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 Bad Dreams in the night

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Bad Dreams in the night Vide
MessageSujet: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeJeu 6 Fév - 23:54


Troisième semaine à l'Institut. Alexiane prenait le pli des allers-retours entre l'université et l'Institut. Elle commençait à avoir ses habitudes. A la minute près. Elle s'arrangeait pour laisser une vingtaine de minutes entre la fin de ses cours et le trajet retour, pour permettre aux étudiants de lui poser quelques questions. Et un café avec eux n'était jamais de refus. A l'institut, les jours se ressemblaient. Toujours à l'heure pour le repas, l'expédiait en quelques minutes. Elle repartait dans sa chambre ensuite, faisait le point, se mettait à corriger des copies.

C'était vers 22h que cela devenait intéressant. Elle reposait son plume hors de prix sur son repose poignet en cuir, après l'avoir soigneusement refermé. Elle alignait ses copies et ses feuilles de cours. Jetait un oeil sur son épaisse thèse. Caressait du bout des doigts la couverture en cuir, un sourire en coin sur son visage. Elle saisissait ensuite sa guitare. S'échauffait de quelques accords. Puis elle commençait à chanter. En allemand. Doucement.

Elle avait un répertoire assez large. Chantait sans trop y faire attention. Ni bien ni mal. Elle chantait tout simplement. Ses doigts et son esprit occupés, elle ne pensait à rien. Juste cette musique. Les quatre murs de sa chambre, à la rigueur. Elle n'entendait plus rien. Mais quand elle commençait à prononcer ces mots, ces consonances particulières, elle avait un ton mélancolique. Cette chanson était taillée sur mesure.

- ... Ich durfte keine Nippel lecken und keine Falte zum verstecken. Niemand gab mir einen Namen, gezeugt in Hast und ohne Samen.

Et elle continuait, déchirante. Peu bouleversée à l'idée d'avoir sans doute la moitié du couloir qui profitait de ses gémissements. Mais au moins n'avait-elle pas ramené son violon, sinon ils en auraient bouffé du Tchaïkovsky.

Elle estimait après un moment que c'était assez de pleurnichements pour la soirée. Elle repose la guitare, se frotte le bout des doigts. Elle allume une cigarette, pose une fesse sur le rebord de sa fenêtre. Son regard vairon se fixe à l'horizon. Elle fume, jette le mégot. Referme la fenêtre. Et là, dans le silence, elle s'assied en tailleurs.

Les premières expérimentations avaient été très difficiles. Parce qu'au sein de l'Institut, quelque chose lui faisait perdre le contrôle. Elle ne saurait dire quoi. Mais l'énergie qui d'ordinaire était plutôt docile avec elle et lui permettait de créer son monde virtuel sans souci se rebellait, provocant des migraines bien plus violentes que celles qu'elle expérimentait d'habitude. Elle avait pris le pli, après ces trois semaines. Les douleurs étaient moins retentissantes. Elle finissait toujours par saigner du nez. Vomir dans les cas où elle était vraiment fatiguée. Mais cela finissait par passer. Toujours.

Elle faisait le vide de sa journée. Expirait les distractions lentement. Une petite faim qui pourrait la déconcentrer, une envie pressante? Cela n'avait pas sa place dans son monde. Les ombres menaçaient, le goût de l'acier, les aboiements en allemand, les regards. Les uns après les autres. Alexiane se mordait la lèvre. Non. Arrière. Elle les repoussait avec toute la force de sa volonté. Les voilà dans l'ombre.

Alexiane tend alors les mains. Elle convoque les courants. Les projette. Créer quatre parois. Une boîte plus qu'une pièce. Les détails s'effacent. Quatre murs blancs donc. Vierge de tous détails. De toute évocation. Un environnement propice à ce dont elle avait besoin, à sa dose de drogue quotidienne. Comme pour se purifier. Ses mains se détendent. Elle n'en a plus besoin. Là, c'est l'esprit. L'esprit qui se projette dans cette salle. Elle n'est plus une jeune femme blonde aux yeux vairons, guitariste à ses heures perdues, les mains pleines de tâches d'encre. Elle est un simple sujet qui se tient là, dans une boîte blanche, vierge de tout. Et là, elle convoque les souvenirs, les idées, les agence comme elle le veut, comme un monteur manipule les images d'un film. Elle refait son passé, le modifie, se ment, s'avoue, revit. Encore et encore. La colère. La haine. La mort. Le soulagement. Dans ses moments où elle se sent plus fragile, elle éprouve toutes les difficultés du monde à s'apaiser. Pas de figure maternelle pour la rassurer. Juste les cris. L'acier. Encore. Toujours. Elle se raccroche au premier souvenir de l'amour. Elle se repaît des émotions qui naissent de ces souvenirs. Elle aime à se sentir une femme différente. A faire et défaire son passé. A être maître de ce qu'elle voulait devenir. Ou artisane de ce qu'elle aurait voulu être dans sa jeunesse.

