Tic, tac, Tic … UN, deux, trois, UN, deux, trois … Le pied de Cyrus battait la mesure, accentuant rageusement le premier temps, ce temps que mesurait imperturbablement la montre à gousset posée sur le bureau victorien en acajou devant lui. Cette montre sur laquelle se posait son regard. Cette montre qui continuait de tuer le temps, le disséquant froidement en unités abstraites vidées de tout contenu, ressoudant ensuite ce qu’elle avait séparé pour le reconstituer de façon artificielle, et le réduire à l’ombre de ce qu’il avait été. Tic, tac, Tic… Il passerait, il passait, il était passé, extirpant du néant une chose ou une autre pour mieux l’y replonger ensuite, mouvement du possible au présent, et du présent au passé, il n’était que ça… et c’était tout ce que retenait l’horloge de celui qui avait vu le jour dans une époque désuète… le mouvement, qu’elle réduisait à celui de ses engrenages. Mais si le temps finissait par rogner complètement la valeur des monnaies les plus solides, son gardien du moment avait suspendu son verdict, lui qui avait déjà disposé de plus temps qu’il n’aurait du en avoir. Mais qui de lui ou du monde était en retard désormais ? Il aurait parfaitement pu accepter être condamné à endosser le rôle du lapin blanc, si il n’avait pas eu si souvent l’impression que dans ce monde c’était Alice et non le lapin blanc qui était en retard. Mais peut-être était-ce là sa punition pour oser se révolter contre le cours du temps ?

Sed fugit interea tempus fugit irreparabile, dum singula amore capti circumvectar … Mais en attendant il fuit, le temps fuit sans retour, tandis que nous errons prisonniers de notre amour du détail.

Un amour du détail qui ne lui avait fait détourner l’œil qu’une minute à peine, pour veiller à la préparation de sa tasse de thé. Une minute qui avait suffit à ce que le dragon miniature qui ornait le brûle parfum japonais du XIXème siècle qui se trouvait habituellement sur ce bureau et qu’il avait rendu réel par simple volonté prenne la fuite vers il ne savait quel coin de la boutique. Et maintenant qu’il avait échappé à la vigilance de son propriétaire, qui savait où il avait pu se cacher. Habituellement les entités à qui il insufflait la vie ne faisait que répondre à l’instinct de la figure qu’il représentait, il y avait donc de forte chance que le dragon soit parti protéger ce qu’il considérerait comme son trésor et qui pouvait être n’importe quel pièce ou objet présente dans le petit magasin d’antiquité.

Il avait donc eu beau fouiller au quatre coins de la boutique, Cyrus n’étais finalement pas parvenu à remettre la main sur e petit dragon de bronze de 30cm et se retrouvait donc à taper du pied d’agacement en suivant la mesure de cette montre qu’il avait posé là pour l’examiner bien plus tôt, le tout en se demandant quel endroit il n’avait pas encore vérifié pour retrouver le petit fugitif.

Tic, tac, Tic… UN, deux trois…

Etait-il parti se réfugier entre les modèles réduits de voitures de collections ? A moins qu’il n’ait choisi de faire son nid entre la grande horloge et le secrétaire Napoléonien de l’arrière boutique ? Et tandis qu’il se perdait dans ses pensées, froide, objective, la montre plaça un tac rageur dans le silence, réduisant au mutisme le tic qui s’était écrié être le dernier son à résonner. Mais ce n’est pas un nouveau tic qui répondit à cette provocation mais plutôt le carillon de la cloche alors qu’on poussait la porte d’entrée, lui faisant relevé les yeux des aiguilles, surpris par le son, pour voir la personne qui venait d’entrer et ainsi, l’accueillir.

« Bonjour, que puis-je faire pour vous ? »

Ce n’était pas parce qu’il avait l’esprit préoccupé par la petite figurine qui devait se promener allègrement, qu’il n’en restait pas courtois et maitre de son comportement, accueillant ses clients comme il le faisait à chaque fois. Il y avait seulement à espérer que tant qu’il ne serait pas à nouveau seul, rien n’attirerait l’attention sur ses dons.

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