Placé dans un centre d'accueil dès son plus jeune âge, Eamon n'a jamais connu ses parents. D'après la rumeur, sa mère, ou ses parents, était trop jeune pour s'occuper de lui. Grâce à sa bouille d'ange, son regard malicieux, le petit garçon fut immédiatement adopté par une famille plutôt aimante, qui lui offrit une bonne éducation et lui promettait un avenir agréable. Jusqu'au jour où Eamon souffla ses huit bougies. Plutôt réservé et très imaginatif, l'enfant n'avait que très peu d'amis. Aussi, pour son anniversaire, Eamon fut mis à l'écart, dans sa propre maison, par ses camarades d'école qui s'amusaient entre eux. Ses parents ignoraient que leur fils n'avait pas d'affinités particulières avec les autres enfants de sa classe. Ils ne se doutèrent donc pas un seul instant de la peine d'Eamon, lorsque celui-ci se retrouva seul dans sa chambre avec un matériel de dessin qu'ils lui avaient offert.

Pour s'occuper, le garçon s'était saisi d'un crayon et dessina une silhouette sur la première page du calepin, en pensant à tous ses soi-disant amis qui l'avaient exclu de sa propre fête. Pourquoi les enfants étaient-ils si méchants entre eux, sans raison ? Eamon versa une larme, en terminant son dessin sans visage. Une silhouette qui représentait sûrement un parent biologique qu'il n'avait jamais connu. Lorsque les larmes se succédèrent, le garçon lâcha son calepin pour vite se rendre dans la salle de bain afin de s'essuyer le visage. Il ne voulait pas qu'on se moque de sa faiblesse. Que diraient les autres s'ils le voyaient pleurer, comme une fillette.

À son retour en bas, Eamon fut surpris de voir seulement ses parents, dehors, devant le pas de la porte qui était grande ouverte. De nombreux cadres s'étaient décrochés des murs, la pièce était en désordre. Qu'est-ce que ces imbéciles avaient fait à sa maison ? Eamon était en colère, et demanda rapidement à ses parents ce qu'il se passait. Mais ils n'en savaient rien. Et quelques mois plus tard, les mêmes événements s’enchaînèrent, les uns après les autres, sans explications. Des miroirs brisés, les pneus des voitures crevés...

Un jour, Eamon fut convié au salon pour discuter de tous ces accidents. D'après eux, lui seul en était responsable. À chaque fois que quelque chose d'anormal se passait, Eamon était en colère. Ils pensaient alors que l'enfant se révoltait contre son adoption, et qu'il le faisait payer à ses parents. Eamon, qui n'était pas du tout d'accord avec cette histoire, tenta de prouver son innocence, mais il était trop tard. Ses parents ne voulaient plus de lui. Ils ne voulaient pas élever un délinquant. Un menteur. Un hyperactif.

Après les récents événements, Eamon changea de foyers presque tous les mois. Jusqu'à ses quatorze ans, où un couple, habitués aux têtes brûlées, décidèrent de l'accueillir chez eux. C'est à Manhattan que le garçon partit sur de nouvelles bases. Dans la maison, il y avait des règles strictes. Pas de sorties avant l'heure du dîner. Pas d'amis à la maison - ce qui ne serait pas difficile. Et surtout, pas de désordre. Connaissant le passé rebelle du garçon, le couple pensaient pouvoir l'aider en lui payant des séances chez le psychologue. C'est ainsi que Eamon commença à se renfermer un peu plus sur lui-même, parlant à peine aux psy qu'il rencontrait. Seuls ses dessins et sa passion pour la photographie le sortaient de son ennui et de cette vie qu'il n'avait pas choisi.