Elle avait besoin de ça. Pour s'empêcher de péter les plombs. Elle se dressait des scénarios, terriblement vivants, avec les acteurs de son passé. Elle changeait simplement les rôles, tous les soirs. Tour à tour bourreau et victime, elle se fascinait, et se délectait des émotions. Aussi difficiles et blessantes. Tant qu'elles étaient intenses et qu'elle les sentait presque battre au fond de son coeur, c'était tout ce qui lui importait.

Quand elle était au bord du gouffre, elle s'arrêtait. A bout de souffle. Trempée de sueur. Les émotions s'effaçaient, les murs blancs aussi. Et à mesure qu'elle sentait son esprit réintégrer son corps, la pesanteur dans ses membres, elle commençait à souffrir. Parfois un peu plus que les autres jours. Elle ne faisait plus trop la différence. Et parfois, elle s'évanouissait. Ca, c'était au début.

Et quand elle se réveillait de son blackout, elle était dans son lit, bien bordée dans les draps. Elle n'avait pas trop compris. Avait une petite idée. Mais n'en avait jamais parlé.

Ce soir était particulièrement difficile. Elle se retira plus précipitamment de la boîte, arrachée à sa contemplation par une fulgurante douleur qui lui vrilla le crâne. Elle se releva en titubant, grognant. Sa main sur son nez, du sang qui s'échappait de ses doigts serrés.

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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeSam 8 Fév - 17:20



One step inside doesn't
Mean you understand,
One step inside doesn't mean I'm yours
.


Elle pose sur le monde un regard clinique. La couleur délavée des ciels d'hiver. Le froid mordant. Le monde qui grouille autour d'elle. Il existe des frontières. Les défendre farouchement avec l'impression tenace que dans sa vie tout a fini par foirer. Elle a du louper un panneau, une sortie quelque part. Se retrouver dans le désert et s’apercevoir que les monstres que l'on poursuivait sont finalement bien ancrés sous votre peau. Se forcer chaque jour un peu plus à reconnaître en ses congénères un égal, un frère. A chaque pas, il lui faut convoquer les sentiments, les pensées, la parole. Ne pas sombrer. Ne pas libérer la bête.

Les corps qui se pressent contre le sien sont autant de parasites sur son écran radar, Les odeurs. Les bruits. Les couleurs. autant de voiles qui se posent sur ses yeux. Se forcer à marcher à leurs côtés. Lire leur putain de carte, leur putain de code qu'elle ne comprendra d'ailleurs jamais.

Toute la journée, elle voit passer des corps sans âmes. Des plaies, des os brisés, des bleus. Elle soulage, soigne, répare comme elle le peut. La nuit, on parcourt la ville aux lumières hallucinées. Parfois, assise sur les marches qui bordent l'hôpital, Ellie pense. Les ombres reviennent. Le plancher de bois aux clous rouillés. Les peaux jaunes et craquelées, la maladie, les visages émaciés aux yeux brûlant de faim. Elle allume une cigarette pour invoquer la chaleur. Retrouver le visage souriant de ce jeune soldat de l'armée rouge qui lui avait tendu sa première. Nicolaï.

L'Institut.

Elle rentre recouverte de la poussières acides et sordide de la rue. La dernière tournée l'a épuisée. Éteinte. Ses pas sont lourds lorsque le médecin arrive au deuxième étage. Elle a raté sa session de guitare. Cela l'attriste un peu. Le rituel est fixe depuis trois semaines. Apaisant. Elle attend, patiemment allongée sur son lit. Paisible. L'allemand ne lui paraît plus si rude, ni si terrifiant quand il est chanté.

