Le décor vacilla un instant. Ses yeux, auparavant rivés sur le sol, contemplaient à présent sans réellement le vouloir un ciel d'encre noir dépourvu de nuages d'où scintillaient quelques étoiles. Il tituba légèrement. Son crâne fut le premier à prendre des nouvelles du mur crépis, avant que son dos ne s'empresse de le rejoindre. Un peu sonné, il sentait encore sa main gauche fermement agrippée à un tissu -du coton ?- et un souffle répugnant semblable à celui d'un boeuf courir sur ses phalanges. Et, surtout, il avait un mal de chien.

Comment en était-il arrivé là ? Même Nick n'en savait trop rien.

Il faisait frais ce soir là et, ajouté à la ruelle mal éclairée, une ambiance sinistre eut tôt fait de s'installer. Surtout lorsque le seul bruit qui troublait ce parfait silence n'était autre que celui de ses propres pas. Ni la crainte, ni la paranoïa ne l'habitaient pourtant. Non, à vrai dire, il se sentait plutôt bien. Un peu anxieux, peut-être.
Voilà deux semaines qu'on lui avait rendu Andra, la femme qu'il aimait. Même si ses retrouvailles étaient synonyme de réjouissance, Nick continuait à se ronger les sangs pour elle. Les ravisseurs de son frère se jetteraient probablement bientôt aux trousses de la belle et les circonstances de leur rencontre auraient même pu accélérer les choses... Néanmoins il pouvait compter sur le soutien d'autres mutants, dans le cas où ses recherches resteraient infructueuses. D'un côté, cette idée le réconfortait. S'il désirait protéger Andra, le rouquin devait être au maximum de ses capacités et...

"Hé !"

Des pas, rapides, se dirigèrent vers lui. Ses pensées, encore tournées vers sa petite amie et ce danger qui la menaçait, évincèrent sans mal l'inconnu. Après tout le britannique ne se doutait pas qu'il était la personne visée, malgré le paysage totalement désert.
Et, comme si on avait entendu ses prières, la température grimpa de quelques degrés comme une douce chaleur prit naissance sur sa mâchoire. Il aurait certainement remercié le ciel pour ce cadeau si une douleur lancinante n'avait pas fait rapidement de lui son otage. Nick ne réalisa que tard ce qu'il s'apprêtait à vivre par la suite, en croisant brièvement le regard empli d'aggressivité de cet homme. Puis ses poumons se vidèrent brutalement et il se plia d'instinct. Qui pourrait lui vouloir du mal ? Il encaissa un nouveau coup dans l'abdomen avant de se voir plaqué contre un mur. Nick respirait fort, de manière irrégulière, et chaque bouffée d'air le déchirait de l'intérieur. Mais pour l'heure il s'en sortait encore chanceux. Tout s'était enchaîné si vite... Son cerveau raccrocha à la réalité. Ces quelques secondes écoulées depuis le début des hostilités lui parurent bien longues. Enfin, il put voir son visage et évita de justesse un coup de poing destiné à lui refaire le nez.

Oui, voilà, bien sûr, on l'avait retrouvé et à présent il en payait le prix: celui de cacher une personne à laquelle il tenait. Seulement, la haine submergeait Nick qui, déjà d'un naturel bagarreur, avait reprit conscience de sa force insoupçonnée. Pas de musculature saillante impressionnante pour le rouquin, certes, mais l'expérience accumulée au cours de prises de becs plus ou moins gentillettes lui permettait de se défendre efficacement. Ce soir-là ne faisait pas exception à la règle, d'ailleurs.
Les rôles s'étaient rapidement inversés depuis. Après que son genou eut rencontré une partie sensible de l'anatomie du gars, Nick tâchait de lui faire regretter cet acharnement envers Andra, et lui-même par la même occasion. La mâchoire, le nez et les côtes y passèrent naturellement, tour à tour, puisque agresseur et victime changeaient fréquemment. Difficile de tenir totalement tête à un agent de la CIA, bien que de corpulence similaire. Pourtant, et jusque là, l'honneur de Nick ne s'entâchait pas. Il en vint brièvement à penser qu'il devait surtout son intégrité physique aux entraînements acharnés avec Mystique, incarnation parfaite de la souplesse en plus de se montrer maline, au QG de la Confrérie. Ou bien il s'agissait d'un agent en carton, essentiellement cantonné à son bureau, tout simplement.

Tous deux n'avaient pas fière allure avec leurs vêtements tâchés. Andrew commençait à ressembler à un panda avec son oeil contusionné et du sang coulait de la bouche de Nick, la lèvre inférieure fendue et la langue certainement meurtrie aussi vu la quantité. Le rouquin profita d'avoir l'agent à terre un court instant pour se relever et lui asséner un coup de pied bien senti dans le ventre. Puis un autre. Et encore un autre. La haine le faisait pratiquement trembler, l'aveuglait complètement même, comme il voyait déjà les yeux éteints d'Andra, posée là sur une table aussi froide que son cœur. Nick aurait continué jusqu'à ce que cette crapule ne sache plus comment respirer, si le destin n'avait pas décidé de l'en dissuader.