Lorsqu’Alice posa un pied dans la propriété du professeur Xavier, elle se sentit instantanément chez elle. Bon, d’accord, ce n’était pas juste une impression : le château qui se dressait devant elle dans la pénombre était le seul foyer qui lui restait, en dehors de son appartement lorsqu’elle faisait des stages en centre ville. Dans tous les cas, un fait était certain. « Home sweet home » murmura la blondinette en faisant crisser les graviers sous ses semelles. Trois mois en stage dans les urgences pédiatriques, et elle venait enfin poser à nouveau ses valises au deuxième étage de l’Institut. Un petit sourire aux lèvres, Alice tendit la main en arrière pour attraper la poignée de sa valise et la soulever pour les derniers mètres à faire. Elle avait terminé son stage la veille, mais avait préféré dormir une journée complète, faire le point sur ce qu’elle allait pouvoir dire au professeur Xavier à propos de l’incident du cycliste, et surtout faire le point sur sa vie. Et ses envies. D’ailleurs, ce dernier point lui était assez obscur malgré tous ses efforts. Ce n’était pas qu’elle ne savait pas ce qu’elle voulait, mais c’était plutôt qu’elle ne savait pas si elle voulait des choses ou si ce n’étaient que des regrets qu’il lui valait mieux oublier le plus rapidement possible. Après tout… ça ne servait à rien de rester dans le passé, mieux valait se projeter dans l’avenir. Et se contrôler, avant de se mettre à redevenir pleinement spectral comme elle avait pu le faire à maintes reprises avant son arrivée ici.

Alice arriva devant la porte et hésita quelques secondes à en pousser le battant. Il n’était guère plus de six heures du matin, et elle était tout à fait consciente que son rythme de vie nocturne allait mettre du temps à se résorber et à redevenir plus ou moins normal. Que faire ? Attendre une heure plus… tardive pour entrer ou surmonter sa timidité, faire comme chez elle et ouvrir cette fichue porte qui était devant elle ? « Tu es ridicule, Alice. Tu disais quoi tout à l’heure ? Home sweet home, non ? Alors sois mature, ouvre cette porte, et tu ne dérangeras personne. » La voix d’Alice résonna autour d’elle, et la blondinette rougit légèrement dans le noir. Se parler à elle-même était un tic qu’elle avait hérité de sa mère – ce qui n’était pas bon signe question esprit sain – mais ça la rassurait de s’entendre et de ne plus être seule à se faire des nœuds au cerveau sans raison. Prenant son inspiration, elle leva la main pour toquer doucement à la porte – sait-on jamais. Et faillit partir dans un rire nerveux lorsqu’aucun bruit ne résultat de son mouvement et que sa main disparue jusqu’au poignet dans la porte. Bravo. Bien, félicitation. Tu oublies de ce genre de détail, maintenant. Tu as vraiment besoin de retrouver un rythme de vie calme, de te reposer et accessoirement de parler à d’autres personnes comme toi, ma petite. Oui, du sommeil, elle en avait bien besoin. Se concentrant pour faire ce qu’elle voulait, Alice passa la tête à travers la porte, tira sa valise derrière elle et entra sur la pointe des pieds dans le Hall du château, espérant que son intangibilité allait tenir jusqu’à ce que toute la valise soit passée à travers la porte, histoire de ne pas la fondre à moitié dans le bois comme elle avait pu le faire par le passé. Trop concentrée sur ladite valise, d’ailleurs, elle n’entendit pas entrer une nouvelle personne dans la pièce et sursauta dans un petit cri en apercevant finalement l’ombre d’un mouvement.

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