Puis la douleur vient. C'est comme du bruit blanc. Hypnotisant. Désagréable. Jusqu'aux céphalés. Elle se glisse alors en dehors de sa chambre. La main posée contre le bois de la porte. Sonde. Le rythme cardiaque et respiratoire, les récepteurs sensoriels, les ondes cérébrales. Parfois, elle ose intervenir. Se penche sur le corps inconscient. Vérifie les constantes vitales. Apaise la douleur. Consciencieusement, la jeune femme la dépouille de ses vêtements souillés, lave la peau trempée de sueur glacée, la rhabille en prenant soin de ne pas la réveiller et finit par l'installer confortablement dans son lit pour la veiller jusqu'au matin. A cinq heures, Ellie se lève, la borde une dernière fois et s'en va. Sa journée commence.

Aujourd'hui, les parasites sont là. Forts. Ils envahissent l'espace, résonnent dans ses os. La main sur la porte, la jeune femme hésite. Pose une main sur la poignée, peu sûre d'elle. Son code déontologique prend le pas. Elle entre sans frapper. Habituée à la configuration de la pièce. Les piles de dossiers sur son bureau, la guitare posée près de la fenêtre, son parfum unique. Ses yeux fouillent la chambre. Du sang sur le sol. Rouge sombre sur le parquet en chêne massif. Sa main pâle recouverte d'un écarlate poisseux. Ses doigts qui effleurent son épaule.

-Tout va bien se passer.

Elle lui tend un mouchoir. Presse délicatement son index contre l'aile du nez. Le pouce redressant son menton. Se plongeant dans le réseau neural qu'elle connaît désormais bien, elle délie un par un les noeuds et les connexions. Soulageant, traitant les strates de douleur une par une. D'abord soulager, soigner les dégâts ensuite.
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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeSam 8 Fév - 20:25


Alexiane titubait, poussant des râles de douleurs, sa main crispée sur son visage. Les éclairs vrillent son crâne. Blancs. Mais au moins, les visages se sont éloignés. Elle ferait sa nuit. Maigre consolation qu'elle se soufflait tous les soirs, pour éviter de se penser accro. Ce n'est pas de la drogue. Mais elle avait fini par assimiler la douleur et l'évanouissement comme le soulagement ultime et la libération. La provoquer. L'attendre.

Avant, quand elle ne savait pas, il n'y avait que l'obscurité qui lui faisait peur. Quand elle était enfant. Puis, elle avait cessé d'avoir peur. Quand elle avait compris que ni ses pleurs ni ses cris ne trouveraient la compassion. De son père. De ceux qui l'enchaînaient tous les jours à ce bureau. De ceux qui prenaient des notes, en silence. De ceux qui la gardaient, asservis à son père.

Maintenant qu'elle savait ce qu'elle avait réellement fait, les fantômes ne la quittaient presque plus. La journée, elle s'occupait avec ses cours, ses différentes préparations, courir, un peu, beaucoup, rentrer crevée, les membres tremblants, une douche, manger, préparer ses cours, faire de la guitare. Et craindre le sommeil. Se libérer. Quitte à oublier sa dignité. Au moins quelques heures. Et repartir. Les sentiments, les sensations, la vengeance, puis la douleur.

Les larmes ruisselaient sur son visage, ses mâchoires serrées, le sang ne s'arrêtant pas de couler. C'est à travers ce rideau de douleur qu'elle vit sa porte s'ouvrir. La douleur se suspendit l'espace d'une seconde, le temps qu'elle aperçoive le visage d'Ellie.

Elle n'était pas vraiment surprise. Elle n'avait même pas envie de se cacher, comme la première fois. Elle n'avait pas envie de la repousser. De ruer dans les brancards en hurlant qu'elle allait s'en sortir toute seule. Comme la première fois où ce "miracle" avait eu lieu. Elle avait compris immédiatement, sans saisir l'étendue de son pouvoir avec précision.

Un de ces soirs de déchéance, où elle s'était retrouvée miraculeusement dans son lit, bien bordée, propre, elle s'était réveillée, couchée sur le flanc, le regard planté sur le mur de sa chambre. Elle était observée. Mais ce n'était pas hostile. Elle était là, simplement, une présence. Sur sa chaise. Son regard planté dans son dos. Immobile. Elle n'avait rien dit, retenu son souffle l'espace d'un instant. L'ombre la gardait. Alexiane avait souri, simplement, et avait refermé les yeux. Quand elle s'était réveillée sur les coups de 6h30, elle n'était plus là. Avait-elle rêvé cette présence? Longtemps elle s'était posée la question.

