Aedis, habillée, une fois n'est pas coutume, d'une longue robe pailletée rouge, chaussée de petits escarpins rouges eux aussi, maudissait son propre pouvoir. Ou alors, le fait que quelqu'un ayant le pouvoir de se téléporter ne se trouve justement PAS dans le coin. Comment les femmes pouvaient-elles porter ainsi ce genre de chaussures et de vêtements quotidiennement ? Même les armures de maille qu'elle portait durant son enfance étaient plus pratiques ! On avait de la place pour écarter les jambes, courir... Là, il lui fallait marcher d'un pas mesuré, comme si elle était en équilibre sur un fil. Bon sang, plus jamais ! Elle regrettait vraiment les chausses et les tuniques confortables ; voire même les longues mais larges robes.
En plus, elle ne pouvait même pas cacher d'arme là-dessus, la robe étant plus moulante qu'un pantalon en cuir. Entrant dans le bâtiment avec toute la discrétion dont elle était pourvu, la "jeune" femme inspira d'un coup sec l'atmosphère enfumée qui régnait sur les lieux. Les membres humains du club, qui ignoraient tout de l'activité réelle des Damnés se réunissaient souvent autour des danseuses, cigares et verres à la main. Bien qu'elle répugne à approcher ces êtres qui n'hésiteraient en aucun cas à la tuer et à faire des expériences sur son corps si elle révélait qui elle était, elle était obligée de garder un semblant de relations avec eux. D'ailleurs, un sénateur l'aborda, tout sourire, mais d'un sourire qui faisait penser plus à un requin qu'à un nounours :

- Ma chère demoiselle ! Comment allez-vous ? Il faut que vous me donniez absolument l'adresse de la personne qui s'occupe de votre si joli minois... Des années que je vous vois, vous n'avez décidément pas pris une ride.
- La seule personne habilitée à s'occuper de mon visage, c'est moi. Un sien régulier et journalier, et c'est tout de suite mieux.

Sortant son sourire comme on sortirait des crocs, elle le salua alors qu'il palissait, et s'enfonça dans la foule. Il faudrait qu'elle commence à se méfier. Changer d'identité, faire disparaître les plus anciens humains du club. Mais cette situation devenait réellement dangereuse, et pour elle et pour les mutants. Entrant dans une des cabines, elle la fit pivoter, puis entra dans la bibliothèques, n'oubliant pas de remettre la salle à sa place. Soupirant, elle se dirigea vers un recoin où trainait un sac, loin de ce qu'on pourrait appeler "classe". Mais ils étaient entre mutants, et ça n'allait sûrement pas gêner. Se changeant en deux temps trois mouvements, elle se retrouva vêtue d'un pantalon noir et d'un t-shirt manches courtes blanc. Voilà une bonne raison d'apprécier le XXème siècle ! Tout ça pour une histoire de paraître ! Elle soupira, rangeant la robe et les talons (elle était à présent en simples chaussures plates) dans le sac, et se rendit dans le salon. Personne. Dommage, surtout qu'elle était venue juste pour prendre des nouvelles. S'asseyant lourdement sur un canapé, elle se décida à attendre que quelqu'un vienne. Après tout, elle avait une quasi-éternité devant elle...

Je me trouvais sur l'île qui m'avait vu naître il y a bien des années de cela, je contemplais le ciel noir, il n'y avait presque aucun nuage. La lune était pleine, c'était une merveilleuse nuit, non loin de moi, se trouvait une femme. Malheureusement pour elle, cette dernière se trouvait en bien mauvaise posture, la blondinette était allongée sur un hôtel de pierre, les mains et les pieds ligotés pour éviter qu'elle ne s'échappe. Autour d'elle se trouvait des symboles, des torches, elle criait me suppliant de la laisser s'en aller. Mais je n'avais que faire de ses supplications, j'avais besoin d'elle. J'étais assis sur l'une des pierres de l'île, je portais une tenue bien différente qu'à mon habitude. J'avais laissé dans mon placard le costume sombre, comment étais-je habillé ? Je ne portais aucun vêtement, j'avais l'impression d'être revenu à une époque très lointaine. Après plusieurs heures d'observations, je me levais, je me dirigeais vers la jeune femme, ma fidèle dague se trouvait dans ma main gauche. Je la regardais, je me trouvais au niveau de son visage, lui caressant les cheveux, je lui marmonnais à l'oreille. Ne t'inquiète pas, cela ne durera qu'une minute, dis-toi qu'après que tu ne souffriras plus. Ces paroles avaient pour but de la calmer, même si cela s'avérait être un échec. Je pris une grande respiration, levant les yeux au ciel, la blonde pleurait, se tortillait dans tous les sens pour s'échapper de son étreinte, mais il était trop tard. La lame glacée de ma dague avait pénétré dans son coeur.

