement être froid et sec lorsque l'on faisait du mal aux plantes. Un bon samaritain pour la cause de la nature, un activiste de Green Peace avant l'heure. Et c'était vraiment agaçant. Mais le barman se contenta de répondre d'un air blasé, tout en arrosant la plante

« C'est une plante, c'est pas comme si c'était un chien. »

Mallory soupira face à un tel manque de respect et recommanda un verre. Il regarda autour de lui. Le bar s'était rempli rapidement. Les gens étaient arrivés en masse après leur journée de travail. Et tout le monde discuter. Le jeune photographe ressortit son carnet et se mit à prendre des notes plus illisibles les unes que les autres.

Aujourd'hui était aussi banal que la ligne du métro. Linéaire, strict et sans aucun piment.

Mallory n'avait pas réellement remarqué ce jeune homme avant qu'il n'arrose la plante que le photographe entendait hurler à l'agonie. Pourquoi avait-il fait ça ? Etait-ce simplement parce que Mallory avait eu une réaction inappropriée ?

Mallo se retourna quand l'homme lui demanda s'il était horticulteur ou simplement soucieux. Il remarqua alors l'homme assis à côté de lui. Il était ... magnifique. Le jeune homme rougit. Pourquoi lui parlait-il ? A dire vrai, il n'était pas vraiment habitué à attirer l'attention d'homme comme celui assis juste à côté de lui. Il resta le fixer pendant trentes bonnes longues secondes, puis se rendit compte qu'on lui avait posé une question. Après quelques balbutiements gênés, il lui répondit

« Oh non, je ne suis qu'un simple photographe. C'est juste que ... »

Hésitation. Que pouvait-il donc lui dire ? Il ne pouvait décemment pas lui sortir qu'il entendait la plante hurler. Il aurait aussitôt fini à l'hôpital. Et, avouons-le, personne ne voulait finir la bas. Après quelques secondes de silence, des yeux qui se baissent et un soupir, Mallo lui dit

« J'ai une relation particulière avec les plantes. »

Voilà, c'était suffisant. Il n'avait pas besoin de tergiverser. Et puis, ce n'est pas comme s'il devait tout lui raconter non plus. Malheureusement Mallory avait du mal à garder son calme face à des gens aussi charismatique que la personne qui se tenait devant lui. Oui, il était timide devant la gent masculine. Allez savoir pourquoi. Malgré tout, le photographe leva ses yeux et les plongea dans ceux de Thomas. Il lui sourit. Un sourire innocent et naïf, puis il lui demanda

« Mais, vous, qu'êtes-vous ? Horticulteur ou soucieux ? D'ailleurs, je pense que cette plante vous remercie. »

En effet, la petite plante le remerciait. Elle voulait même le câliner, s'enraciner sur lui. D'ailleurs, elle le trouvait très séduisant. Et elle ne pouvait s'empêcher de le dire à Mallo.

« Han, la chance ! Il est trop beau. Tu vas te le faire ? Allez avoues ! Tu reviendras me raconter ?! Tu veux pas me prendre avec vous ? »Suppliait-elle.

C'était très dur de garder son calme avec cette plante qui lui parlait comme ça. Elle ne s'arrêtait pas lui demandant des tonnes de questions. C'était un moulin à parole. Ça se voyait clairement qu'elle venait de se faire arroser. Mallo toussota pour lui faire comprendre de se taire. C'était insupportable et surtout extrêmement gênant face au jeune homme.

« Je suis sûr que c'est un dieu au lit. »

Le photographe devint pivoine. Il faut avouer qu'il y avait pensé l'espace d'une seconde. Mais c'était juste une pensée. Ephémère. Repartie aussi vite qu'elle était arrivée. Mais la plante adorait enfoncer le couteau dans la plaie et ça se voyait !

« Stop ! » supplia Mallory.

Et il se rendit compte qu'il venait de parler tout seul aux yeux des autres. Encore. Que pouvait-il bien répondre à ça à part un désolé gêné. Ce qu'il fit d'ailleurs. Suivi d'une longue gorgée de son verre. Puis il en reprit un autre. Il avait besoin de boire. Et vite.