Alexiane saisit faiblement le mouchoir, et tâcha de ne pas... Trop tard. Elle se raccrocha à Ellie, ses mains refermées sur l'épais cuir de sa veste d'uniforme.

- Tu... Tu es en avance, aujourd'hui.

Le mouchoir plaqué sur son visage, son front brûlant contre son épaule. Ses yeux fermés. Les larmes de douleurs mouillant le cuir. La strate superficielle de la douleur se dissipa. Ses muscles se détendirent. Progressivement. Les éclairs s'espacèrent. Elle respira. Profondément. Une fois. Une deuxième fois. La douleur s'estompa. Lentement. Elle rouvrit les yeux, hébétés. Ses jambes se dérobèrent sous elle. Elle se rattrapa à Ellie, resserrant son étreinte.

- Je suis désolée.

Et le sang qui coule. Toujours.
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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeSam 8 Fév - 22:19


Son corps qui s'écrase contre le sien. Elle sera une ancre. Un rocher. Elle répartit le choc. Accueille. Absorbe la douleur, ses yeux clairs braqués contre le mur, les bras le long du corps. Doucement les relever, une main posée dans son dos. Elle est en avance et pour une fois, elle se dit que peut-être, c'est une bonne chose. Siffle entre ses dents doucement. Réconfortante. Ellie. Le rempart. Elle la soutiendra tant qu'Alexiane en aura besoin. Le sang sur sa veste, elle n'en n'a cure. Juste être là.

-Et bien...Il faudra remercier le grand-père qui a foutu le feu à son appart alors.

Ses lèvres esquisse un premier sourire. Doucement, la jeune femme la pousse vers la salle de bain. L'assoies sur bord de la baignoire. Relève doucement son visage.

-Je reviens. Laisse-moi juste trente secondes.

Ellie est rapidement à genoux devant elle, le regard sérieux. Concentré. Délicatement, elle positionne le coalgan. Puis à l'aide d'une serviette humide, essuie le sang coagulé sur ses joues. Lui tend un t-shirt propre. Le corps de la jeune femme est tremblant, sa peau encore brûlante, les yeux rougis. Elle l'aide à enlever le tissus souillé. La tête, un bras puis l'autre. Essuyer l'opale . Passer le vêtement. Précautionneusement. Il faut ensuite l'aider à se relever. Lentement. Passer un bras sous son aisselle. Ses jambes tremblent. Ne la portent plus. Elle l'attrape. Encore une fois. Finit par la soulever, la tête d'Alexiane contre sa poitrine.

-Ne sois jamais désolée et ne me remercie pas.


Soigner pour expier. Une vie pour une vie. Souffrance contre guérison.

Ellie l'allonge sur le lit. Positionne un oreiller sous sa tête. Lui sourit légèrement.
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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeDim 9 Fév - 18:59


Comme à son habitude, Alexiane avait toutes les peines du monde à former des pensées cohérentes. Alors pour ce qui était de les formuler, il était évident que c'était la croix et la bannière. Elle n'avait d'ailleurs jamais vraiment eu à le faire en public. Le spectacle de sa déchéance n'était réservé qu'à sa propre personne - ce qui était déjà beaucoup. Mais cela n'aurait pas dû être problème. Sauf que c'était Ellie. Et qu'en sa présence, les mots avaient toujours plus de mal à sortir.

- J'espère qu'il ne faudra pas mettre le feu à la moitié de New York...

Elle avait marmonné cette phrase dans l'épaule d'Ellie, étouffant ces mots qui lui avaient échappé dans le cuir. Espérant. Priant pour qu'elle n'ait pas entendu. Ou qu'elle ferait abstraction du sous-entendu. Elle rougissait.