"Voilà pour vous mes frères ! Une douce humaine, je vous en donnerai des milliers des comme elles, quand nous foulerons cette terre ensemble !" Dis-je de vive voix.

Voyant le corps inerte et sans vie, je retirais la lame, je laissais le cadavre en pâture pour les animaux. Dès que mon rituel fut achevé, je pouvais quitter l'île. Ne laissant derrière moi qu'une fine fumée rouge. Je réapparaissais dans l'enceinte secrète du Club, je voyais une jeune femme assise sur l'un des nombreux canapés blancs. Il s'agissait d'Aedis Darrek, une mutante ayant un âge beaucoup plus élevé que la normal. Je me trouvais non loin d'elle, nu. Voyant que cette vue la gênait, je disparaissais de nouveau afin de revenir sous ses yeux, habillé. Elle dû attendre dix minutes avant de réavoir de la compagnie, je m'approchais d'elle, vêtu de mon costume noir habituel.

"Que fais-tu ici Aedis ? Tu es toute seule, cherches-tu la solitude ? Peut-être que les hommes qui se trouvent au-dessus de nos têtes ne sont que des vulgaires créatures insignifiantes ne pouvant même pas vivre un siècle, pour toi ?" Dis-je d'un ton calme et posé.

Je me tenais devant elle, droit comme un i, les mains dans les poches. Mes yeux sombres étaient plongés dans les siens. Elle ressemblait beaucoup à la jeune femme que je venais de tuer à l'instant. Belle, fraiche, jeune. Ce qui me plaisait en elle, ce n'est autre que son âge, elle fait partie d'un cercle très fermé, je me demande même jusqu'où pourrait aller sa mutation, peut-elle vivre des milliers d'années ou bien quelques siècles ?

Plongée dans ses pensées, Aedis ne remarqua pas tout de suite l'arrivée du diable. Un léger bruit la "réveilla" en quelque sorte, et elle tourna la tête vers Azazel. Quand elle vit comment il était habillé (en tenue d'Adam, n'est ce pas paradoxal pour un démon ?), elle ne put s'empêcher de rougir comme une pucelle, et de fermer les yeux. Elle ne dit rien, trop surprise pour prononcer quoique soit, et attendit quelques secondes avant de rouvrir les yeux. Prudemment, elle regarda autour d'elle, et vit qu'il était parti, laissant derrière lui l'habituelle brume rougeâtre. Soupirant, elle secoua la tête, maudissant sa pruderie. Elle avait beau être plus âgée que la plupart des membres du Club, elle s'était comportée comme une donzelle effarouchée après un bain de minuit. Cette image la fit rire, et elle pesta aussi intérieurement sur Azazel, qui avait le culot de se pointer ici comme au jour de sa naissance. Il aurait bien du se douter qu'il y aurait quelqu'un après tout ! Bon, après, tout était relatif. Peut-être que si ça avait été Shaw, ou n'importe qui d'autre, elle n'aurait pas réagi ainsi. Mais le rouge l'intimidait, et lui faisait même peur. Il avait beau répéter qu'il était comme n'importe quel mutant, il avait une aura différente à celle de n'importe qui, même de leurs deux adversaires. Quelque chose de terrifiant... Et de fascinant à la fois. Elle se demandait même parfois comment faisait Shaw pour ne pas s'en rendre compte, mais elle mettait ça sur sa très longue expérience personnelle, et sur sa relative humilité.
Tout à coup, Azazel réapparu, dans son habituel costume noir. Lui souriant, rassurée qu'il soit revenu et habillé, elle fit abstraction de ce qu'elle pensait, et se concentra sur l'instant. C'est Azazel qui prit la parole, presque guindé. Après quelques courtes secondes, elle lui répondit :

