"Bienvenue à l'Institut mademoiselle Gray, vous trouverez le dortoir des filles au premier étage. Si vous des questions ou que vous vous sentez perdue, venez me trouver dans ma salle de classe." Ces mots raisonnaient depuis plusieurs minutes dans sa tête, elle n'arrivait pas à croire qu'elle s'était finalement décidée à rejoindre l'internat spécial mutants du Professeur Xavier. Ceci dit, elle ne regrettait pas son choix. Après avoir été rejetée par ses parents à cause de sa mutation à l'âge de dix ans et avoir vécu seule pendant plus de trois ans, il est normal qu'on cherche un endroit où se faire des amis et tisser des liens.

C'est donc en haussant un coup les épaules qu'elle reprit son chemin, un bonbon à la cerise dans la bouche et le reste du paquet dans la main. Elle déambula dans les couloirs, regardant avec peu d’intérêt les différentes décorations qui animaient le château. Elle aura certainement pu reconnaître certains tableaux et statues, si elle avait fait des efforts pour être présente à ses cours d'histoire à son ancienne école. Ses pas finirent par la mener aux escaliers qui montaient à ce fameux premier étage. Mais au moment où elle s'apprêtait à les utiliser, une exquise odeur vînt lui chatouiller ses douces et tendres narines. Elle ferma les yeux quelques instants, se concentrant cette senteur. Quelques secondes passèrent sans que la jeune femme ne bouge d'un pouce, puis soudain ses yeux s'ouvrirent en grand et un sourire espiègle orna ses lèvres. Du poulet.
Ni une ni deux, elle se dirigea d'un pas hâtif vers ce qui semblait être la cuisine. La porte étant entrebâillée, elle glissa un œil curieux à l'intérieur, découvrant ainsi un groupe de personne de sa tranche d'âge en train de discuter joyeusement. Elle resta un moment plantée là tandis que sans le vouloir son esprit replongeait dans son enfance. Elle se remémora toutes les bêtises qu'elle faisait, toutes les fois où elle avait était emmenée dans le bureau du directeur et toutes les punitions qu'elle avait réussit à décrocher. Elle se revit dans la cours de l'école, toujours en train de tenter d'échapper aux surveillants avec sa fameuse boîte à cookies dans les bras. Touts ces souvenirs, toutes ces gaffes qu'elle avait commit et dont elle était tellement fière ! Mais aussi touts ces enfants qui ne la calculaient pas. Pire encore, qui prenaient un malin plaisir à se moquer d'elle dès que l'occasion se présentait. Au début ça allait, ce n'était que des petites moqueries enfantines, mais plus le temps passait et plus elles devenaient cyniques et blessantes. N'étant pas du genre à se laisser faire, Rosie se défendait toujours de façon respectable, ce qui lui donna tout de même une certaine mauvaise réputation.
Et puis vint le jour où tout bascula. Le jour où cette Emma lâcha le mot de trop. Ne pouvant pas en supporter plus, Rosie se jeta sur elle, tirant et frappant tout ce qui lui venait sous la main. Bien entendu son adversaire la contra en attaquant aussi, prenant rapidement le dessus sur la jeune souffre douleur de l'école. Mais c'est là que ça se produisit. Là que Rosie gagna un taux de haine qu'elle n'avait encore jamais éprouvé auparavant. Là que quand elle posa sa main sur le visage d'Emma dans le but de la repousser, cette dernière commença petit à petit à perdre ses forces pour finalement tomber à terre, inconsciente. Des cris de frayeur retentirent autour d'elle tandis que la jeune brune essayait de comprendre ce qui venait de se passer, le regard perdu et apeuré. Elle se mit à détailler ses mains : pendant que l'autre s'était progressivement vidée de ses forces, Rosie avait comme sentit de l'air glisser entre ses doigts.
Soudain ses souvenirs s'accélérèrent. Elle sentit des mains la soulever, la ramenant de force chez elle. Elle entendit ses parents crier de partout dans la maison, en répétant une multitude de fois les mots "monstre", "internat" et "New York". L'instant d'après elle se vit dans sa chambre, en larmes. Les blessures qu'elle avait récupéré lors de sa bataille la faisait encore souffrir, mais ce n'était pas pour cela qu'elle pleurait. Non, c'était parce que demain elle prendrait l'avion et partirait loin d'ici, et qu'elle n'aurait plus jamais de nouvelles de sa famille.

Des multitudes de sentiments commencèrent à s'accumuler en elle, de la rage, de la solitude, de la colère, de la tristesse, de l'amertume, de la douleur, de la mélancolie. Elle sentit son esprit revenir à l'instant présent, incapable de bouger et son regard focalisé sur cette bande de jeunes entourant un délicieux poulet. Elle mit du temps à s'apercevoir qu'ils regardaient à présent tous en direction de la porte où elle était cachée, leurs yeux traduisant leur curiosité. Quand ce fut le cas, son système nerveux redevint à nouveau opérationnel. Elle se précipita en arrière, voulant fuir cette vision du passé des plus affreuses. Dans sa fuite elle se cogna contre une étagère derrière elle et atterrit les fesses les premières

- Je suis désolé, je ne voulais pas... Glissa une petite voix masculine à sa droite.

Haletante après l'expérience qu'elle venait de vivre, Rosie tourna sa tête instinctivement vers le jeune garçon qui venait de parler. Il était lui aussi recroquevillé sur lui même, dans un coin du couloir. D'après l'expression qu'il avait, il semblait qu'il s'en voulait pour quelque chose qu'il avait commit non-intentionnellement (ce qui était d'ailleurs le cas). La nouvelle arrivante lui adressa un sourire crispé, elle avait vite comprit que ce jeune garçon avait le pouvoir de voir votre passé en vous le faisant revivre. Elle haussa timidement les épaules.

- C'est-- pas grave. Elle fit une petite moue. Gardes juste ça pour toi. Dit-elle avant de reprendre son air moqueur habituel dans l'intention de détendre l'atmosphère pesante qui s'était installée. Ou sinon je ferai en sorte que ton lit ait l'odeur d'un fromage moisit et ce pour les semaines à venir. Elle se remit délicatement sur ses pieds en lui faisant un clin d’œil et tirant la langue.

- Promis ! Répondit-il précipitamment en réaction à cette menace amicale. Il se détendit toutefois quand il capta l'amusement de la jeune femme.

Sonnée par le coup qu'elle avait prit à la tête, cette dernière chancela légèrement, faisant sonner le rire cristallin de son interlocuteur. Elle lui adressa un regard vexé avant de rire à son tour, elle devait vraiment avoir l'air ridicule ainsi. Son regard vint se déposer sur les livres gisants à terre. Après un bref moment d'hésitation, elle les ramassa pour les empiler maladroitement sur l'étagère. Elle contempla son œuvre de rangement, puis hocha du chef en se disant que c'était très bien comme ça.
Après avoir inspecter hâtivement autour d'elle, elle adressa un dernier sourire de mise en garde à l'enfant pour finalement retourner vers les escaliers, sans se soucier des deux jeunes qui venaient de sortir de la cuisine pour voir ce qui se tramer.
Elle avait plus intéressant à faire que de tenter de s'expliquer à des potentielles futures cibles de farces, et encore que de se régaler en dégustant un merveilleux poulet rôti. Oui, elle avait une nouvelle vie à préparer. Et cette vie, elle était ici, dans cet Institut où elle ne serait plus jamais seule.