Depuis qu'elle était en fonction dans l'Institut, elle avait toujours été polie avec ses étudiants et ses collègues, échangeant quelques paroles lorsque cela était nécessaire, sans ressentir ni le besoin ni l'envie d'approfondir ces relations. Il n'y avait qu'Ellie. Ce bloc qu'elle ressentait, ces murs infranchissables contre lesquels son énergie se brisait. Ce mystère. Cette femme fascinante, avec qui elle avait déjà un lien douloureux dont elle se serait bien passé. Cet ombre qui gardait un oeil sur son sommeil. Une présence sans parole. Qu'elle voulait apprendre à connaître. Sans en comprendre la raison.

Son sourire la choque, transperce le brouillard. Ses mains sur le col. Une planche jetée à la mer. A la dérive. Elle s'ébroue. Jette encore quelques gouttes de son hémoglobine sur le parquet. Elle se laisse soigner, docile, gênée, trop dans les brumes pour se défendre. Et elle n'en avait pas envie. Plus maintenant.

Le sang brun disparaît de son visage fatigué. Le soulagement. Elle ferme les yeux, souriant doucement. Elle se laisse faire quand Ellie retire son t-shirt poisseux de sang, mécaniquement. Sans doute habituée à ce genre de manipulations. Son corps devait lui sembler bien trivial. Presque familier. Sa cicatrice sur la pommette. Celle sur la clavicule. Sa peau diaphane. L'indifférence. Un corps qui n'a rien de séduisant. Ce qui l'attachait définitivement aux contraintes terrestres et l'emprisonnait à ses désirs. Une évidence au mieux, au pire un poids.

Elle se laisse porter, son bras glissant contre son corps, comme sans vie. Instinctivement, elle se recroqueville contre le corps d'Ellie. Un peu de chaleur humaine. Rare. Interdite dans sa jeunesse. Souvenirs confus. Pendant longtemps, elle avait cru qu'elle pourrait s'en passer, se contentant des Idées comme refuges. Les souvenirs. Une odeur, une étreinte, un souffle. Un regard. Des paroles dans les ténèbres. En allemand. Puis le néant. La vengeance.

Le lit. Froid. Elle part. Elle la sent quitter son espace. Sa main rattrape son poignet, doucement, usant de mille précautions. Mais si la parole lui était interdite, au moins pourrait-elle tenter de faire passer quelque chose avec son corps. Un peu de sa propre chaleur. Elle pressa son poignet. En guise de remerciements. Quelques secondes. Suspendues. Alexiane rassembla ses forces. Sourit. Et murmura de sa voix un peu rauque :

- Tu ne restes pas ce soir?

Son regard est fatigué. Mais interrogatif. Elle rejette les draps. Offre la possibilité. Ne s'impose pas.

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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeDim 9 Fév - 20:08


Ellie considère l'existence comme une autoroute amère qui emporte les êtres aimées. Le monde est douloureusement vide. Sec. Coupant. A chaque pas, c'est l'exil qui frappe à sa porte. A chaque jour, sa perte. Pour chaque rose, une lourde pierre. Ne plus jamais s'attacher afin de s'arracher aux pesanteurs, les chaînes qui la maintiennent au fond, qui la noient chaque nuit un peu plus. Le manque terrifiant qui la fige dans l'obscurité de sa chambre. Ses larmes qui restent lettres mortes jusqu'à ce que l'aube force sur ses traits un masque impassible. Puisque vient la double négation. Nuit de la nuit. Silence du silence.

Sa mère lui manque. Elle la reverra dans un autre lieu. Dans un autre temps. Juste un parfum, une voix,des doigts fins, qui essuient ses joues. Son frère lui manque. Ce sont les phares et les cris qui ont brûlés tous ses rires. Est-il arrivé jusqu'à l'Océan ? Sa soeur lui manque. Une main caressante dans ses cheveux. Les billets de train trop lourds dans ses poches. Et lorsqu'elle regarde les étoiles, Ellie ne peut s'empêcher de penser que toutes ne portent pas bonheur.

N'ait pas peur petite soeur. La vie est facile.
Vole, rayonne, tourbillonne


Alexiane. Retrouver la même fêlure qui la tient à la frontière des vivants.

Et puisque sous la surface, les larmes se dissolvent, sans angle, puisqu'ils ne comprendront jamais les kilomètres, le sang arraché à l'asphalte, la force que demande chaque seconde, chaque pas, chaque paroles, il ne faudrait jamais remonter.

Alexiane. Son corps d' ange brisé.