- Ceux qui se trouvent au-dessus de nous ne sont même pas dignes d'intérêt. Ils ne peuvent comprendre que ce qu'ils voient, et malgré les signes qui leur apparaissent depuis bien longtemps, ils ne peuvent voir les transformations qui s'opèrent... Je ne recherche pas particulièrement la solitude, mais ils m'insupportent...

Surtout s'ils commençaient à se douter de quelque chose. Ca faisait trop longtemps qu'elle s'affichait en public parmi les humains. Elle s'était reposée sur ses lauriers, trop confiante après la montée en puissance des Damnés pour faire attention. Pourtant, la face visible de l'iceberg, avec son lot d'humains, était essentielle. Ils fallait qu'ils ne se doutent de rien. Si elle-même faisait capoter leurs plans à cause de sa maladresse et de sa trop grande confiance, elle n'oserait pas même pas imaginer la réaction de Shaw... Et contre elle, il pouvait tout... Les mutants étaient sous ses ordres, et ne s'embarrassaient pas de scrupules.

- Et toi, que fais-tu ici ? Ton arrivée m'a quelque peu... surprise.

Et c'était peut-être même un euphémisme.

J'attendais que la jeune femme réponde à ma question sur la solitude. Elle ne me fit pas attendre, en me répondant rapidement avec un ton méprisant pour ces créatures que je ne pouvais qu'apprécier. Je m'approchais d'elle, je m'asseyais en face d'elle, les jambes croisées, mon regard sinistre était plongé dans ses ravissants yeux bleus. A son tour, elle me demanda la raison de ma visite, et elle ne put pas s'empêcher de faire une remarque sur mon entrée des plus naturels. Je lui souriais pour lui montrer que j'étais venu en ami, et que je la considérai comme une mutante d'une autre catégorie supérieure.

"J'espère au moins qu'elle t'a plu, tu es une des rares personnes à me voir autant à découvert. Si, je suis venu ici, c'est pour me reposer et pour discuter avec les autres membres du Club, car maintenant nous sommes une sorte de famille."

Je n'ai pas pu m'empêcher de pousser un petit rire gras sur la fin de ma phrase. Eux ma famille ! Il ne faut pas être bien intelligent pour voir que je les considère comme des insignifiants insectes. Bien sûr, il y a quelques exceptions, tous ceux qui partagent le même pouvoir que moi, c'est-à-dire l'éternité, on plus de chance de gagner mon respect ainsi que ma sympathie.

"Mademoiselle Darrek, c'est bien cela ? Vous pouvez me le dire si ma présence vous perturbe, vous ne serez pas ni le première ni la dernière."

J'étais passé du tutoiement au vouvoiement, en l'espace de quelques secondes. Je la regardais, elle était très jolie. Je voyais en elle une possible futur mère de l'un de mes enfants, car même si je travaille pour Shaw, j'en oublie point mon objectif principal. Quel est donc cet objectif principal ? Trouver des femmes mutantes, et les mettre enceinte afin qu'elle engendre le plus d'enfants possibles, car grâce à leur sacrifice, je pourrai libérer mes frères, et déclencher l'apocalypse. Charmant n'est-ce pas ? Il ne faut pas oublier que je suis un diable et que je ne suis pas là pour m'amuser, comme le fait Shaw. Il faut savoir qu'elle n'est pas la seule dans mon collimateur, elle doit être la troisième sur ma liste, mais elle est la première du Club des Damnés. Si j'ai rejoint ce groupuscule, c'est pour partir à la rencontre du sexe opposé, seul cela me prendrait bien trop de temps, mais grâce à la politique de recrutement de Sebastian, je gagne un temps précieux.

Spoiler:

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