Ses mains souillés sur ses épaules nues. Les cicatrices. Son regard cartographie la peau translucide, le réseau des veines qui courent sous l'opale.

Elle sera là. Qu'importe les immeubles en feu. Qu'importe le temps que cela prendra. Tant qu'on aura besoin de sa présence. Elle restera. Gardant le sable et la poussière au loin. Chassant les ténèbres et les fantômes. Veillant. Silencieuse puisqu'il reste peut-être une place pour des gens comme eux. Alors, elle sera son guide.


La chaleur du contact, ses doigts sur sa peau traverse la glace des années. Brise les barrières. Ellie frisonne. Ses muscles se contractent, peu habitués à cette proximité volontaire. Son regard clair balaie tranquillement l'avant bras, remonte sur l'épaule. Ellie s'est toujours méfiée des paroles. Fausses. Inexactes. Les actes sont purs. Entier dans l'horreur. Pas de pardon. Pas de miséricorde. Alors, elle déplie son corps. Détache ses cheveux. Retire sa lourde veste. Ses bottes. Abandonne la fumée et l'acidité. Et se glisse aux côtés d'Alexiane. Son regard fixé au plafond.

-Je suis là.


Dernière édition par Ellie S. Dreyfus le Lun 10 Fév - 14:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeDim 9 Fév - 23:50


Elle avait accepté. Alexiane se contenta de sourire et de lui faire de la place. Quelque chose avait changé dans l'atmosphère. L'énergie semblait moins chaotique, circulant doucement entre elles, s'accrochant paresseusement à la silhouette d'Ellie. La douleur s'était évanouie, et les sensations revenaient progressivement dans ses membres gourds. Mais ce n'était pas le plus important. Alexiane se sentait respirer. Quelque chose sourdait en elle. Elle mit quelques secondes à identifier cette sensation. L'apaisement. Au bout de ses doigts, l'énergie frémissait timidement. Elle n'avait jamais retrouvé son assurance aussi rapidement.

Ellie retira sa veste. Une couche de son armure. Mécaniquement. La présence qui se glissa à ses côtés était toujours froide. Mais plus glaciale. Elle était sur le dos, le regard fixé au plafond. Alexiane avait posé son regard sur sa nuque, se laissant fasciner par les reflets flammes de ses cheveux. Elle tendit les mains. Le dos.

Toucher. On ne pouvait pas mentir sur le toucher. Et on pouvait tant transmettre. Mais elle ne la toucha pas. Un léger courant passa de ses paumes. Juste un peu de chaleur. Des ondes calmes. La rassurer. Lui demander sa confiance. Pendant un petit instant. Pas d'inception. Cela devait venir d'elle.

Ellie se retourna, laissant échapper un soupir. Elle ne dormirait pas. Pas facilement. Le regard vairon d'Alexiane tomba sur son bras droit, pendant qu'elle se retournait en bougonnant dans sa barbe. Un bras nu. Les caractères dans cette encre bleutée de mauvaise qualité lui serrèrent le coeur.

- Laisse-moi faire, souffla-t-elle.

Elle saisit délicatement son poignet. Marqua un temps d'arrêt, retenant son souffle, guettant la réaction d'Ellie. Doucement, elle déposa ses lèvres sur son tatouage. Le dissimula dans le creux de sa paume. Diffusa sa chaleur sur sa peau. Elle relâcha doucement sa main.

Le corps à côté d'elle était rompu. Il n'avait jamais été aussi évident d'envisager une faille dans son système de protection. Qu'elle se refusait. Mais il y avait autre chose. Une fatigue, une lassitude. Comment pouvait-elle ignorer ces signaux? Ces valises qui se creusaient sous son regard clair. La dichotomie entre le teint pâle, presque cireux, et l'alerte au fond des prunelles. Alexiane se mordilla la lèvre inférieure.

Elle aussi était fatiguée. Mais l'environnement était favorable. Alors, peut-être pour la première fois de sa vie, elle pria. Supplia. Avoir assez de force. Pour une toute petite boîte. Pas une évocation du bonheur. Quoi de plus frustrant que d'avoir une évocation de ce qu'on avait pu perdre? Déterrer des souvenirs. Engendrer plus de souffrance. Mais l'évocation de la paix. Juste assez pour qu'elle se détende légèrement. Qu'elle accepte la proximité de leur corps. Sa chaleur. Si Ellie ne parvenait pas à se réchauffer elle-même, Alexiane le ferait pour elle.

- Echange de bon procédé. Maintenant, dors.

Elle lui sourit. Une dernière fois.
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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeLun 10 Fév - 20:29


A0928. 20 points par chiffres. 20 morsures. 100 raisons de se foutre en l'air.
Ne jamais oublier. Ne jamais effacer les stigmates d'une guerre perdue d'avance.
Il n'existera jamais assez d'ailleurs pour guérir de là-bas. Parfois, elle souhaiterai trouver une réponse. Un lieu. Une planche de salut. Pour chaque pas, chaque étape, chaque souffle qu'elle arrache. Lâcher prise peut-être et enfin respirer. S'autoriser à dormir. Jeter la clé dans les eaux du fleuve et ne jamais se retourner.

Partir. Oblitérer chaque souvenir, chaque écho.

Parfois des fantômes de sensation reviennent. La fleur d'oranger. Un rayon de soleil qui réchauffe sa peau. Le goût des confitures de sa grand mère. Les lumières d'Hanoucca. Les yeux de son frère. Les retenir, encore un peu. Ne pas oublier. Etre la mémoire de ceux qui ont disparu. Porter la marque.

Le drap rêche sous sa joue. L'odeur de propre. De la jeune femme qui est allongée à ses côtés. Ses lèvres sur sa peau. Ses muscles se raidissent sous l'intrusion qui persiste. Finissent par donner leur rédition alors qu'une vague de chaleur courre le long de ses veines. Ne pas la repousser.

Ellie sent venir la débâcle. Une par une les chaînes qui la broient sautent.
L'eau stagnante des années, impure, s'écoule enfin.
Une larme glisse sur sa joue.

Le contact se rompt. Les sensations ne partent pas. Derrière ses paupières closes, la plage de Montauk. Le phare au loin et l'Océan, calme. Le sable blanc et le soleil d'hiver qui réchauffe son dos. Son souffle devient plus profond. Ses pieds qui s'enfoncent dans le sol meuble. La paix. Un baume glacé sur ses plaies à vif, sur les flammes de sa rancoeur, sur la rouille des déroutes, sur l'amertume des pertes.

Encore un soupir. C'est le souffle qu'elle retient. Les nuits sans sommeil. L'angoisse. A travers les brumes qui envahissent ses membres, son esprit, Ellie esquisse un sourire. Les yeux mi-clos. Son corps cherchant instinctivement le réconfort d'un semblable. Chaleur et sécurité. Juste une étreinte, innocente. Son nez contre son cou, un bras drapé autour de la jeune femme.

Fermer les yeux.

Lâcher prise. Enfin.

Dormir, mourir, dormir, rêver peut-être. C'est là l'obstacle.

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MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeLun 10 Fév - 22:17


D'ordinaire Alexiane dort du sommeil du juste, après s'être assommée aussi violemment. Un sommeil sans rêve, lourd, duquel il était toujours compliqué de s'extraire, au réveil. Le coaltar le matin. S'ébrouer. Asperger son visage d'une eau glaciale. Se fouetter avec un café serré. Nicotine rituelle et réflexe. Puis décoller. Mais pas ce soir.

Ce soir, chaque froissement de drap, chaque soupir, chaque mouvement d'Ellie, du plus léger au retournement complet, chassait les ténèbres qui engourdissaient son esprit. Elle passait à une strate de sommeil plus légère, attentive. Quelque chose frémissait à nouveau. Caressait sa peau. La réchauffait. Une onde inconnue. Qui émanait directement du corps d'Ellie.

Elle perçoit ses mouvements. Sent son corps contre le sien. Alexiane ne se raidit pas. Elle se contente de sourire, resserrant doucement son étreinte. Leurs chaleurs se mêlent. Et pour une fois, les rêves l'effleurent. Des sons cristallins. Des voix d'enfants. Du latin. Alexiane n'avait jamais été particulièrement croyante. Et son père avait toujours eu de plus grands projets pour elle que de la traîner à l'Eglise. Mais c'était dans les oeuvres sacrées qu'elle avait eu le sentiment de toucher la grâce. L'Idée de la beauté. Ces voix transcendent son coeur. La lave de ses regrets. De sa culpabilité. Non par leurs mots. Mais par leur pureté.

Elle dort, son souffle léger sur la peau d'Ellie. Naturellement. Sans se poser de questions. Comme si c'était la première fois qu'elles se rencontraient. Un éclair. La plage de sable fin. L'odeur salée de la Baltique. Le vent qui gifle son visage. Elle est encore enfant. Sa jupe plissée sage. La main d'Anneliese. Elle ne se souvenait pas de son visage. Et pas tout à fait de ce à quoi ressemblait la plage. Après tout, elles se ressemblaient toutes non?

Non, elle se souvenait d'autre chose. Un son d'abord. Régulier. Lourd. Un battement. Puis le renâclement d'efforts. Les muscles distendus. L'écume sur le poitrail. Cette bête titanesque. Noir brillant sur le sable blanc. La crinière épaisse. L'éclair du mors pessoa. La bride. La peur tout d'abord. Puis l'excitation. Toucher les naseaux palpitants, tendre la main vers l'oreille. Croiser le regard de l'officier en uniforme, avec son brassard orné de sa croix détestable, un sourire indulgent sur son visage. Désirer la force. La liberté. L'impétuosité de l'animal. Et elle souriait, dans son sommeil. Le bruit des sabots d'airain s'éloigne.

Un rayon de soleil la frappe. Elle tente de s'échapper. Il joue avec ses cheveux blonds. Vient caresser la nuque d'Ellie. Elle ouvre un oeil, doucement, regarde avec étonnement la jeune femme dans ses bras. Mais cet étonnement n'était rien. Rien par rapport au rougissement qui teinta violemment ses joues pâles. A cet instant précis, elle n'aurait su dire ce qu'il y avait de plus gênant. Sa main gauche s'était glissée sous le t-shirt d'Ellie, sa paume caressant la peau de son ventre. Ou son visage, si près du sien qu'elle pouvait sentir son souffle léger.

- Scheisse..., murmura-t-elle, embarrassée.

Horloge murale, juste par-dessus l'épaule d'Alexiane. 7h20. La journée commençait et le manoir s'éveillait doucement.
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Bad Dreams in the night Vide
MessageSujet: Re: Bad Dreams in the night   Bad Dreams in the night Icon_minitimeLun 10 Fév - 23:50


La salle est claire. Le Soleil s'épanouit par la fenêtre ouverte.
Dehors, une brise légère.
Ouvre les yeux, la vie est simple.

Les paupières d'Ellie frémissent. Le froid est parti. Elle se blottit instinctivement contre le corps qu'elle étreint.

Ne crains rien, la vie est simple.

Son nez effleure le cou et la soie d'une chevelure. Encore endormie. Elle pourrait arrêter de respirer. Ses muscles gourds se repaissent de plénitude. Ellie marmonne en français.
Ses traits sont détendus. Les démons se tiennent à l'écart. Place aux licornes et aux dragons. Il y a de l'enfance dans sa quiétude. De l'innocence.

Le rythme respiratoire s'accélère. Une épaule sous son menton. L'angle de la mâchoire. Un parfum unique.
Ses yeux papillonnent, se plissent. Un souffle contre ses lèvres. Proche.
Une main qui balaie la peau nue de son ventre. Et la chaleur qui l'engourdit toujours un peu plus, qui lui monte aux joues.

Sous ses yeux, des cernes encore. Témoin de ses insomnies. Ses iris brillent toutefois d'un éclat différent. Moins mécaniques, moins glacés. Son corps tonique s'étire légèrement, changeant paresseusement de position.

Les copeaux de lumières qui dansent dans ses cheveux.
Le Soleil.
Le Soleil.
Son coeur rate un battement. Elle est en retard. Ses muscles se raidissent, se tendent, prêt à bondir.
7h25.
Plus de deux heures de retard, embouteillage non compris. Elle se maudit en français, et saute du lit dans ses vêtements de la veille. Le sac sur son épaule. Le casque de moto sous le bras. Une main sur la porte.
Ellie se tourne vers la femme qui la fixe. Lui sourit maladroitement. Un remerciement. Un murmure.

-On se voit plus tard.

Elle slalome entre les élèves, vole une tartine et enfourche son monstre d'acier.
Ne plus rien craindre. Vaincre le monde.
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